Jeux olympiques du silence : Pékin restreint la liberté d’expression

Par Antonio Graceffo
5 février 2022 22:11 Mis à jour: 5 février 2022 22:11

En plus d’être soumis à une surveillance constante, les participants aux Jeux olympiques d’hiver ont été avertis par le régime chinois de ne pas s’exprimer sur des sujets sensibles tels que les droits de l’homme.

« Comment en sommes-nous arrivés au point d’accorder le droit d’accueillir les Jeux à une nation où vous ne pouvez pas utiliser votre téléphone ? » interroge Owen Slot, rédacteur sportif en chef du Times of London.

La décision d’autoriser Pékin à accueillir les Jeux olympiques d’hiver de 2022 a été extrêmement controversée, compte tenu des violations des droits de l’homme commises par le régime chinois, notamment le génocide des musulmans ouïgours, le génocide culturel au Tibet et ses incursions militaires au nez de Taïwan. Le sort de la star du tennis Peng Shuai, qui a disparu peu après avoir accusé l’ancien vice-Premier ministre Zhang Gaoli d’agression sexuelle, est une autre source d’inquiétude.

Les autorités chinoises ont mis en garde les athlètes contre toute discussion sur des sujets controversés pendant les Jeux. Yang Shu, directeur général adjoint du ministère des relations internationales de Pékin 2022, a averti que les contrevenants s’exposeraient à « certaines sanctions ». La déclaration de Yang Shu, cependant, pourrait ne pas être conforme aux règles relatives aux discours politiques et religieux de la Charte olympique.

Avant les Jeux d’été de Tokyo, le Comité international olympique (CIO) a assoupli la règle 50 de la Charte olympique, accordant aux athlètes une plus grande liberté pour exprimer des opinions politiques lors de conférences de presse. Yang Shu a déclaré que les athlètes pouvaient être punis, non seulement pour avoir enfreint les règles du CIO, mais aussi si les athlètes enfreignaient les règles de la Chine, qui sont considérablement plus restrictives. Cela soulève la question de savoir dans quelle mesure le pays hôte a le droit de contrôler les déclarations des athlètes olympiques.

La censure n’est qu’un élément du régime extrême de contrôle social du PCC. Le département des Affaires étrangères des États-Unis a prévenu que les voyageurs se rendant à Pékin risquaient de voir leur chambre d’hôtel et leurs affaires personnelles fouillées sans leur permission. Les journalistes qui couvrent les Jeux olympiques sont tenus de télécharger une application de surveillance de la santé qui peut recueillir leurs informations personnelles et, par conséquent, la plupart d’entre eux apporteront des téléphones « à usage unique » dont ils se débarrasseront ensuite pour éviter que leurs données ne soient piratées.

Les journalistes seront soumis à un régime strict de tests Covid-19, et s’ils sont positifs, ils ne seront pas autorisés à couvrir les Jeux. Au vu de ces nombreuses restrictions, certaines médias, dont la chaîne de télévision sportive américaine ESPN, ont décidé de ne pas envoyer de correspondants à Pékin. Le groupe audiovisuel américain NBC couvrira les jeux à distance, depuis les États-Unis. L’ancien animateur sportif de NBC, Bob Costas, a qualifié le retour des Jeux en Chine de « honteux ». La chroniqueuse du quotidien USA Today, Christine Brennan, estime que la pandémie avantage le PCC, lui donnant un prétexte pour accroître son contrôle sur les journalistes.

Avec au moins 127 journalistes actuellement détenus en Chine, le pays occupe la 177e place sur 180 dans le classement mondial de la liberté de la presse 2021 tel qu’établi par Reporters sans frontières (RSF). En dépit de la censure du PCC, RSF a publié des directives journalistiques et a exhorté les reporters à ne pas utiliser des termes favorables à Pékin qui ne décrivent pas fidèlement les réalités gênantes. Plutôt que de dire « la lutte contre le terrorisme », RSF suggère de dire « la répression au Xinjiang ». De même, les « événements » de Tiananmen devraient être désignés par « massacre de Tiananmen », selon RFI.

Outre le fait que certains médias donnent un laissez-passer aux Jeux olympiques, ces derniers font également l’objet d’un boycott diplomatique de la part de pays tels que l’Autriche, l’Australie, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Estonie, le Japon, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, l’Ecosse, la Suède et le Royaume-Uni.

Des manifestants brandissent des pancartes et des banderoles lors d’une manifestation à Sydney pour demander au gouvernement australien de boycotter les Jeux olympiques d’hiver de 2022 à Pékin en raison du bilan de la Chine en matière de droits de l’homme, le 23 juin 2021. (Saeed Khan/AFP via Getty Images)

Même avant la disparition de Peng Shuai, des appels au boycott des Jeux olympiques ont été lancés en raison des violations des droits de l’homme commises par le PCC, notamment l’agression contre Taïwan. Ces problèmes existent depuis des décennies et remettent en question la raison pour laquelle l’Occident autorise la Chine communiste à accueillir les Jeux.

Plus récemment, Peng Shuai a servi de catalyseur, faisant pencher la balance en faveur d’une action des gouvernements occidentaux contre le PCC. Depuis sa disparition initiale l’année dernière, Peng Shuai a fait quelques apparitions douteuses dans les médias chinois et singapouriens. Mais les citoyens et les parlementaires occidentaux sont sceptiques quant à savoir si elle s’exprimait librement ou si elle parlait sous la contrainte. La World Tennis Association (WTA) a exigé une enquête.

En outre, la WTA a demandé la fin de la censure concernant Peng Shuai. L’association a depuis annulé tous les tournois organisés à Hong Kong et en Chine, et a laissé entendre qu’elle renoncerait à ses contrats lucratifs avec la Chine si ses demandes d’enquête n’étaient pas satisfaites. Malheureusement, tout le monde n’est pas assez courageux pour prendre une telle position. Cédant à la pression du PCC, l’Open d’Australie a exigé que les supporters retirent leurs t-shirts « Où est Peng Shuai ? »

La Chambre des représentants des États-Unis a adopté une résolution bipartisane demandant une vérification immédiate, par une tierce partie, de la liberté et de la sécurité de Peng Shuai. Le projet de loi condamne également le CIO pour avoir collaboré avec le PCC afin de dissimuler la disparition de Peng Shuai.

Le représentant Michael Gallagher (Parti républicain du Wisconsin) a demandé que des sanctions Magnitsky soient prises à l’encontre des membres du CIO qui ont collaboré avec le PCC, contribuant ainsi à la dissimulation. La loi Magnitsky habilite le gouvernement américain à sanctionner les auteurs de violations des droits de l’homme en gelant leurs avoirs et en leur interdisant l’entrée sur le territoire américain. Si elles sont appliquées, les sanctions Magnitsky pourraient également remettre en cause le statut d’exonération fiscale du CIO en Amérique.

Les boycotts diplomatiques et les sanctions potentielles semblent inefficaces. En dépit de la censure, de la surveillance, du génocide et des mauvais traitements infligés par le PCC à une star du tennis, les Jeux commencent le 4 février, légitimant encore davantage la position du PCC en tant que leader mondial.

Antonio Graceffo, docteur en philosophie, a passé plus de 20 ans en Asie. Il est diplômé de l’Université des sports de Shanghai et titulaire d’un MBA chinois de l’Université Jiaotong de Shanghai. Aujourd’hui, M. Graceffo est professeur d’économie et analyste économique de la Chine, écrivant pour divers médias internationaux. Parmi ses ouvrages sur la Chine : « Beyond the Belt and Road : China’s Global Economic Expansion » (Au-delà de l’Initiative ceinture et route : l’expansion mondiale de l’économie chinoise) et « A Short Course on the Chinese Economy » (Petit cours sur l’économie chinoise).

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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