[EXCLUSIF] Le nombre de décès multiplié par six dans une ville chinoise touchée par le Covid : ce que révèle des documents internes

Par Eva Fu
4 février 2023 22:57 Mis à jour: 5 février 2023 23:51

Sur la route menant à un crématorium de la ville de Nanjing, dans le sud de la Chine, où une épaisse fumée noire s’élève dans le ciel, la file de voitures est si longue qu’on ne sait pas où elle s’arrête.

Sur le trottoir est accroupie une femme portant un chapeau de deuil blanc, le visage enfoui dans ses mains, elle émet des cris déchirants.

« C’est la nouvelle année », dit‑elle dans la vidéo.

La vidéo qui a circulé sur tous les médias sociaux chinois début janvier.

« Mais toutes sortes de voitures viennent chercher des cadavres », ajoute‑t‑elle. En raison des longues files d’attente, les cadavres peuvent rester dans les voitures jusqu’à deux jours, explique‑t‑elle.

Ces dernières semaines Epoch Times a récupéré plusieurs documents internes des autorités chinoises.

Les chiffres et les témoignages des habitants laissent entrevoir un terrible bilan humain. Tout cela contraste totalement avec le ton positif que les autorités s’efforcent diffuser.

L’analyse de dizaines de fichiers de données sur les crémations quotidiennes à Nanjing, capitale de la province du Jiangsu, dans l’est de la Chine, qui compte environ 9,3 millions d’habitants, montre que le nombre de décès dans la ville a grimpé en flèche fin décembre. Le nombre de corps incinéré chaque jour a alors atteint les 761, soit près de six fois le nombre moyen de décès quotidiens dans la ville au cours des cinq premiers mois de 2022.

Ensuite, du 29 décembre au 18 janvier, date des dernières données du Bureau de gestion des funérailles de Nanjing, le nombre de corps traités variait entre 300 et 774 par jour. Donc, certains jours, il atteignait encore six fois le nombre de corps traités quotidiennement à la même période l’année dernière.

Les données montrent que la ville a enregistré un total de 8233 décès du 18 décembre au 2 janvier. Comparé au quinze jours précédent la vague de Covid (avec près de 2100 décès), le nombre de décès a été multiplié par quatre.

Épidémie de Covid‑19 à Nanjing

Station de diagnostic et de traitement de nuit à Nanjing, le 27 décembre 2022. (CFOTO/Future Publishing via Getty Images)

À ce stade, tous les documents officiels sont hautement confidentiels. Si les données relatives à la crémation sont communiquées quotidiennement aux autorités de la ville, elles ne peuvent en aucun cas être divulguées au public.

« Communiquer les informations, les données et les graphiques pertinents par courrier électronique, ne jamais en discuter sur QQ et WeChat », indique un document du 11 janvier qui résume « la situation des services de crémation des principales villes du pays ». QQ et WeChat sont les deux principaux médias sociaux en Chine, affiliés à Tencent, le géant de la tech basé à Shenzhen.

« Éduquer les employés à travailler en préservant le secret. Éduquer les travailleurs du secteur de la crémation à travailler en préservant le secret et la sécurité », ajoute le communiqué. « Ne pas diffuser de manière désinvolte les données et informations relatives aux crémations. »

Le même document indique qu’un comité spécial a été créé, présidé par le directeur du Bureau des affaires civiles de Nanjing, pour superviser la manipulation des corps, et que tous les travailleurs liés au secteur de la crémation de la ville travaillent 24 heures sur 24.

En moins de deux semaines, à partir du 22 décembre, quatre salons funéraires ont augmenté leur capacité en achetant des réfrigérateurs mortuaires ou en demandant plus de personnel, selon le document. L’achat le plus important a été effectué par le Lishui Funeral House pour 120 réfrigérateurs. Le Nanjing Funeral House, quant à lui, a acheté 16 corbillards et embauché 38 chauffeurs supplémentaires.

Le nombre total d’employés recrutés en renfort pour les services funéraires était de 389 au 11 janvier. Huit jours plus tôt, les embauches avaient déjà connu un pic, avec 105 personnes recrutées.

Causes des décès

Malgré une augmentation importante du nombre de décès, peu de personnes incinérées ont été identifiées comme étant décédées du Covid. Du 11 novembre au 17 décembre, la ville a incinéré un total de 4300 corps, soit une augmentation d’un tiers par rapport à la moyenne de 3070 corps sur trois ans de 2019 à 2021, indique le document.

Seuls 20 de ces décès ont été marqués comme étant liés au Covid.

Cette pratique est conforme à la politique de Pékin, largement critiquée, selon laquelle un décès ne peut être attribué au Covid que s’il résulte directement d’une insuffisance respiratoire ou d’une pneumonie due au virus. En outre, les médecins ont déclaré qu’ils avaient reçu l’ordre de ne pas mentionner le Covid comme cause de décès dans les certificats de décès.

À ce jour, Pékin a enregistré moins de 80.000 décès liés au Covid en milieu hospitalier. Mais les spécialistes estiment que ce chiffre est largement inférieur au nombre réel de morts, en raison de la pratique du régime consistant à dissimuler les informations négatives et des nombreux témoignages faisant état de crématoriums et d’hôpitaux débordés.

Les hôpitaux chinois sous pression en raison du Covid‑19

Salle d’urgence d’un hôpital de Shanghai, le 14 janvier 2023. (Kevin Frayer/Getty Images)

Une habitante de Nanjing nommée Mme Zhang, dont le nom complet n’a pas été divulgué pour sa sécurité, a déclaré que plus de 20 personnes âgées sont mortes dans son quartier.

Son voisin a remarqué le canapé et les chaises vides à l’entrée de l’enceinte où les personnes âgées avaient l’habitude de prendre des bains de soleil.

« Ces gens sont tous partis », a‑t‑elle expliqué.

Son ami de la mégapole de Tianjin, dans le nord du pays, a récemment perdu son frère, âgé de 66 ans. Le corps de l’homme est resté dans une chambre froide de la morgue pendant des jours, jusqu’à ce que son ami soudoie un crématorium local avec des cadeaux pour qu’il vienne chercher le corps.

Une autre habitante, prénommée Su, évoque un parent à Pékin ayant réussi à contourner la liste d’attente du salon funéraire de plus de deux mois en tirant des ficelles pour faire incinérer un de leur proche. À défaut d’attendre des mois, ils ont quand même dû attendre plusieurs jours.

« Il ne fait aucun doute que beaucoup de personnes âgées sont mortes. C’est un fait », a déclaré Su pour Epoch Times, évitant de donner son nom complet par crainte de représailles.

« Mais en ce qui concerne la situation réelle du Covid, nous ne pouvons rien dire – il n’y a pas de chiffres ou d’informations publiques. On nous cache tout. »

Song Tang et Yi Ru ont contribué à cet article.

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