Gabriel Matzneff, chronique d’un scandale pédophile annoncé : « Ces gens-là appartiennent à une caste complètement à part »

Par Epoch Times avec AFP
28 décembre 2019 12:20 Mis à jour: 30 décembre 2019 09:46

Le goût de l’écrivain Gabriel Matzneff pour les jeunes « de moins de 16 ans » était connu de tous. Pourtant, cette semaine, le monde littéraire a été secoué par la sortie du livre « Consentement » de Vanessa Springora le 2 janvier, victime de l’artiste lorsqu’elle avait 13 ans. Définitivement, l’époque a changé et il devient difficile de cacher les mœurs de certains milieux artistiques, médiatiques et politiques des années 70-80, adeptes de la pédophilie et du tourisme sexuel.

Vanessa Springora raconte dans son livre avoir entamé une relation, sous emprise, avec l’écrivain à l’âge de 13 ans au milieu des années 1980. Il était alors presque quinquagénaire et multipliait les relations avec de jeunes filles et jeunes garçons, parfois dans le cadre de tourisme sexuel en Asie.

Dans ce roman autobiographique, « Consentement », Vanessa Springora décrit comment elle a été séduite par Gabriel Matzneff. « Elle raconte comment il l’a sodomisée, la première fois elle avait 13 ans et demi, elle croyait qu’il l’aimait, ensuite sa vie a été un enfer », relève Mme Bombardier. La propre mère de l’adolescente « savait qu’il était pédophile » et le recevait malgré tout « parce qu’il était un des bonzes de la littérature française ».

La romancière québécoise Denise Bombardier, qui avait fustigé dès 1990 l’attirance sexuelle de Gabriel Matzneff pour les jeunes adolescents, a salué le livre « courageux » et « remarquable » de l’éditrice Vanessa Springora sur ses relations passées avec l’écrivain. « C’est un livre remarquable, courageux, d’une écriture chirurgicale », commente-t-elle pour l’AFP.

Denise Bombardier a expliqué, lors d’une série d’interviews aux médias québécois, avoir reçu un courriel de Vanessa Springora la remerciant d’avoir été la seule à dénoncer publiquement les agissements de Gabriel Matzneff. « Vanessa dit que (mon intervention) lui a donné la force, au bout de 30 ans, d’écrire et de se décider à parler », explique-t-elle.

Lors de l’émission « Apostrophes » en mars 1990, Bernard Pivot interrogeait sur un ton badin l’écrivain Gabriel Matzneff sur son attirance sexuelle pour les « moins de 16 ans ». Denise Bombardier avait été la seule invitée à réagir, jugeant que Gabriel Matzneff aurait « des comptes à rendre à la justice » s’il n’avait pas une telle « aura littéraire ».

« Je n’aurais pas pu me regarder dans la glace si je n’avais rien dit », s’est-elle souvenue vendredi au micro d’Europe 1. Cette intervention lui a valu « 2.000 lettres de Français pour m’appuyer » mais aussi des « lettres d’insultes », a-t-elle rapporté.

Dans la tourmente, Bernard Pivot évoque une autre « époque »

Sur les réseaux sociaux, la vidéo est aujourd’hui largement partagée. Bernard Pivot interroge l’écrivain: « Pourquoi vous êtes-vous spécialisé dans les lycéennes et les minettes ? », demande-t-il à celui qui n’a jamais fait mystère de son attrait et de ses relations sentimentales et sexuelles avec des « moins de 16 ans ». La séquence, expurgée par l’Ina et accusée d’être complaisante, a été vue près de 400.000 fois depuis sa mise en ligne.

En réponse, Bernard Pivot a invoqué une autre « époque ». Les réactions se sont multipliées depuis jeudi, certaines accusant l’écrivain et d’autres le soutenant…

« Vous avez été complaisant envers un pédocriminel. Vous n’avez exprimé aucun dégoût, aucune indignation, aucune empathie envers les victimes. Vous avez utilisé le terme de « minettes » pour parler d’elles, pour les dénigrer, les ridiculiser, les disqualifier », l’a interpellé dans un communiqué le collectif féministe #NousToutes.

« J’ai beau chercher, je ne comprends toujours pas en quoi le fait de ne plus tolérer qu’un dandy pervers de 40 ou 50 ans mette son sexe dans la bouche d’une enfant de 13 ans ou exploite des petits garçons en Asie du Sud-Est est une menace pour la création littéraire… », a estimé l’essayiste et homme politique Raphaël Glucksman.

S’adressant à Bernard Pivot, la réalisatrice Andréa Bescond (« Les Chatouilles », film sur la pédocriminalité inspiré de son enfance), a jugé qu’il aurait dû faire son « mea culpa ». « Peut-être vouliez-vous dire : Dans les années 70 et 80, la littérature passait avant la loi et le crime, il était temps que cela change, nous avons été des complices passifs, sans aucune morale, nous étions les produits d’une triste époque, nous aurions dû réagir, mea culpa ».

« Dans les années 70 et 80, la littérature passait avant la morale; aujourd’hui, la morale passe avant la littérature. Moralement, c’est un progrès. Nous sommes plus ou moins les produits intellectuels et moraux d’un pays et, surtout, d’une époque », a écrit l’ancien président de l’Académie Goncourt, sur Twitter, où il compte plus d’un million d’abonnés.

« C’est vrai. Les ados sont en demande de tester leur pouvoir de séduction, qu’on leur dise qu’ils sont sexy ou beaux. Et c’est votre putain de rôle d’adulte de leur mettre des limites immédiates », a réagi sur Twitter la féministe Valérie Rey-Robert, auteur d’un livre sur « la culture du viol à la française ».

Aux antipodes, Josyane Savigneau, membre du jury Femina et ancienne patronne du Monde des Livres, a évoqué une « chasse aux sorcières » en mettant en ligne l’article du Monde sur Matzneff publié cette semaine, pour lequel elle a refusé de répondre.

Lauréat du Renaudot essai 2013, Gabriel Matzneff, 83 ans aujourd’hui, a longtemps été une figure prisée du milieu littéraire.

La romancière Denise Bombardier salue le courage de l’éditrice Vanessa Springora

« J’ai fait ce que j’avais à faire », note-t-elle, rappelant que son intervention lors de l’émission « Apostrophes » en mars 1990 de Bernard Pivot lui a valu de nombreuses critiques à l’époque au sein du milieu littéraire parisien.

« Dans ce monde-là, ils parlaient de moi comme la mal-baisée », rappelle l’auteure québécoise à l’AFP. « Je n’ai plus jamais eu de critique dans le Monde ».

« Il y a encore quelques jours, (l’ancienne directrice des pages littéraires du Monde) Josyane Savigneau a soutenu Matzneff et dit que j’étais une purge, l’écrivain Frédéric Beigbeder a dit qu’il resterait son ami: ces gens-là appartiennent à une caste complètement à part », regrette-t-elle.

« Ce qui me réjouit, c’est de voir comment les jeunes générations sont scandalisées de se rendre compte que c’était comme ça en France », ajoute la chroniqueuse au Journal de Montréal.

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