François Bayrou ouvre un Institut Confucius à Pau, outil d’influence et d’espionnage du régime chinois

À la clé, une enveloppe de départ de 130.000 euros et des partenariats économiques avec la région

Par Ludovic Genin
30 septembre 2019 16:46 Mis à jour: 14 septembre 2021 12:01

Un nouvel Institut Confucius ouvre ses portes ce lundi 30 septembre à Pau. L’Institut, né d’un partenariat entre l’agglomération de Pau, l’Université de Pau et les autorités chinoises, s’accompagne d’une dotation de 130.000 euros et de partenariats économiques avec la région. En contre partie: l’implantation d’un organe de propagande et d’espionnage du régime chinois, via l’université de Xi’an.

Dans son discours du 12 janvier 2018, le président français Emmanuel Macron souhaitait « mutuellement développer la présence et le rôle des Instituts Confucius » en France. Les Instituts Confucius, mis en place dans les écoles et établissements d’enseignement supérieur à travers le monde, sont des entités gérées par le Ministère de l’Éducation chinois, dans le but de «promouvoir la langue et la culture chinoise ».

En échange de fonds et de partenariats, les universités françaises acceptent des enseignants et du matériel didactique soumis à la propagande du régime chinois et doivent adhérer aux versions officielles de la Chine sur des questions de droits de l’Homme, de la liberté religieuse ou de l’histoire.

Un nouvel institut vient d’ouvrir ses portes à Pau, sous l’impulsion du maire de la ville, François Bayrou. Décryptage.

Une vingtaine d’Instituts Confucius en France

En France, on dénombre actuellement 19 Instituts, principalement présents dans les universités. Avec celui de Pau, deux autres ont été inaugurés récemment – l’un au sein de l’ESCP Europe à Paris en mai 2019, l’autre à l‘université d’Orléans en septembre.

Seize autres Instituts Confucius existent déjà dans l’Hexagone: par ordre d’ancienneté à Poitiers, 3 à Paris (Paris 7, Nanterre-La Défense, centre culturel de Chine), Angers, La Rochelle, Rennes (antenne à Brest), Arras, Strasbourg, Clermont-Ferrand, Toulouse, Aix-Marseille, Saint-Denis de La Réunion, Lorraine, Montpellier. Bordeaux ayant refusé l’implantation d’un tel institut, celui de Pau serait le seul en Aquitaine.

Les tarifs affichés sont à dessein très bas pour apprendre le chinois : 3,34 euros de l’heure à Pau, 5 euros à Angers, avec des cours ouverts aux adultes. L’objectif : attirer le maximum de monde.

Des Instituts implantés en France et pilotés par Pékin

Pilotés par le gouvernement de Pékin à travers le Hanban (l’organisme de diffusion internationale de la langue chinoise), ces Instituts suscitent de nombreuses polémiques sur les véritables intentions de la Chine. « Centres de propagande », « Nids d’espions », plusieurs directeurs d’universités, experts ou journalistes pointent le contrôle de ces écoles par le parti communiste chinois.

Interviewé par Epoch Times, Göran Lindblad, ancien vice-président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe explique : « La plupart des gens ignorent l’existence des instituts Confucius. La plupart des gens ne connaissent pas la véritable idéologie du régime communiste en Chine. » […] Ils essaient d’exercer une influence sur les programmes d’études. Ils essaient d’influencer les élèves, les enseignants et de recueillir des informations. »

Selon lui, les objectifs principaux des Instituts Confucius sont d’endoctriner les gens à suivre la ligne du régime totalitaire chinois et de recueillir des informations au sein des universités.

« Quelles recherches font ces universités ? Est-ce que ça vaut la peine d’être volé ? Si oui, elles peuvent les envoyer directement par mail à la Chine, au lieu de se les faire voler petit à petit par un institut Confucius »  conseille-t-il aux universités accueillant ou voulant accueillir un Institut Confucius.

« Diffuser l’image d’un pays stable, pacifique et civilisateur » se défend le régime chinois

Les autorités chinoises se défendent de toute propagande ou tentative d’espionnage dans les universités via les Instituts Confucius. Selon elles, les Instituts « diffusent l’image d’un pays stable, pacifique et civilisateur d’une Chine millénaire et s’inscrivent dans la volonté de rayonnement mondial du pays. »

À côté de l’enseignement de la langue chinoise, ces centres proposent des activités visant à mieux faire connaître la culture et l’histoire chinoises – tout du moins la version officielle du parti communiste chinois.

Interdit par exemple d’y parler des manifestations de Hong Kong, du Tibet, de Taïwan, de la répression des Ouïghours, du Falun Gong ou des Chrétiens. Pas un mot sur les violations des droits de l’homme et de la liberté de la presse, sur les prélèvements forcés d’organes, l’emprisonnement massif des « dissidents » et les camps de travaux forcés. Il ne pourra pas non plus être abordés des sujets comme l’expropriation des paysans, la répression des avocats et des journalistes, la pollution de l’environnement, l’espionnage industriel, etc.

En contre partie, les universités françaises se voient offrir des fonds, des partenariats et des voyages tous frais payés.

Des subventions, des partenariats et des voyages tous frais payés en Chine

Selon le site de l’université de Pau, l’ouverture de l’Institut Confucius a pour objectif « de renforcer les échanges éducatifs et culturels, d’intensifier les relations culturelles, scientifiques, économiques et touristiques entre la Chine et la France et plus particulièrement le Sud-Ouest, la Mairie de Pau, l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA), mais aussi plusieurs grandes entreprises ».

L’université de Pau va ainsi recevoir une dotation de départ de 130 000€, fournie par la Chine. Les autorités chinoises vont ensuite verser 50% du budget de fonctionnement annuel de l’Institut (qui s’élève à 163.000 euros). « Cela permet ainsi à chacun, partenaires chinois et français, de garder sa liberté », explique François Bayrou.

« Le bras de fer qui oppose Pékin et le mouvement pro-démocratie à Hong Kong ne gâche-t-il pas la fête ? » demande Les Échos à l’ancien ministre de la Justice et ancien ministre de l’Éducation. « Je ne confonds pas les peuples et les régimes » répond-t-il.

« ​C’est un réseau très important dans lequel il n’est pas facile d’entrer » ajoute François Bayrou. « Nous avons plaidé notre cause auprès des autorités chinoises et nous sommes allés en Chine. »

Pour les Instituts Confucius, le gouvernement chinois paie le voyage en France des enseignants, leurs salaires et leur logement sur place. Il fournit des manuels et finance des bourses et séjours en Chine : quinze jours dans la ville de l’université partenaire, avec cours de chinois le matin, visites culturelles l’après-midi. Les participants ne paient que le billet d’avion et le visa. L’idée étant, de retour chez eux, de devenir des ambassadeurs de la propagande du régime chinois à l’étranger.

Cependant, plusieurs universités en France et dans le monde ont observé l’atteinte progressive de ces Instituts à leur liberté académique et ont entamé des fermetures.

Des témoignages des fermetures d’Instituts Confucius en France et dans le monde

À Lyon, les représentants français de l’Institut Confucius ont demandé en 2013 la fermeture du centre. « Cette ingérence d’une structure émanant de l’État chinois dans l’université nous est apparue comme inappropriée car susceptible de remettre en cause notre liberté scientifique », avaient expliqué dans un communiqué Grégory Lee, alors président du conseil d’administration de l’Institut, et Florent Villard, son directeur français.

À Poitiers, un rapport régional de la Cour des Comptes rendu public en novembre 2017 épinglait l’association Confucius et Hippocrate, selon France3-Régions. Il pointait les dépenses importantes de l’association, destinée à former des personnels hospitaliers chinois, qui auraient permis de financer les voyages du président de l’association en Chine.

Gilles Guiheux, directeur de l’institut Confucius de Paris Diderot entre 2011 et 2014, expliquait aux Échos : « L’université française repose sur le principe de la liberté académique. Or, celle-ci est très restreinte en Chine. De ce fait, il n’est pas question que les instituts Confucius puissent participer de près ou de loin à la délivrance des diplômes ». « Il y a une limite à ne pas franchir » précisait-il.

À Strasbourg, l’Institut Confucius n’a même pas intégré l’université. Directeur du département d’études chinoises, Thomas Boutonnet explique : « Ces instituts ont pour vocation de propager une image expurgée de tous les sujets sensibles et donc non objective du territoire chinois. S’ils prennent assise dans les études et la recherche universitaire, on peut redouter que cela aboutisse à la production d’une littérature peu critique sur la Chine. »

La France n’est pas le seul pays à avoir autorisé puis fermé des Instituts Confucius.

En 2015, l’Université des Médias de Stuttgart en Allemagne a fermé son Institut Confucius, sous la pression de l’association « Étudiants pour un Tibet Libre (SFT) ». Denzin Dolkar, directrice exécutif de SFT, indiquait que la séparation de l’Université de Stuttgart et de l’Institut Confucius avait été une victoire pour les droits humains. «Permettre au gouvernement chinois d’imposer sa version sur les droits de l’homme en Chine et sur le Tibet dans nos campus constitue une menace grave à la liberté des universités. Nous félicitons l’Université des Médias de Stuttgart d’avoir pris cette mesure et de protéger ainsi son indépendance et son intégrité universitaire », a-t-elle indiqué.

Aux États-Unis, plusieurs universités (celles de Chicago et de Pennsylvanie par exemple) ont décidé de fermer les centres qu’elles hébergeaient. En Suède et au Canada aussi, des universités ont coupé les ponts. « Ce sont des espions » avait déclaré un ancien agent des services de renseignements canadiens, Michel Juneau-Katsuya, à la suite de la fermeture de l’Institut Confucius de l’Université McMaster au Canada.

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