Grande manifestation en Biélorussie alors que le « dernier dictateur européen » refuse de refaire l’élection

Par Ivan Pentchoukov
17 août 2020 18:13 Mis à jour: 18 août 2020 05:46

Le 16 août, les manifestants ont envahi les rues de Minsk, la capitale de la Biélorussie, réalisant la plus grande manifestation d’opposition à la validité des résultats d’une élection tenue une semaine plus tôt et remportée par le leader autoritaire de la nation, Alexandre Loukachenko, qui rejette toute possibilité de refaire le scrutin.

Environ 200 000 personnes ont participé à la manifestation, face à un manque surprenant de policiers, reconnus pourtant pour réprimer violemment la dissidence, dans un pays dirigé d’une main de fer par son premier et unique président. Des milliers de manifestants ont été arrêtés et deux d’entre eux ont été tués, depuis que les forces de sécurité ont réprimé les manifestations suite à l’élection du 9 août.

Les manifestants qui ont été libérés par la suite ont montré des ecchymoses qui, selon leur dire, étaient dues à des passages à tabac par la police ; certains manifestants brandissaient des photos d’êtres chers qui, disaient-ils, avaient été si malmenés qu’ils ne pouvaient pas assister à la manifestation.

Alexandre Loukachenko, le seul membre du Parlement biélorusse à avoir voté contre la dissolution de l’Union soviétique en 1991, a participé à un rassemblement beaucoup plus restreint organisé par ses sympathisants le 16 août, déclarant à la foule que « la mère patrie est en danger » et que la Biélorussie « périra en tant qu’État » si l’élection est relancée.

Le président biélorusse Alexandre Loukachenko prononce un discours lors d’un rassemblement de soutien dans le centre de Minsk, le 16 août 2020. (Siarhei Leskiec/AFP via Getty Images)

Au milieu des protestations quotidiennes, le Kremlin a déclaré que le président Vladimir Poutine avait promis d’aider M. Loukachenko, si nécessaire, conformément à un pacte militaire collectif.

La candidate de l’opposition, Sviatlana Tsikhanouskaya, a déclaré avoir remporté l’élection avec 60 à 70 % des voix. Elle a depuis fui en Lituanie et a formé un conseil pour coordonner une transition pacifique du pouvoir. Le ministre lituanien des affaires étrangères, Linas Linkevicius, a qualifié Alexandre Loukachenko d’« ancien président » dans un message Twitter le 5 août.

Alexandre Loukachenko détient un pouvoir pratiquement illimité sur l’appareil gouvernemental en Biélorussie. La chambre basse du Parlement du pays n’a pas un seul siège détenu par un parti d’opposition. Alexandre Loukachenko nomme les membres de la chambre haute et presque tous les juges.

La politique intérieure, économique et étrangère de M. Loukachenko est similaire à celle des dictatures socialiste et communiste. Ancien directeur d’une ferme collective et membre du parti communiste de l’Union soviétique, M. Loukachenko a soutenu la propriété de l’État sur des industries clés.

La Biélorussie a conservé une grande partie du symbolisme soviétique, même si d’autres anciennes républiques, dont l’Ukraine, l’ont activement rejeté et abandonné. Il n’a pas de presse libre ni d’élections libres et équitables. La répression des opposants par Alexandre Loukachenko lui a valu le titre de « dernier dictateur d’Europe » parmi les responsables européens et occidentaux.

Une militante de l’opposition biélorusse lève son poing lors d’une manifestation dans le centre de Minsk le 16 août 2020. (Sergei Gapon/AFP via Getty Images)

La manifestation à Minsk a été pacifique et festive. Les gens scandaient « vive la Biélorussie » et « nous n’oublierons ni ne pardonnerons ». Ils ont agité les drapeaux rouge et blanc utilisés en Biélorussie après la rupture avec l’Union soviétique en 1991, que M. Loukachenko a remplacé par la bannière de l’ère communiste peu après avoir pris le pouvoir.

« Nous voulons tous que Alexandre Loukachenko se retire », a déclaré Alexei, un manifestant de 31 ans. « Pour l’instant, nous demandons, mais nous allons nous lasser de demander. »

Maria Kolesnikova, se référant à Alexandre Loukachenko comme « l’ancien président », a déclaré qu’il devrait démissionner, et a appelé les fonctionnaires d’État à l’abandonner.

« C’est votre dernière chance de surmonter votre peur », a-t-elle déclaré. « Nous avons tous eu peur, aussi. Rejoignez-nous et nous vous soutiendrons. »

Alla Georgievna, 68 ans, qui a participé au petit rassemblement de partisans où M. Loukachenko a pris la parole, a déclaré qu’elle soutenait toujours le président.

« Je ne comprends pas pourquoi tout le monde s’est élevé contre lui. Grâce à lui, nous recevons nos pensions et nos salaires à temps », a-t-elle déclaré.

« Maintenant, tout le monde est contre M. Loukachenko, et le président a besoin de notre soutien. Tout le monde a soudainement oublié les bonnes choses qu’il a faites – il y a de l’ordre dans le pays, nous n’avons ni guerre ni faim », a déclaré Tamara Yurshevich, une avocate de 35 ans.

Lors du rassemblement, Alexandre Loukachenko, qui a déjà affirmé que des puissances étrangères conspiraient contre lui, a déclaré que les chars et les avions de l’OTAN se trouvaient à moins de 15 minutes de la frontière du pays. L’OTAN a déclaré que bien qu’elle surveille de près la situation en Biélorussie, il n’y a pas de renforcement militaire à la frontière occidentale du pays.

Les manifestants affirment que l’élection a été truquée, tandis que M. Loukachenko s’en tient aux chiffres officiels qui montrent qu’il a gagné, avec plus de 80 % des voix. Les sondages effectués sur Internet avant l’élection avaient montré une image très différente, le dirigeant autoritaire ayant obtenu moins de 7 % des voix dans 5 enquêtes.

Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a déclaré que l’élection n’avait pas été « libre et équitable », et l’Union européenne a déclaré que les résultats de l’élection avaient été « falsifiés » et qu’elle envisageait des sanctions.

« De sévères restrictions sur l’accès des candidats aux urnes, l’interdiction d’envoyer des observateurs locaux indépendants dans les bureaux de vote, les tactiques d’intimidation employées contre les candidats de l’opposition et la détention de manifestants pacifiques et de journalistes ont entaché le processus », a déclaré M. Pompeo.

Malgré l’offre d’assistance militaire de Poutine pour réprimer les troubles, les relations entre la Russie et la Biélorussie sont de plus en plus tendues depuis le début de l’année. En janvier, Alexandre Loukachenko a accusé Poutine d’essayer de faire de la Biélorussie une partie de la Russie. En juillet, la Biélorussie a arrêté 33 entrepreneurs militaires russes et M. Loukachenko a accusé Moscou d’essayer d’envoyer 200 combattants avant les élections afin de déstabiliser la Biélorussie.

Les récents développements suggèrent que la Russie, qui a déjà mené à bien une opération géopolitique d’accaparement de terres en Ukraine, pourrait être guidée par des arrière-pensées en offrant son aide.

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