Incidents après la victoire de l’Algérie : « Tu es un embarras binational. En France, tu causes la consternation »

Par Paul Tourège
21 juillet 2019 12:26 Mis à jour: 21 juillet 2019 12:27

Atterré par le triste spectacle des pillages, des saccages et des rixes qui ont jalonné les victoires de l’équipe de football algérienne pendant la Coupe d’Afrique des nations (CAN), Driss Ghali a décidé de s’adresser directement aux supporteurs des Fennecs ayant pris part aux incidents qui se sont déroulés dans plusieurs villes de France.  

Âgé d’une trentaine d’années, Driss Ghali est né au Maroc avant de suivre des études en France. Diplômé de l’École des Hautes Études Commerciales du Nord (EDHEC) et de l’École Centrale Paris (ECP), il vit désormais au Brésil. Lauréat du Concours général d’arabe et spécialiste des relations internationales, il est l’auteur de deux ouvrages (Mon père, le Maroc et moi et David Galula) et publie régulièrement des articles dans les médias.

Exaspéré par les multiples débordements qui ont ponctué le parcours de l’équipe de football algérienne pendant la CAN, il a pris la plume pour rédiger une tribune intitulée Lettre à ces supporteurs mal élevés, dans les colonnes du magazine Causeur.

« Tu te dis amateur de foot, mais tu n’es rien d’autre qu’un mal élevé. Tu te présentes comme supporteur de l’équipe d’Algérie, mais tu n’es rien d’autre qu’un aigri qui passe ses nerfs sur le mobilier urbain. Un lâche qui a besoin de la foule pour passer à l’acte. Le drapeau algérien est ton alibi, ce qu’il représente t’est indifférent. Les seules couleurs que tu défendes sont les tiennes et elles sont tristes et délavées comme ton maigre bilan dans la vie », commence l’auteur.

« Ton impolitesse fait de toi une caricature. Une sorte de bête de foire qui fait peur en même temps qu’elle inspire la pitié. Un cliché ambulant qui coche toutes les cases du ‘détestable’. En réalité, tu es un embarras binational. En France, tu causes la consternation. En Algérie, tu provoques la sidération à cause de ton manque total de savoir-vivre », poursuit Driss Ghali.

« Un homme, un vrai, vit en fonction de ses valeurs. Si tu détestes la France, alors brûle ton passeport et casse-toi. Si tu estimes que tu as des droits sur la France, engage-toi dans un parti politique quel qu’il soit et défends-y tes intérêts. […] À la moindre occasion, tu dois te remplir les poumons et la cervelle d’insultes et de bruits de sirène. On dirait que tu es vide de l’intérieur et que tout (et surtout n’importe quoi) peut combler ta vacuité », ajoute-t-il.

« Tu casses et tu craches pour éclabousser leur aura »

Pour l’écrivain, les jeunes issus de l’immigration n’ayant pas réussi à s’intégrer seraient « jaloux » et « aigris » des succès de ceux qui ont su maîtriser les codes de la société dans laquelle ils sont nés pour y prendre toute leur place et s’y épanouir.

« […] Tu avais besoin d’un cadre et l’on t’a donné des caresses. Tu languissais pour des règles et l’on t’a offert des excuses. Résultat : tu t’es perdu dans l’existence et tu as laissé passer ta chance de réussir. Maintenant, tu imputes ton échec aux autres. Tu veux gâcher la victoire du football algérien, en faire un événement triste et déplorable, ruiner l’œuvre de ces joueurs talentueux qui eux ont trouvé un sens à leur vie. L’histoire du sport africain se souviendra d’eux ; de toi, personne ne gardera la moindre trace. »

« En brûlant les voitures et en cassant les vitrines, tu veux faire croire au monde qu’il n’y a pas d’intégration possible, que les Arabes ne seront jamais des bons citoyens. Or, tu le sais bien au fond de toi : l’intégration fonctionne pour certains. Pas assez pour absorber les bouleversements démographiques mais suffisamment quand même pour que des Algériens dirigent des cliniques ou donnent des cours à l’université. Leur succès t’est insupportable. Alors, tu casses et tu craches pour éclabousser leur aura », observe Driss Ghali.

 « La colonisation n’a pas été une bonne affaire pour les Français »

Alors que plusieurs supporteurs ont justifié leur liesse en faisant un parallèle avec la colonisation française en Algérie, voyant dans les célébrations bruyantes de la victoire des Fennecs sur le sol français une sorte de revanche, l’auteur de l’ouvrage Mon père, le Maroc et moi dénonce la posture victimaire adoptée par certains jeunes d’origine immigrée et les invite à s’intéresser d’un plus près au passé du pays de leurs aïeux.

« Ah le traumatisme colonial ! Pauvre garçon, tu as dû souffrir le martyre sous le joug des pieds noirs, toi qui es né après 1962 ! Tu n’as pas honte de t’approprier la souffrance de tes aïeux ? Toi qui compatis tellement aux crimes du passé, tu devrais t’intéresser aux outrages faits au peuple algérien avant 1830. Renseigne-toi sur l’occupation ottomane qui a duré plus de trois siècles… Tente de localiser sur une carte les infrastructures et les hôpitaux légués par les Ottomans en Algérie… Tu n’en trouveras pas. Les Ottomans ont prélevé l’impôt en Algérie, pratiqué l’esclavage, discriminé les populations autochtones qu’ils ont maintenues dans l’analphabétisme et le dénuement… et toi tu fermes les yeux ! Pourquoi tu ne vas pas crier ‘Viva l’Algérie’ à Istanbul ? »

« En 1962, la France a laissé un pays équipé. Des routes magnifiques, des barrages, des centres de recherche, une chaîne de télévision moderne. Les Français ont soigné le typhus, le paludisme et la variole. Ils ont dépensé des fortunes pour améliorer le sort des Algériens. Pourquoi crois-tu que de Gaulle a tout voulu remballer et partir illico presto ? C’est aussi parce que ça coûtait cher à la France de soigner la misère accumulée par des siècles de mauvaise gouvernance et de retard technologique », ajoute le chroniqueur.

« […] Oui, la France a des choses à se reprocher mais tant de choses à mettre à son crédit. L’histoire est têtue mais elle est aussi faite de contrastes. Il n’y a que les enfants et les sots pour refuser la nuance. […] Il faut lire Jacques Marseille et Daniel Lefeuvre pour comprendre que la colonisation n’a pas été une bonne affaire pour les Français. Elle l’a été pour certains capitalistes, c’est indéniable, mais pas pour la République Française », renchérit Driss Ghali.

« […] Il n’y a aucun doute que la présence française a été entachée d’immenses parts d’ombre. Tu connais un peuple de saints toi ? Un peuple immaculé, exempt de toute culpabilité ? Es-tu suffisamment naïf pour croire que les Arabes ont dominé les Berbères d’Algérie en distribuant des roses et du miel ? »

« Ceux qui devraient t’ouvrir les yeux brillent par leur absence »

Considérant que le comportement des jeunes issus de l’immigration dont il brosse le portrait est aussi le reflet d’un malaise et d’un mal-être profonds, l’auteur les encourage à se reprendre sans délai afin de modifier le cours de leur destin.

« À ta décharge, ceux qui devraient t’ouvrir les yeux brillent par leur absence… Artistes, joueurs de football et autres stars issues de la diversité se taisent. Ils suivent le sens du vent dominant chargé de repentance », regrette l’écrivain.

« Avoir pitié de toi ne te rend pas service. La France ne va pas changer pour te faire une place, le monde non plus. Tu as raté la première mi-temps, ce n’est pas si grave que ça. La vie est un match de foot qui se gagne aux prolongations. Ressaisis-toi, arrête de chahuter et va t’entraîner, la deuxième mi-temps est pour tout de suite », conclut Driss Ghali.

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