Des groupes québécois et une politicienne font la promotion d’une application chinoise surveillant ses utilisateurs et recueillant leurs données personnelles

Par Andrew Chen et Kathy Han
24 juin 2023 16:34 Mis à jour: 25 juin 2023 13:08

Une conseillère municipale de la ville de Brossard et deux groupes communautaires ont fait la promotion d’une application cellulaire recueillant et transférant les informations privées des utilisateurs aux autorités chinoises, tout en exigeant que les utilisateurs se conforment à la Loi chinoise.

Qiaobao, une application développée par une société technologique basée à Pékin, opèrant en tant que filiale de China News Service, la deuxième plus grande agence de presse d’État en Chine, après l’agence de presse Xinhua.

L’application Qiaobao, lancée en juin 2016, fait partie d’un projet du bureau des affaires des Chinois d’outre-mer du Conseil d’État chinois, a indiqué le bureau dans un communiqué de presse de 2016.

Le bureau des affaires des Chinois d’outre-mer est un organisme affilié au Département du travail du Front uni, l’un des principaux outils d’ingérence du Parti communiste chinois à l’étranger, selon des études citées par Sécurité publique Canada. En février 2022, un tribunal fédéral canadien a confirmé qu’il existait des motifs raisonnables de croire que le Bureau se livrait à des activités d’espionnage qui nuisaient aux intérêts canadiens.

Xixi Li, une conseillère municipale pour Brossard, au Québec, a fait la promotion de l’application dans la communauté chinoise locale par l’intermédiaire du Centre Sino-Québec de la Rive-Sud (CSQRS) et de son organisation sœur à Montréal, le Service à la famille chinoise du Grand Montréal (SFCGM).

Mme Li est la directrice générale des deux organisations, figurant toutes deux sur la liste des quelque 50 « centres de services aux Chinois d’outre-mer » créés par le Bureau des affaires des Chinois d’outre-mer dans le monde entier pour apporter un soutien aux nouveaux immigrants de Chine.

Dans un rapport annuel 2018-2019, le CSQRS a déclaré qu’une de ses tâches était de « construire et maintenir la plateforme d’information mobile Qiaobao pour attirer davantage de Chinois d’outre-mer à télécharger et à s’abonner à la page en ligne des centres de services pour les Chinois d’outre-mer. »

Le SFCGM avait également indiqué sur son site web que la maintenance de Qiaobao faisait partie de son travail, mais cette description a été retirée depuis que les médias ont commencé à faire état des enquêtes de la GRC sur les deux organisations québécoises soupçonnées de fonctionner comme des postes de police chinois illégaux.

Une exigence du gouvernement

Selon un rapport publié en février 2017 par un média d’État chinois, le programme de centre de services pour les Chinois d’outre-mer devait être intégré à l’application Qiaobao.

Le média montréalais SinoQuebec a également publié un rapport sur l’événement qui s’est déroulé ce mois-là dans la province de Hunan, en Chine, et auquel Mme Li a participé. Mme Li faisait partie des 46 représentant(e)s de centres de services chinois à l’étranger de 32 pays et régions qui ont signé un protocole d’entente visant à faciliter le processus d’intégration des centres dans l’application Qiaobao. Selon le SinoQuebec Post, le rapport provient de la SFCGM, l’une des deux organisations québécoises dont Mme Li est la directrice générale.

Dans une interview accordée au média chinois Simcinc.com en 2019, Mme Li a déclaré en chinois : « Certaines personnes ne comprennent pas pourquoi elles doivent enregistrer leurs informations personnelles lorsqu’elles viennent ici [dans les centres de services] pour obtenir de l’aide. C’est parce que c’est une exigence du gouvernement. Il ne s’agit pas seulement de financement public. Le gouvernement a également besoin de ces données pour comprendre les tendances au sein de la communauté et disposer d’une base pour formuler des politiques pertinentes ».

Mme Li et ses deux organisations n’ont pas répondu aux nombreuses demandes de commentaires d’Epoch Times.

Des captures d’écran des comptes Qiaobao de divers centres de services chinois à l’étranger au Canada montrent que le centre de services de Toronto compte plus de 32 000 abonnés, le centre de services de Vancouver plus de 23 000 abonnés et les centres de services de Montréal plus de 25 000 abonnés. Le CSQRS a également déclaré dans son rapport annuel 2018-2019 qu’il avait plus de 13 000 adeptes sur Qiaobao à l’époque.

Accord de service

Les conditions d’utilisation de l’application Qiaobao et les pratiques de collecte des données stipulent le respect des lois chinoises, y compris la « politique religieuse » du régime communiste, ainsi que son système socialiste.

Après avoir téléchargé l’application, une page « accord de service et politique de confidentialité » apparaît, indiquant en chinois que l’accord est « régi par les lois de la partie continentale de la République populaire de Chine ».

L’accord stipule que, dans le processus d’enregistrement et d’utilisation du compte, les utilisateurs « ne doivent pas diffuser d’informations qui violent les lois de la République populaire de Chine sur cette app. », et qu’ils doivent se conformer à « sept principes fondamentaux » qui incluent le respect des exigences du « système socialiste ».

L’accord définit également certaines règles concernant les informations que les utilisateurs peuvent publier, dont certaines semblent vastes et ambiguës : les utilisateurs ne doivent pas « porter atteinte aux politiques religieuses de l’État [chinois] » ni « nuire à l’honneur et aux intérêts nationaux ».

Il précise également que les utilisateurs ne doivent pas contourner la censure en « publiant des informations dénuées de sens ou en utilisant délibérément des combinaisons de caractères pour échapper à l’examen technique ».

Qiaobao recueille largement les informations personnelles de ses utilisateurs, notamment leur nom réel, leur sexe, leur date de naissance, leur numéro d’identification national, leur numéro de téléphone portable, leur numéro de compte bancaire, leur adresse et leur adresse électronique. Le système traite également automatiquement les informations relatives à la localisation de l’appareil de chaque utilisateur par le biais du GPS ou du WiFi.

L’accord stipule notamment que l’entreprise ne transférera ni ne divulguera les informations personnelles des utilisateurs à une tierce partie non liée « à moins que les lois et règlements pertinents ou les agences judiciaires, administratives ou autres ne l’exigent ».

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