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Précarité et relogement

Faute d’être prioritaire pour obtenir un logement social, une retraitée de 66 ans meurt dans la rue

À Piriac-sur-Mer, en Loire-Atlantique, le décès de Sylviane, 66 ans, devenue SDF après son expulsion, met en lumière la fragilité des retraités modestes face à la flambée des loyers et aux procédures de logement social. Son fils, Maximilian, dénonce une « série de négligences et d’inactions » des autorités locales, que la maire conteste en rappelant la saturation du parc social et le rôle du département dans les attributions.

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Photo: Nicolas Guyonnet / Hans Lucas / AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 8 Min.

Sylviane et son mari, bientôt 68 ans, vivent depuis une dizaine d’années à Piriac-sur-Mer lorsque leur situation financière se dégrade. Avec une retraite d’environ 300 euros pour elle et quelque 1600 euros pour cet ancien militaire décoré de l’Ordre national du Mérite, le couple peine à faire face au coût de la vie, notamment aux factures d’eau et d’électricité, selon Le Parisien et Le Figaro.​

En septembre 2023, un retard de loyer survient ; même si les mensualités suivantes sont réglées, l’impayé persiste et alimente le conflit avec le propriétaire, sur fond de reproches autour de l’entretien du jardin. Le 15 juillet, après plusieurs années de démarches et de demandes de relogement, la gendarmerie expulse le couple de leur maison du parc privé, sans solution pérenne dans la commune.​

Une errance entre hôtels, camping et voiture

Pour éviter à ses parents de dormir dehors, leur fils Maximilian les accueille d’abord chez lui. Mais la maison qu’il loue est mise en vente après le décès de son propriétaire, et il doit déménager avec sa femme et leurs deux enfants, contraints de se replier chez la famille de son épouse.​

Les retraités alternent alors les nuits en camping et à l’hôtel, tout en revenant régulièrement chez leur fils pour se doucher et faire leur lessive, avant de finir par dormir majoritairement dans leur voiture. Attachés à leurs petits-enfants et au suivi médical de Sylviane pour une affection de longue durée, ils refusent les solutions proposées loin de Piriac, comme Nantes ou Saint-Nazaire, espérant toujours un logement social sur place.​

Une crise cardiaque après six nuits dans une voiture

Fin novembre, le couple vit depuis six nuits dans sa Volkswagen garée à proximité du marché de Quimiac, à Mesquer, au nord de Saint-Nazaire. Le 23 novembre, Sylviane s’effondre entre des toilettes publiques et un bâtiment de l’office de tourisme, victime d’un malaise cardiaque à quelques mètres du véhicule qui sert de refuge.​

« Je m’attendais à voir ma mère assise avec les pompiers à côté », raconte à BFMTV Maximilian, prévenu par son père et qui se précipite sur place. « Et quand je suis arrivé sur place, elle était par terre en train de se faire réanimer », poursuit-il, tandis qu’il confie au Parisien que « c’est son cœur qui a lâché […]. Il s’est arrêté, est reparti, puis s’est arrêté à nouveau et n’est plus jamais reparti ».​

« Une tragédie qui n’aurait jamais dû se produire »

Pour ce père de famille de 37 ans, la dégradation de la santé de sa mère est directement liée à l’expulsion et aux mois de précarité qui ont suivi. « Pour moi, j’estime que la mairie de Piriac-sur-Mer n’a pas fait le nécessaire. Ce qui s’est produit n’aurait jamais dû se produire », déclare-t-il au Parisien, dénonçant des appels à l’aide restés sans réponse. ​

Il confie au Figaro éprouver « de l’amertume, de la colère et du dégoût », en visant notamment les services municipaux et sociaux. « Mes parents ont eu l’impression d’être baladés par les services municipaux et sociaux. La personne chargée de suivre leur dossier a multiplié les excuses pour ne pas s’occuper d’eux », affirme-t-il, la gorge nouée, en évoquant des rendez-vous annulés et des démarches qui n’aboutissaient jamais.​

Une mairie qui se défend et renvoie au département

La mairie de Piriac-sur-Mer, sollicitée par plusieurs médias, affirme avoir respecté les procédures en vigueur. « Le couple n’entrait pas dans les critères pour des questions de ressources », explique la maire Emmanuelle Dacheux au Parisien, tout en rappelant que « ce ne sont pas les communes qui attribuent les logements sociaux, c’est le département avec les bailleurs sociaux lors de la commission d’attribution ».​

L’élue souligne que la commune, très attractive et marquée par la présence massive de résidences secondaires, dispose de seulement 90 logements sociaux, tous occupés, et que l’hébergement d’urgence communal était « attribué depuis longtemps ». Elle insiste sur « la nature complexe et changeante » du dossier, évoquant des pièces manquantes qui auraient retardé l’instruction d’une demande déposée en 2020 et une proposition de logement finalement refusée car elle n’était plus adaptée à la situation.​

Tension immobilière et colère persistante

Comme beaucoup de communes touristiques du littoral atlantique, Piriac-sur-Mer souffre d’un manque de logements permanents au profit des résidences secondaires, qui représentent 69% des près de 4000 logements, selon les chiffres avancés par la municipalité. Dans ce contexte, la maire affirme que la ville a « très peu de logements sociaux », assurant que « on en a 90, tout le temps pris », et que seules deux demandes ont abouti en 2024 sur une soixantaine déposée.​

Maximilian dit comprendre que sa mère et son père ne soient pas les seuls à chercher un toit, mais il estime que « le décès de ma mère n’est pas seulement une tragédie familiale : il est la conséquence directe d’une série de négligences et d’inactions des autorités locales, notamment de la mairie de Piriac-sur-Mer », comme il l’a déclaré à L’Écho de la Presqu’île guérandaise et de Saint-Nazaire. « Moi, j’ai prévenu la mairie. Ils sont au courant au moins depuis juillet que mes parents n’avaient plus de domicile. Je ne comprends pas comment ça a pu en arriver là », confie-t-il aussi à BFMTV.​

Une solution provisoire pour le veuf

Quelques jours après le drame, Maximilian est reçu en mairie par Emmanuelle Dacheux et plusieurs agents municipaux, une rencontre qu’il qualifie de « lunaire ». « Ça a été lunaire, il n’y avait aucune empathie de leur part. La maire m’a même menacé de porter plainte pour diffamation si j’ébruitais mon histoire à la presse », assure-t-il au Figaro, disant en avoir été de nouveau profondément choqué.​

Scandalisé, il saisit la presse locale ; « trente minutes après la parution de l’article, la mairie m’a appelé pour m’indiquer qu’une chambre allait être mise à disposition de mon père, pour une durée de 15 jours renouvelables », raconte-t-il au Figaro, se demandant « comment ont-ils sorti cette chambre de leur chapeau ? ». La maire concède qu’« ce n’est pas l’idéal, mais c’est toujours mieux qu’une voiture », tandis que le fils, déterminé à ce que la mort de sa mère « ne soit pas vaine », envisage de consulter un avocat pour « faire en sorte que ce genre de situation n’arrive à aucune autre famille ».​