L’autoroute A64, artère vitale reliant Bayonne à Toulouse, subit un blocage sur 180 kilomètres. À Carbonne, près de la Ville rose, les agriculteurs ont installé un campement où tracteurs et bottes de paille obstruent la circulation depuis quatre nuits consécutives. Cette mobilisation s’intensifie : en début d’après-midi, l’autoroute A61 a été investie à son tour, interrompant le trafic entre Carcassonne et Toulouse.
« L’État ne nous entend pas »
Nicolas Espitalier, céréalier membre du syndicat Jeunes agriculteurs, justifie cette stratégie de blocage : « L’idée c’est de faire un maximum de bruit pour se faire entendre, on n’a rien trouvé de mieux que d’aller sur l’autoroute parce que l’État ne nous entend pas. »
Les perturbations touchent également le réseau ferroviaire. Une manifestation d’agriculteurs sur un passage à niveau à Villefranche-de-Lauragais immobilise les trains entre Toulouse et Castelnaudary. L’accès principal vers Andorre reste bloqué depuis vendredi, affectant sévèrement les commerces détaxés du Pas de la Case, habituellement très fréquentés avant les fêtes de fin d’année.
Une stratégie sanitaire contestée
Au cœur de cette contestation se trouve la gestion gouvernementale de la dermatose nodulaire contagieuse, maladie apparue en France en juin dernier. La stratégie officielle impose l’abattage systématique de tous les animaux dans les foyers infectés, des restrictions strictes sur les déplacements de troupeaux et une vaccination d’urgence dans un rayon de 50 kilomètres autour des zones touchées, sans campagne nationale généralisée.
Le déplacement de la ministre de l’Agriculture Annie Genevard dans le sud-ouest n’a pas suffi à calmer les tensions. Guillaume Bénazet, secrétaire départemental des Jeunes Agriculteurs, se montre ferme : « Au vu des annonces de la ministre, les blocages ne sont pas près de se lever. Tout ce qu’on avait proposé, notamment la fin de l’abattage total, rien n’a été étudié. Donc on continue. »
Le gouvernement campe sur ses positions
Lundi, lors d’une réunion de crise à Toulouse, Annie Genevard a affirmé « entendre » la détresse des éleveurs tout en maintenant les « trois piliers » de la stratégie sanitaire : abattage systématique dès détection, vaccination et restriction des mouvements. Une position jugée insuffisante par les manifestants.
Mardi, le Premier ministre Sébastien Lecornu a réuni ministres et préfets concernés pour aborder cette crise qui s’étend désormais au-delà du sud-ouest. En région parisienne, des agriculteurs ont bloqué une route nationale à Méré, dans les Yvelines.
Une mobilisation qui dépasse la question sanitaire
Vincent Thoumieux, secrétaire général des Jeunes agriculteurs des Yvelines, élargit la perspective : « C’est l’agriculture française qui est en jeu. Pour l’instant, nous ne sommes pas impactés par la DNC mais à la vitesse à laquelle ça se propage, ça risque d’arriver et il faut traiter ce sujet en priorité, en même temps que le Mercosur, pour moi tout est lié. »
Cette convergence des revendications illustre un malaise profond du monde agricole français, qui voit dans la gestion de la DNC et la négociation du traité de libre-échange deux menaces majeures pour son avenir. Les agriculteurs réclament une révision complète de la stratégie sanitaire et un abandon du projet Mercosur, considéré comme une concurrence déloyale.
Face à la détermination des manifestants et l’absence de compromis à ce stade, la situation risque de perdurer, avec des conséquences économiques croissantes pour les territoires affectés.
Avec AFP