Fragonard amoureux, galant et libertin au musée du Luxembourg

Par Epoch Times
2 octobre 2015 16:22 Mis à jour: 19 mars 2021 03:51

Le musée du Luxembourg consacre une exposition à Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), le peintre le plus emblématique du XVIIIe siècle.

Fragonard, ou Frago comme il se dénommait lui-même, reflète les interrogations et changements qui ont caractérisé son siècle. Artiste brillant et varié, Fragonard est un peintre d’histoire, peintre du genre, peintre religieux et un très grand paysagiste. Ainsi, on peut considérer son côté galant et l’inspiration amoureuse de sa peinture comme étant significatifs de son époque.

Le musée du Luxembourg présente 80 œuvres – peintures, dessins et illustrations – prêtées par les plus prestigieuses collections, autour du sentiment d’amour qui a inspiré le peintre.

Cette veine amoureuse est présentée depuis ses premières « bergeries » liées à la grande tradition de galanterie idéale héritée du XVIIe, à travers le « libertinage » hédoniste du règne de Louis XV, jusqu’aux allégories amoureuses de la fin du siècle, marquées par un lyrisme mystique qui annonce le romantisme.

Pour la première fois une exposition est consacrée à la variété du sentiment amoureux de Fragonard.

L’être et l’apparence

Nous savons peu de la vie amoureuse de Fragonard et malgré les légendes que les écrivains du XIXe siècle ont créées autour de sa vie amoureuse, selon les témoignages les plus fiables, Fragonard était probablement un bon père de famille, fidèle et amoureux de sa propre femme Marie-Anne Gérard, peintre elle aussi et miniaturiste.

Sa réputation de libertin se limite à la toile et est due plutôt aux commandes qu’il reçoit dès le début de sa carrière. D’ailleurs, c’est probablement par son maître Boucher que Fragonard a eu ses premières commandes de peintures décoratives.

L’exposition tente d’expliquer comment ce grand peintre est devenu le symbole de l’amour libertin, alors que les œuvres érotiques ne représentent qu’un dixième de sa production.

Si le XVIIIe siècle traite la galanterie comme un rapport de civilité et de respect aux dames – une utopie, cet aspect glisse vers le libertinage, mis en pratique pendant la Régence. Une mode bien expliquée chez Crébillon fils dans son roman Les Égarements du cœur et de l’esprit. Sous le vernis de la galanterie, il s’agit de pratiquer un amour découplé du sentiment amoureux.

Le « boudoir », ou « la petite maison », est le lieu conçu avec attention pour cette nouvelle pratique, décoré d’une production artistique adaptée à cet amour.

Élève de Boucher, Fragonard aborde très jeune le thème de l’amour galant ou de la mythologie avec déjà sa propre empreinte, marquée, entre autres, par la peinture flamande.

Le baiser (vers 1770). Huile sur toile. (@ François Doury)
Le Baiser (vers 1770). Huile sur toile. (@ François Doury)

La couleur de la séduction

Les peintures de la mythologie sont un bon prétexte pour dépeindre une sensualité charnelle. Fragonard fait du Boucher à la Fragonard avec un chromatisme prononcé et un contre-jour élaboré. Si Boucher reste dans le vernis de l’artifice, Fragonard très jeune met en équilibre des sentiments extrêmement variés.

Dans Psyché montre à ses sœurs les présents qu’elle a reçus de l’Amour, alors que Fragonard n’a que 21 ans, il présente l’épouse et ses sœurs, avec au-dessus d’elles, un personnage grimaçant qui représente la jalousie.

Avec L’Aurore triomphant de la nuit, nous sommes dans l’apothéose du charme et de la couleur de la séduction. C’est le moment où Fragonard devient le plus brillant représentant de cette sophistication parisienne.

De même dans Le Colin-maillard, l’un de ses tableaux emblématiques de cette époque, le répertoire, les costumes et les attitudes sont ceux de Boucher, mais l’esprit et les couleurs sont déjà caractéristiques de son élève.

Dans ce tableau, la jeune bergère a légèrement retroussé son bandeau. Elle voit donc où elle va. Ce tableau est déjà significatif de l’approche de Fragonard vis-à-vis des femmes. Les femmes chez Fragonard sont autonomes et libres, elles se livrent aux plaisirs charnels et à la lecture, une activité jusque-là interdite aux femmes.

Un dialogue avec ses contemporains

Fragonard est aussi un lecteur très fin de son époque et des époques précédentes.

Son œuvre répond aux écrits de ses contemporains tels que Dorat, Rousseau et Laclos ou encore Diderot avec Les Bijoux indiscrets. Il a également illustré Les Contes « pour adultes » de La Fontaine. Il est inspiré par la passion héroïque de la poésie de la Renaissance comme La Jérusalem délivrée ou Le Roland furieux, cette dernière épopée lui inspirant une série de 180 illustrations.

À travers ses oeuvres, il dialogue également avec ses collègues, comme avec son ami et peintre Baudoin, l’illustrateur Eisen et son maître Boucher. Il renouvelle également le genre des « Fêtes galantes » de son précurseur Watteau et crée l’un de ses chefs-d’œuvre : L’Île d’amour.

Le jeu de la main chaude (vers 1775-1780). Huile sur toile. (@The National Gallery of Art, Washington)
Le jeu de la main chaude (vers 1775-1780). Huile sur toile. (@The National Gallery of Art, Washington)

La passion de la création

La réputation libertine de Fragonard est sûrement due en grande partie à son énergie sensuelle, celle du peintre face aux couleurs, à sa toile, à ses visions, bref à ses perceptions sensorielles. Dans La Culbute, Fragonard met en évidence la ressemblance entre l’inspiration artistique, la passion et l’amour charnel. Sur la même gravure, le peintre enlace sa toile avec la même vigueur que l’amoureux saisit la bergère.

Dans le registre chromatique, Fragonard met en valeur les couleurs de la chair, rose tendre, blanc laiteux. Le vert cendré évoque la fine marbrure des veines sous la peau et le rouge vermillon, la passion.

Fragonard n’est pas un peintre pornographique et il dénonce l’acte de viol, assez courant à l’époque, comme on pourrait l’interpréter dans Le Verrou.

Contrairement à la perception libertine, il prône la réciprocité du désir dans l’acte d’amour, une approche que l’on peut constater dans le magnifique Baiser, illustrant une fusion physique et spirituelle de deux amants à l’aspect enfantin et angélique.

Des derniers feux du rococo aux prémices du romantisme, l’œuvre de Fragonard s’inscrit dans les nouvelles idées des philosophes qui bouleversent cette société d’Ancien Régime finissant. L’individualisme, l’égalité des hommes, la place de la femme et la quête du bonheur, autant de valeurs qui se reflètent dans l’œuvre variée de Jean-Honoré Fragonard.

 

Infos pratiques

Fragonard amoureux, Galant et libertin

Commissaire : Guillaume Faroult

Du 16 septembre au 24 janvier 2016

Musée du Luxembourg

Tous les jours de 10h-19h

Nocturnes lundi et vendredi jusqu’à 21h30

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