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« Make Europe Great Again » : ce plan américain qui envisagerait d’extraire quatre pays du giron de Bruxelles

Une version confidentielle de la stratégie de sécurité nationale américaine, dont l'existence est contestée par la Maison Blanche, détaillerait un plan de Washington pour le Vieux Continent visant notamment à préserver ou restaurer les modes de vie traditionnels européens.

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THIERRY CHARLIER/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 12 Min.

L’information a provoqué une onde de choc dans les capitales européennes. Selon le site américain Defense One, une version étendue et confidentielle de la National Security Strategy (NSS) des États-Unis circule actuellement dans les cercles du pouvoir à Washington. Ce document, bien plus détaillé que la version officielle de 33 pages déclassifiée le 4 décembre mais dont l’existence est formellement contestée par la Maison-Blanche, offrirait une lecture plus poussée de la vision américaine des relations transatlantiques et de la manière dont Washington entend « rendre sa grandeur à l’Europe » (Make Europe Great Again).
Selon Defense One, le texte reprendrait le diagnostic sévère du premier document : l’Europe est engagée dans un processus d’« effacement civilisationnel ». Dans la version officielle, la Maison-Blanche dénonçait une série de choix politiques jugés délétères : des décisions qui « sapent la liberté politique et la souveraineté », des politiques migratoires accusées de transformer en profondeur le continent et d’alimenter des tensions internes, la censure croissante de la liberté d’expression, l’effondrement des taux de natalité, l’érosion progressive des identités nationales…

 « Il est loin d’être évident que certains pays européens resteront des alliés fiables », soulignait le document déclassifié, ajoutant qu’« il est plus que plausible que, d’ici quelques décennies au plus tard, les membres de l’OTAN deviennent majoritairement non européens ».

Partant de ce constat, la stratégie américaine envisagerait une réorientation ciblée de ses relations avec le Vieux Continent. Plutôt qu’un partenariat global avec l’Union européenne, Washington privilégierait des alliances bilatérales avec un nombre restreint d’États jugés politiquement alignés avec l’administration Trump. Quatre pays seraient explicitement désignés comme partenaires stratégiques prioritaires : l’Autriche, la Hongrie, l’Italie et la Pologne. Le document recommanderait de « travailler davantage » avec ces gouvernements, dans l’objectif de les rapprocher durablement de Washington et d’en faire les piliers d’une nouvelle architecture transatlantique.

Des affinités assumées
Les relations privilégiées que le président américain entretient avec certains dirigeants européens sont désormais de notoriété publique. Parmi eux, Giorgia Meloni. La présidente du Conseil italien bénéficie d’une estime manifeste de la part de Donald Trump, qui ne tarit pas d’éloges à son sujet. « Fantastique », « une femme qui a pris l’Europe d’assaut » : le président américain a multiplié les marques d’admiration à l’égard de la cheffe de file de Fratelli d’Italia, qu’il avait d’ailleurs reçue à Mar-a-Lago avant même son investiture officielle.

Viktor Orbán occupe une place à part. Le Premier ministre hongrois, reçu à la Maison-Blanche le mois dernier, a publiquement obtenu le soutien de Donald Trump en vue des élections législatives prévues l’an prochain. Dans le même temps, Budapest a bénéficié d’une exemption aux sanctions occidentales lui permettant de poursuivre ses approvisionnements en énergie russe.

La Pologne apparaît également comme un maillon clé de cette dynamique. Le président Karol Nawrocki s’inscrit dans une ligne conservatrice et souverainiste proche des orientations de l’administration américaine, renforçant l’axe transatlantique avec les gouvernements d’Europe centrale et orientale jugés les plus compatibles idéologiquement avec Washington.

Mais cette stratégie dépasserait largement le cadre des relations d’État à État. Selon le document évoqué, Washington préconiserait de « soutenir les partis, mouvements ainsi que les figures intellectuelles et culturelles qui recherchent la souveraineté et la préservation, ou la restauration, des modes de vie européens traditionnels », à condition qu’ils demeurent « pro-américains ».

La version officielle de la National Security Strategy faisait déjà écho à cette orientation, évoquant « l’influence croissante des partis patriotiques européens », sans toutefois les nommer, et rappelait que l’Europe « reste culturellement vitale pour les États-Unis ». La version étendue marquerait ainsi un changement d’échelle : d’un simple constat stratégique à une volonté assumée d’accompagner, voire de structurer, une recomposition idéologique du Vieux continent.

La fin de l’hégémonie américaine
L’un des nouveaux volets du document concernerait la refonte de la gouvernance mondiale. Dès cet été, Donald Trump avait publiquement exprimé ses regrets quant à l’exclusion de la Russie du G8 en 2014, devenu G7, qualifiant cette décision d’ « erreur ».
La stratégie irait cependant bien au-delà de ces déclarations. Elle proposerait la création d’un nouveau cercle décisionnel restreint, baptisé « Core 5 » ou « C5 », réunissant les États-Unis, la Chine, la Russie, l’Inde et le Japon. Ce groupe rassemblerait plusieurs des États les plus peuplés et les plus influents de la planète, dont chacun dépasse, ou approche, les 100 millions d’habitants. À la différence du G7, ce forum ne serait pas conditionné à des critères idéologiques ou de gouvernance démocratique. Il serait appelé à se réunir régulièrement lors de sommets thématiques, le premier devant être consacré à la sécurité au Moyen-Orient et à la normalisation des relations entre Israël et l’Arabie saoudite.

Le document consacrerait par ailleurs des développements à ce qu’il qualifie explicitement d’« échec » de l’hégémonie américaine, une expression absente de la version publique de la National Security Strategy. « L’hégémonie n’est ni souhaitable ni atteignable », affirmerait le texte, dans une remise en cause frontale de la politique étrangère des États-Unis depuis la fin de la guerre froide. Les auteurs y critiqueraient une vision portée par les élites de Washington, accusées de s’être convaincues que « la domination permanente du monde entier par l’Amérique était dans l’intérêt de notre pays ».

De cette relecture stratégique découle une doctrine de recentrage assumée, résumée par cette formule : « Les affaires des autres pays ne nous concernent que si leurs activités menacent directement nos intérêts. » Ce principe servirait de fondement à un désengagement partiel de la défense européenne, Washington entendant redéployer ses ressources vers des priorités jugées plus directement liées à sa sécurité nationale. Parmi elles figurent notamment la lutte contre les cartels de la drogue basés au Venezuela, identifiés comme une menace stratégique croissante aux yeux de l’administration américaine.

En Europe, la droite enchantée, la gauche indignée
Ces révélations s’inscrivent dans un contexte de crispation croissante entre Washington et ses alliés européens, marqué par une succession de prises de position particulièrement critiques du président américain. Dans une interview à Politico, Donald Trump a dressé un portrait au vitriol des nations européennes, les qualifiant de « décadentes » et fustigeant des dirigeants jugés « politiquement corrects ». Il a accusé leurs politiques migratoires de « détruire » leurs pays, estimant que « l’approche européenne de la migration est un désastre » et que le continent est « en train de s’effondrer ».

Cette escalade verbale s’est doublée de tensions diplomatiques plus directes. Le président américain a eu un échange téléphonique particulièrement tendu avec le chancelier allemand Friedrich Merz, le Premier ministre britannique Keir Starmer et le président français Emmanuel Macron. Selon la Maison-Blanche, des « mots forts » auraient été échangés. Dans la foulée, Donald Trump a relayé sur son réseau Truth Social un article du New York Post au titre sans équivoque : « Les Européens impuissants ne peuvent que fulminer tandis que Trump les écarte à juste titre des négociations sur l’Ukraine. »

La publication de ces informations a sans surprise provoqué des réactions contrastées à travers l’Europe. Pour Leslie Vinjamuri, directrice du programme États-Unis et Amériques au sein du think tank britannique Chatham House, « Donald Trump trace une ligne dans le sable », marquant « la fin de l’ordre international libéral hérité de l’après-guerre froide ».

À Bruxelles, le président du Conseil européen, António Costa, a formulé une rare remontrance publique à l’égard de Washington : « Les États-Unis ne peuvent pas se substituer aux citoyens européens pour décider quels sont les bons et les mauvais partis. » Le Premier ministre polonais Donald Tusk a, quant à lui, adopté une posture plus conciliante, appelant à préserver le lien transatlantique : « Chers amis américains, l’Europe est votre allié le plus proche, pas votre problème. Et nous avons des ennemis communs. C’est ainsi que cela fonctionne depuis 80 ans. »

Le chancelier allemand Friedrich Merz s’est montré plus nuancé encore, jugeant certains aspects de la stratégie américaine « compréhensibles », tout en soulignant la nécessité pour l’Europe de devenir « beaucoup plus indépendante des États-Unis en matière de politique de sécurité ».

À l’inverse, plusieurs figures de la droite européenne ont salué l’initiative américaine. Geert Wilders, chef du Parti pour la liberté aux Pays-Bas, a apporté un soutien sans réserve à Donald Trump : « Le président Trump dit la vérité. L’Europe se transforme rapidement en un continent médiéval à cause des frontières ouvertes et de l’immigration de masse. »

Démenti formel
La Maison-Blanche a opposé un démenti catégorique à ces informations. Anna Kelly, porte-parole adjointe de l’exécutif américain, a formellement nié l’existence d’un tel document. « Aucune version alternative, privée ou classifiée n’existe », a-t-elle assuré, précisant que « le président Trump est transparent et n’a signé qu’une seule National Security Strategy, laquelle définit clairement les principes et priorités guidant l’action du gouvernement américain ».

Les prétendues versions parallèles évoquées par la presse seraient, selon elle, le fruit de « fuites provenant de personnes éloignées du président, qui n’ont aucune idée de ce dont elles parlent ». Une mise au point ferme, destinée à couper court aux spéculations sur une refonte doctrinale plus avancée que celle exposée dans le document officiellement déclassifié.

Reste que, vraie fuite ou simple opération d’intoxication, cette controverse agit comme un révélateur d’une fracture profonde dans la conception de la relation transatlantique.