Un entrepreneur chinois risque sa vie pour dénoncer la persécution en Chine

4 mars 2019 18:56 Mis à jour: 11 juillet 2019 00:31

Face à l’injustice dans son pays natal, la Chine, l’homme d’affaires prospère Yu Ming a voulu raconter au monde ce qu’il a vu.

À la manière d’un film d’Hollywood, Yu Ming a orchestré une tentative d’évasion d’un camp de travail chinois pour dénoncer la torture qui faisait partie des préparatifs pour les Jeux olympiques en Chine. Il a voulu également dénoncer la Chine pour vol et violation des droits d’auteurs, en écrivant des articles sur la façon dont les prisonniers étaient utilisés pour aider à la publication de livres piratés. En outre, il a travaillé avec les jeunes avocats chinois des droits de l’homme pour faire appel aux tribunaux chinois. Aujourd’hui, ayant fui aux États-Unis, il raconte son histoire.

Début août 2008, alors que le monde entier était émerveillé par la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Pékin, Yu Ming,  entrepreneur de 35 ans, était alité dans un hôpital affilié au tristement célèbre camp de travaux forcés de Masanjia, après avoir subi de longues et graves tortures.

Il avait subi des chocs par matraques électriques à haute tension. Pendant trois mois, il a été enfermé dans une cage de fer spéciale, dans laquelle il ne pouvait ni se tenir debout ni dormir. Un jour, on l’a tiré et traîné à l’étage inférieur, le visage tourné contre le sol alors que sa tête tapait violemment sur chacune des marches.

Yu Ming est accueilli par son épouse et son fils à l’aéroport international de San Francisco le 27 janvier 2019. (The Epoch Times)

C’était la troisième fois qu’il était emprisonné pour avoir pratiqué la discipline spirituelle Falun Gong, qui est persécutée en Chine depuis juillet 1999.

Yu Ming a commencé à pratiquer le Falun Gong en 1996, par l’entremise d’un client. Le client avait donné un exemplaire du texte principal du Falun Gong, Zhuan Falun, à son épouse.

À cette époque, M. Yu était déjà un entrepreneur prospère dans la ville de Shenyang, la capitale de la province du Liaoning dans le nord-est de la Chine. Plus tard, son entreprise de mode embauchera plus de 100 employés et fournira des emplois à 1 000 autres travailleurs dans six fournisseurs appartenant à l’État.

Ainsi, son client et son épouse pensaient tous les deux qu’il n’était pas le genre de personne qui s’intéresserait à une pratique spirituelle, et ils ne lui ont pas montré le livre. Cependant, plus ils voulaient lui « cacher » le livre, plus M. Yu voulait savoir de quoi il s’agissait.

Il a donc saisi le livre de son épouse et a tôt fait de lire six des neuf conférences du livre en une nuit. Le lendemain matin, il s’est mis à la recherche d’un site de pratique du Falun Gong dans le parc, où il pourrait apprendre les exercices de la pratique.

Le Falun Gong, aussi connu sous le nom de Falun Dafa, consiste en cinq séries d’exercices méditatifs doux et en enseignements basés sur le principe Authenticité-Bienveillance-Tolérance. Les pratiquants ont souvent fait état d’améliorations extraordinaires de leur état de santé, d’une diminution du stress, de meilleures relations avec leur famille et leurs collègues et d’un meilleur sentiment d’accomplissement de leur vie.

En 1992, M. Li Hongzhi a commencé à enseigner publiquement le Falun Gong – auparavant, cette pratique ancienne n’avait été transmise que d’un maître à un seul disciple par génération – et elle s’est immédiatement répandue dans toute la Chine par le bouche à oreille.

En 1999, les médias occidentaux rapportaient que 100 millions de personnes en Chine avaient adopté cette pratique. Le dictateur de l’époque, Jiang Zemin, craignait un tel grand nombre de personnes s’adonnant à quelque chose hors du contrôle du Parti communiste chinois (PCC), et il craignait que le peuple chinois puisse trouver ses enseignements moraux traditionnels plus attrayants que l’idéologie communiste, qui est basée sur le matérialisme, l’athéisme et la lutte des classes.

En juillet 1999, Jiang Zemin a utilisé toutes les ressources étatiques du Parti communiste contre le Falun Gong, ce qui a contribué, entre autres, à l’hospitalisation de M. Yu en 2008.

Une évasion réussie mais ratée

À l’approche des Jeux olympiques de Pékin, Yu Ming a vu de plus en plus de personnes arriver au camp, condamnées pour « projet de vol » ou « préparation au vol ».

Selon un rapport d’Epoch Times, afin d’assurer la « sécurité » de Pékin avant les Jeux olympiques de 2008, plus de trois millions de personnes ont été chassées de la capitale, plus de 60 000 maisons ont été démolies et plus d’un million de personnes ont été conduites dans des camps de travail.

À l’intérieur du camp, la torture et la terreur s’intensifiaient pour « transformer » les pratiquants du Falun Gong, les forçant à renoncer à leurs croyances, à révéler des informations sur ceux qui pratiquaient le Falun Gong et à professer leur loyauté envers le Parti communiste.

Yu Ming ne supportait pas de voir des innocents si terriblement torturés. De plus, il estime que le monde extérieur devrait savoir ce qui s’est passé en Chine après que Pékin a obtenu le droit d’accueillir les Jeux olympiques : au lieu d’améliorer sa situation sur ses violations des droits de l’homme comme l’attendait la communauté internationale, le régime communiste a persécuté et même tué des gens à cause des Jeux olympiques.

Yu Ming a décidé d’exposer ceci.

Mais comment ? Il a créé un plan.

Selon son plan, deux compagnons de cultivation du Falun Gong s’échapperaient du camp, puis tenteraient de prendre contact avec des journalistes étrangers qui étaient à Pékin pour couvrir les Jeux olympiques, dans l’espoir que la situation dans le camp puisse attirer l’attention.

Un dessin montrant le type de cage dans laquelle Yu Ming a été emprisonné pendant trois mois. (minghui.org)

En raison de la sécurité moins stricte de l’hôpital, M. Yu a réussi à se procurer des téléphones portables, de l’argent liquide et, surtout, une lame de scie.

Comme de nombreux détenus du camp de travail étaient souvent envoyés à l’hôpital et ensuite ramenés au camp, grâce à des communications minutieuses et des calculs compliqués, M. Yu a pu coordonner cette évasion de l’hôpital.

Il a trouvé des gens à l’extérieur du camp pour venir en aide à ces deux évadés après leur fuite du camp, et il a trouvé une autre personne pour leur louer un endroit où se cacher pendant que la police les rechercherait frénétiquement.

Et il y avait autre chose à considérer : après l’évasion des deux pratiquants, les gardes de police en service et 22 autres détenus de la même cellule seraient certainement impliqués et sévèrement punis.

En tant que personne qui suivait les enseignements de Authenticité, de Bienveillance et de Tolérance, M. Yu ne voulait pas que cela arrive. Il voulait traiter ces spectateurs innocents avec compassion.

Alors il a réussi à accumuler quelques somnifères. Il a dit au médecin qu’il ne pouvait pas dormir. Lorsqu’on lui donnait des somnifères, il faisait semblant de les avaler devant l’infirmière, mais en fait il les cachait dans l’autre main.

De cette façon, il a ramassé petit à petit assez de pilules pour endormir tous les détenus et les gardiens dans sa cellule le jour de l’évasion. S’ils étaient endormis au moment de l’évasion, ils ne seraient pas tenus responsables de ne pas l’avoir empêché.

Le 11 août 2008, le plan a été exécuté. Les barreaux de fer d’une fenêtre de la cellule ont été coupés et cassés, les deux pratiquants se sont glissés du troisième étage du bâtiment à l’aide d’une corde faite de couettes.

Tout s’est bien passé. Ils ont été ramassés au bon moment, au bon endroit, par les bonnes personnes, jusqu’à ce que… La deuxième personne qui devait louer l’endroit pour qu’ils y restent ne se soit pas présentée.

Personne ne savait ce qui n’allait pas. Yu Ming a dû s’arranger pour que son épouse Ma Li ramasse les deux évadés et les dissimule chez lui et son épouse, sachant très bien que cela était très risqué.

De fait, trois jours plus tard, des centaines de policiers, certains armés de fusils, ont encerclé tout le quartier résidentiel du domicile de Yu Ming et emmené les deux évadés, ainsi que Ma Li.

Cette évasion presque réussie du camp de travail « modèle » pendant les Jeux olympiques de Pékin a rendu fous les plus hauts dirigeants du régime communiste. L’évasion a été classée comme un « incident majeur » ; au moins 7 policiers ont été licenciés et deux directeurs adjoints du camp ont été sanctionnés.

Yu Ming et les deux pratiquants qui s’étaient échappés ont été férocement torturés.

Un dessin montrant la torture d’être pendu par les bras que Yu Ming a subie après la tentative d’évasion du camp de travail de Masanjia. Il a été pendu comme ça pendant un mois. (Minghui.org)

M. Yu a été suspendu à une porte, les bras tendus, les pieds à peine en contact avec le sol. Il a été pendu dans cette position pendant plus d’un mois, jour et nuit. Parfois, il pouvait être libéré quand il devait répondre ses besoins ; parfois, la police ne le libérait pas, même quand il avait besoin d’aller à la toilette. Il prit donc le moins possible de nourriture et d’eau qu’on lui poussait dans la bouche.

Il a failli mourir à cause de ça.

Les deux autres ont été torturés de façon bien pire, a partagé M. Yu. Le camp de travail a reçu un quota de deux morts après cet incident, ce qui signifie que le camp de travail pourrait torturer deux personnes à mort sans être tenu responsable.

En fait, M. Yu était sur le point d’être libéré le 2 septembre, et s’il n’avait pas planifié son évasion, il aurait pu être libéré dans les 20 jours.

Après l’évasion décousue, en plus d’avoir été torturé presque à mort, chacune des trois personnes impliquées s’est vu condamner à une année supplémentaire dans le camp.

À la question de savoir si la tentative en valait la peine, d’autant plus qu’elle n’a pas abouti, Yu a répondu sans hésitation : « Oui, ça l’était. Nous devions le faire. Plus de dix autres pratiquants de Falun Gong autour de moi avaient déjà été torturés à mort pendant la persécution. Comment peut-on mesurer la valeur d’une vie ? Je ne regrette jamais d’avoir risqué ma vie pour empêcher d’autres meurtres. »

Exemplaires piratés des livres de la série Harry Potter

Les camps de travail chinois existent pour forcer les prisonniers d’opinion à trahir leurs croyances, mais ce sont aussi des entreprises lucratives. Ils sont une source de main-d’œuvre gratuite.

Yu Ming se souvient comment lui et beaucoup d’autres ont été forcés de faire des copies piratées des livres Harry Potter dans le camp de travail.

« C’était vers la fin de 2001, peu après l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce. J’ai été détenu au camp de travaux forcés Tuanhe de Pékin. Nous avons dû couper, plier, trier et relier les feuilles des exemplaires de Harry Potter et d’autres livres, en anglais et en chinois, ainsi que dans plusieurs autres langues. Les livres ont été imprimés ailleurs. Après les avoir attachés, on les emportait. »

M. Yu et tous les détenus de la Brigade n°6 ont travaillé pendant trois mois sur les livres.

M. Yu se souvient que des piles de feuilles imprimées d’environ un mètre de haut étaient visibles partout dans le hall et les couloirs de l’étage où se trouvait la Brigade n° 6. Les brigades 3 et 5 travaillaient aussi sur les livres.

Toute l’entreprise avait l’air sinistre. Les gens livraient furtivement les feuilles imprimées au camp de travail, et les véhicules utilisés pour transporter les feuilles semblaient assez usés. La qualité d’impression était extrêmement mauvaise : le papier avait l’air jaunâtre et avait des fautes d’impression et des marques partout.

Afin de préparer davantage de livres avant le Nouvel An chinois et de les vendre aux étudiants pendant les vacances d’hiver, la police a forcé les détenus à travailler pendant de très longues heures, parfois toute la nuit, sans leur donner aucune rémunération.

M. Yu a estimé que des centaines de milliers de ces copies piratées ont pu être faites en quelques mois.

M. Yu a dit qu’il avait déjà dénoncé cela dans une série d’articles en 2004, dans l’espoir que J. K. Rowling, l’auteure de la série Harry Potter, ou les éditeurs autorisés des livres, puissent être alertés afin qu’une enquête puisse être menée pour protéger les droits et intérêts de l’auteur et des éditeurs, ainsi que ceux des prisonniers.

Des journalistes étrangers interviewent l’avocat chinois Jiang Tianyong à Pékin le 2 mai 2012. (Mark Ralston/AFP/Getty Images)

Yu Ming gagne sa liberté alors que ses avocats sont emprisonnés

Depuis 2009, après avoir été libéré pour la troisième fois, M. Yu a commencé à travailler avec des avocats qui sont devenus par la suite des figures de proue de la défense des droits de l’homme en Chine, essayant de défendre les pratiquants de Falun Gong emprisonnés. Parmi eux se trouvent Wang Quanzhang, Wang Yu, Dong Qianyong, Jiang Tianyong, et autres.

Le 29 août 2013, alors qu’il assistait au mariage de son neveu, M. Yu a été arrêté pour la quatrième fois. Plus d’une dizaine d’autres pratiquants de Falun Gong dans la ville de Shenyang ont également été arrêtés.

Le chef du PCC, Xi Jinping, allait se rendre dans la ville le lendemain, et M. Yu et d’autres pratiquants ont été arrêtés par « précaution », de sorte qu’ils ne puissent ni protester ni faire appel pendant la visite de Xi Jinping.

Après avoir appris l’arrestation de M. Yu, plusieurs avocats qui travaillaient avec lui ont également commencé à travailler sur son dossier, mais il a quand même été condamné à quatre ans.

De plus, ses avocats, Wang Quanzhang, Wang Yu et Dong Qianyong, ont tous été arrêtés lors d’une sinistre répression, le 9 juillet 2015, au cours de laquelle plus de 200 avocats et militants chinois des droits de l’homme ont été arrêtés.

Après avoir passé quatre ans en prison, M. Yu a été libéré en 2017.

Fin 2018, il réussit à s’évader en Thaïlande, où il put obtenir un visa pour les États-Unis. Son épouse avait déjà obtenu le statut de réfugiée auprès du gouvernement américain.

Le 27 janvier 2019, après avoir passé près de 12 ans dans des camps de travail et des prisons, M. Yu a finalement rejoint son épouse, sa fille et son fils à San Francisco.

Cependant, le jour même où M. Yu a été libéré, son avocat Wang Quanzhang, après avoir été détenu au secret pendant plus de trois ans, a été condamné à quatre ans et demi de prison.

Yu Wensheng, avocat qui a défendu Wang Quanzhang, est également actuellement détenu au centre de détention de Xuzhou.

Yu Ming, les mains menottées, arrive à la cour de Shenyang City le 20 novembre 2014. (Minghui.org)

Déformer les faits, aux États-Unis et en Chine

M. Yu a dit que le public n’avait aucun moyen de savoir ce qui s’était réellement passé lors de ce quatrième procès, le 22 avril 2015. China Central TV (CCTV) a édité et tordu la vidéo et en particulier diffamé son avocat, Wang Yu.

Li Dongxu, une pratiquante de Falun Gong, a été jugée avec Yu Ming. Elle a essayé de parler de son cas, mais les gardes l’ont durement assommée et l’ont poussée sur son siège.

La mère de Li, âgée de 84 ans, ne pouvait pas supporter de voir sa fille traitée ainsi et s’est levée pour protester.

Alors que les gardes de police étaient apparemment sur le point d’utiliser la force contre cette femme de 84 ans, l’avocate Wang Yu a quitté son siège pour les arrêter. Après avoir condamné avec colère les policiers pour leur violence, Wang Yu a été traînée hors du tribunal.

Cependant, les émissions de CCTV ont raconté une toute autre histoire. Après avoir soigneusement réédité et manipulé la vidéo du procès, la CCTV a été en mesure de produire une série de « nouvelles » montrant l’avocate Wang quittant son siège à plusieurs reprises pour créer des « interférences » et faire toute une scène dans la cour.

« Les gens peuvent difficilement imaginer à quel point la vidéosurveillance est constante », a expliqué Yu Ming. « Ce qui m’attriste, c’est que, bien que je ne sois resté que très peu de temps en Thaïlande et aux États-Unis, j’ai croisé à plusieurs reprises les programmes de CCTV à différents endroits. Cependant, je n’ai jamais vu d’émissions de télévision américaines ou thaïlandaises en Chine.

Je pense que le président Trump a tout à fait raison d’insister sur la ‘réciprocité’ dans les négociations commerciales. J’espère que le même principe pourra être appliqué aux secteurs des médias. »

L’homme d’affaires Yu Ming à Washington le 19 février 2019. Il est arrivé aux États-Unis pour rejoindre son épouse et sa fille en janvier 2019 avec l’aide du gouvernement américain, après avoir été emprisonné pendant 12 ans et gravement torturé dans des camps de travail en Chine pour ses croyances au Falun Gong. (Samira Bouaou/The Epoch Times)

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