Les 7 parlementaires français hackés par la Chine réclament enquêtes et sanctions « pour ingérences étrangères »

Par Etienne Fauchaire
7 mai 2024 20:40 Mis à jour: 11 mai 2024 20:45

Alors que Xi Jinping est en visite d’État en France depuis dimanche soir, le sénateur centriste Olivier Cadic, l’ancien sénateur Renaissance André Gattolin et la députée Renaissance Constance le Grip ont organisé une conférence de presse ce lundi 6 mai au Sénat dans l’objectif de dénoncer « la loi du silence » qui pèse sur la cyberattaque perpétrée début 2021 contre au moins sept parlementaires français par APT31, un groupe de hackers que plusieurs nations comme les États-Unis et le Royaume-Uni estiment être à la solde du ministère de la Sécurité d’État, le KGB chinois. Les députés et sénateurs ont appelé à l’ouverture d’une enquête judiciaire pour ingérences étrangères et à une réponse ferme des autorités.

Cette affaire d’espionnage informatique remonte à 2021, mais a pris de plus amples proportions depuis l’acte d’accusation émis en mars dernier par le ministère de la Justice américain, qui inculpe sept pirates chinois d’APT31. Une action qui fait suite à une enquête du FBI sur le mode opératoire utilisé pour cibler 116 parlementaires issus de 15 pays, tous membres de l’IPAC (abréviation anglaise de l’Alliance interparlementaire sur la Chine), un groupe d’alerte international sur les droits de l’homme en Chine et son ingérence dans les démocraties.

Silence de l’exécutif

Premier lanceur d’alerte sur ce sujet en France, André Gattolin a porté plainte début avril, suivi de près par la députée (Renaissance) Anne Genetet et du sénateur (apparenté PS) Bernard Jomier. Également pris pour cible, le député européen et tête de liste Les Républicains aux élections européennes François-Xavier Bellamy a également annoncé lundi porter plainte, sans toutefois se joindre au communiqué des autres parlementaires.

« Nous ne pouvons pas permettre qu’une telle campagne de cyberattaques contre des représentants élus par le peuple français reste sans réponse solide et proportionnée ».

« Nous condamnons d’une seule voix ces actions qui touchent au cœur des valeurs démocratiques qui nous unissent au-delà de nos couleurs partisanes », a tonné le sénateur des Français de l’étranger, Olivier Cadic, déplorant que « trop souvent, ces actes malveillants sont restés sans réponse » : « Nous ne pouvons pas permettre qu’une telle campagne de cyberattaques contre des représentants élus par le peuple français reste sans réponse solide et proportionnée ».

Si les États-Unis, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande ont publiquement désigné la responsabilité de la Chine dans cette attaque, en France, c’est « le silence des agneaux », comme le dénonçait déjà le mois dernier M. Gattolin. « Nous sommes le 6 mai 2024, nous n’avons encore aucune validation de ces informations », se désole l’ex-sénateur, indiquant que le FBI lui a « réaffirmé leur intention de rendre publiques ces informations le 25 mars dernier aux agences françaises ».

Il s’interroge : « Pourquoi les parlementaires ne sont-ils pas informés des attaques qui les concernent dans le cadre de leurs fonctions ? » L’ancien élu, rappelant que « nous sommes dans un État démocratique », affirme espérer « qu’il n’y a pas une volonté de cacher aux parlementaires ce type d’attaque, pour des questions de raison d’État ou de relations avec le pays concerné ».

Interrogée lors d’un briefing avant la visite du dirigeant chinois, l’Élysée a préféré renvoyer la balle aux « autorités qui ont annoncé qu’il y avait des cas d’espionnage », mais l’Anssi (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) a refusé de commenter l’affaire.

Enquête pour ingérences étrangères

Dans l’attente, les élus ont formulé cinq revendications au gouvernement dans une déclaration commune, énoncée lors de cette prise de parole dans l’enceinte du Sénat. En premier lieu, « attribuer formellement ces attaques à ATP31, comme l’ont déjà fait les États-Unis et le Royaume-Uni », puis « imposer des sanctions (gel de fonds et interdictions de territoire) aux hackers nommés dans l’acte d’inculpation » américain. Par ailleurs, ils demandent que soit donnée « l’assurance aux parlementaires français qu’ils seront informés en temps utile en cas d’attaque parrainée par un État » et un renforcement « de l’assistance aux parlementaires en matière de cybersécurité ». Enfin, « l’ouverture d’une enquête judiciaire pour ingérences étrangères ».

Ces attaques doivent être « dénoncées et condamnées de manière extrêmement claire, quelles que soient l’importance et la place de la puissance étrangère dont nous parlons dans le concert des nations », a souligné la députée Ensemble des Hauts-de-Seine, Constance Le Grip. « Nous ne cessons de faire des propositions, de tirer des sonnettes d’alarme », a-t-elle martelé, rappelant la proposition de loi adoptée le 27 mars à l’Assemblée nationale, « visant à prévenir les ingérences étrangères ». Ce texte sera examiné en commission des Lois sénatoriales le 22 mai.

Alertant sur « un acte de cyberguerre excessivement grave » qui s’inscrit dans un contexte de « guerre hybride », Olivier Cadic a tenu à faire savoir que cette affaire « ne restera pas sans suite » et a annoncé le lancement d’une mission d’information au Sénat au mois de juin ainsi que des « conversations de haut niveau » avec leurs homologues américains. Elles auront lieu le 4 juin prochain dans le cadre du Paris Cyber Summit, qui commémorera les 35 ans des massacres de la place Tian’anmen.

Partenariat UE-US

« Je ne crois pas qu’un pays seul ait la taille critique pour lutter contre la Chine en matière de cyberattaque. Ni l’Union européenne ni les États-Unis d’Amérique peuvent y parvenir seuls. Je crois qu’il faut une cyber-solidarité et que l’IPAC constitue une chaîne parlementaire pour pouvoir travailler à la préparation d’une réponse concertée », a lancé le vice-président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées : « Il faut faire s’écrouler cette satanée cyber-muraille de Chine et démolir leurs systèmes s’ils s’attaquent à nos institutions ».

Olivier Cadic estime en outre qu’« il va falloir aussi apprendre à travailler avec les grandes structures du privé pour pouvoir bénéficier de leur capacité de travail ». Une conclusion à laquelle le sénateur est parvenu lors de son déplacement à Washington deux mois plus tôt, ponctué par une rencontre avec des représentants de Google : « Que m’a dit Google ? La Russie est plus puissante que l’Ukraine sur le terrain, mais Google est plus puissant que la Russie sur Internet. J’en suis convaincu : nos services, seuls, n’ont pas la taille critique pour se confronter à des forces supérieures aux nôtres, qui emploient des techniques d’attaque que nous nous interdisons. Il va donc falloir penser différemment. »

Pour autant, les parlementaires veulent souligner que leurs démarches ne ciblent pas le peuple chinois, mais son régime autoritaire : « Notre action est de défendre l’esprit des Lumières qui a conduit à l’émergence des démocraties et des droits humains », rappelle Olivier Cadic, pour qui l’enjeu ne se situe pas dans une « confrontation entre États-Unis et Chine, mais entre démocraties et pouvoirs autoritaires, qui veulent faire disparaître le libre arbitre des individus ».

Interrogés sur la question de la protection des membres du mouvement du Falun Gong en France et en Europe par Lebin Ding, fils d’un pratiquant de Falun Gong dont l’incarcération a été l’un des motifs conduisant le Parlement européen à adopter le 18 janvier 2024 la « résolution sur la persécution persistante du Falun Gong en Chine », Constance Le Grip a indiqué que la majorité présidentielle examinera la possibilité de l’adoption d’une proposition de loi portant notamment sur la défense de la liberté d’expression et de croyance.

Cette conférence a aussi été l’occasion pour les élus de prendre la défense de Taïwan, dont l’indépendance est contestée par le régime chinois, et de tresser des louanges à son modèle dans sa lutte contre les ingérences du Parti communiste. Il s’agit du « pays le plus avancé en matière contre informationnelle et un laboratoire en termes d’attaques cyber », juge Olivier Cadic. « Il est plus performant que celui que nous avons en France et même en Europe », abonde la députée Renaissance Constance Le Grip, plaidant en faveur d’« une véritable toile citoyenne et civique pour résister à l’ampleur de la menace ».

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