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plus-iconLe parlement européen appuie sur le frein

La BCE accélère le rythme : l’euro numérique est destiné à compléter les espèces

La Banque centrale européenne poursuit le déploiement de l'euro numérique et entame la phase suivante du projet. La monnaie numérique devrait être opérationnelle d'ici 2029 - malgré des problèmes juridiques non résolus et des critiques croissantes de la part des milieux politiques et financiers.

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La Banque centrale européenne (BCE) photographiée avant une conférence de presse à l'issue de la réunion du Conseil des gouverneurs de la BCE à Francfort-sur-le-Main, en Allemagne, le 11 septembre 2025.

Photo: Daniel Roland/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 15 Min.

La Banque centrale européenne (BCE) accélère ses efforts concernant l’euro numérique. Le Conseil des gouverneurs de la BCE vient de lancer la phase suivante du processus de création d’une monnaie numérique.
« Le 29 octobre 2025, le Conseil des gouverneurs de la BCE a décidé que l’Eurosystème poursuivrait ses préparatifs et passerait à la phase suivante du projet d’euro numérique. Au cours de cette phase, l’Eurosystème développera les capacités techniques nécessaires avant une éventuelle décision concernant l’émission de l’euro numérique. »
La BCE ambitionne d’être prête pour une « première émission potentielle » de l’euro numérique d’ici 2029, selon l’objectif énoncé par les banquiers centraux dans le rapport.

(Shutterstock)

Résultat positif de la préparation de deux ans

La Banque centrale européenne (BCE) a tiré un bilan positif de la phase préparatoire de deux ans pour l’euro numérique.
Parmi les principaux accomplissements figurent l’élaboration d’un cadre réglementaire pour la monnaie numérique, la sélection des fournisseurs de technologies et la réussite des tests menés en collaboration avec les acteurs du marché dans un environnement d’innovation.
Parallèlement, un groupe de travail technique a confirmé qu’un euro numérique pourrait, en principe, être intégré au système de paiement existant.

Phase suivante

Dans la prochaine phase de mise en œuvre, la banque centrale concentrera ses efforts sur trois axes principaux : le développement de l’infrastructure technique, une coopération étroite avec les prestataires de services de paiement, les commerçants et les consommateurs, et l’apport d’une expertise technique pour appuyer le processus législatif.
L’objectif est de transposer les avantages du paiement en espèces dans l’univers numérique : sécurité renforcée, large acceptation et simplicité d’utilisation. Parallèlement, l’euro numérique vise à offrir un environnement propice à l’innovation et à la concurrence et à aider les services de paiement européens à étendre leur portée au sein du marché unique, notamment grâce aux normes ouvertes.

Coûts de mise en œuvre initiale et de fonctionnement par an

Les dépenses financières liées à la phase de développement, jusqu’à une éventuelle première émission, sont actuellement estimées à environ 1,3 milliard d’euros.
Dès le lancement, la BCE prévoit des coûts de fonctionnement annuels d’environ 320 millions d’euros.
Cependant, ces coûts pourraient varier en fonction de la conception finale.
La BCE souligne que, comme pour l’émission de billets de banque, l’Eurosystème supportera ces coûts. Des mécanismes de sauvegarde, tels que les plafonds d’actifs, visent également à garantir la stabilité financière.
Grâce à des études ciblées auprès des utilisateurs, la banque centrale vise à garantir que l’euro numérique devienne adapté à un usage quotidien, y compris pour les petits commerçants.
Le principe directeur demeure la coopération : la BCE affirme que le succès de l’euro numérique dépend largement du soutien des entreprises, des consommateurs et des décideurs politiques.

Le Parlement européen freine les ardeurs de la BCE

Ce dernier point pourrait toutefois contrecarrer les plans de la BCE. À ce jour, le cadre juridique nécessaire à l’introduction de l’euro numérique fait défaut.
Bien qu’un projet de loi correspondant soit soumis au Parlement européen depuis 2023, peu de progrès ont été réalisés. Début novembre, le député européen espagnol Fernando Navarrete Rojas a présenté un rapport sur la proposition législative de la Commission européenne.
Fernando Navarrete Rojas lors d'un échange de vues avec la vice-présidente exécutive de la Commission européenne chargée des personnes, des compétences et de la préparation, et commissaire à l'éducation, à la qualité, à l'emploi et aux droits sociaux, Roxana Minzatu, et le commissaire européen à l'économie et à la productivité et à la mise en œuvre et à la simplification, Valdis Dombrovskis, lors de la réunion de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, une institution de l'Union européenne, à Bruxelles, en Belgique, le 28 janvier 2025.

Fernando Navarrete Rojas lors de la réunion de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, une institution de l’Union européenne, à Bruxelles, en Belgique, le 28 janvier 2025.(MARTIN BERTRAND/Hans Lucas/AFP via Getty Images)

Au Parlement européen, M. Navarrete Rojas est rapporteur sur la proposition législative. Il rédige le rapport au sein de la commission compétente, exposant la position du Parlement sur la proposition de la Commission européenne, puis mène des négociations avec les États membres et la Commission. Appuyé par des rapporteurs fictifs, il coordonne les compromis entre les groupes politiques et présente finalement le résultat en séance plénière.
Le fait que ce rapport soit publié peu après la publication par la Banque centrale européenne de sa feuille de route pour l’euro numérique n’est probablement pas une coïncidence.
Le rapport révèle que M. Navarrete, député européen du groupe PPE, estime que l’euro numérique ne mérite d’être soutenu que si aucune alternative européenne du secteur privé n’existe d’ici là.
Il demande de nombreuses modifications au projet de loi de la Commission européenne. Par exemple, un test de marché devrait permettre de s’assurer que les conditions préalables à l’introduction d’une version en ligne de l’euro numérique sont remplies.
Le député européen convient que l’Europe devrait gagner en indépendance en matière de systèmes de paiement.
Cependant, le rapport doute que l’indépendance technologique puisse être imposée par la voie législative. Fernando Navarrete Rojas partage ainsi les inquiétudes des banques, qui remettent depuis longtemps en question la valeur ajoutée de l’euro et alertent sur les coûts élevés.

Mise en garde des banques  : l’euro numérique compromet d’autres projets d’innovation et son coût est estimé à 30 milliards d’euros

Une étude de PwC commandée par les associations bancaires européennes estime le coût de l’introduction de l’euro numérique pour le secteur bancaire à près de 30 milliards d’euros, sans aucun avantage tangible pour les consommateurs ou les entreprises.
Les représentants des caisses d’épargne et des banques coopératives avertissent que ce projet mobilisera des ressources humaines considérables dans un contexte déjà tendu et compromettra d’autres projets d’innovation.
« Supporter ces coûts en période de défis multiples, sans aucun avantage réel à en retirer, est inacceptable. »

Joachim Schmalzl, membre exécutif du conseil d’administration de l’Organisation des caisses d’épargne allemande

Dans le même temps, les associations perçoivent un risque de voir les entreprises technologiques internationales accéder plus facilement aux systèmes de paiement européens grâce à une infrastructure créée par l’État, au détriment des prestataires nationaux. Elles appellent donc à une répartition claire des rôles entre les secteurs public et privé et à l’intégration des solutions de paiement européennes existantes.
L’euro numérique ne peut contribuer à la souveraineté européenne que s’il complète les systèmes existants au lieu de créer des structures parallèles.
M. Navarrete ne voit qu’une seule véritable amélioration dans l’euro numérique : la possibilité de payer même sans connexion internet.
La fonction hors ligne prévue permettrait des transactions sécurisées même en cas de défaillance des réseaux de cartes ou de téléphonie mobile, par exemple lors de pannes, dans les zones rurales ou à l’étranger. Pour le reste, il estime que les systèmes de paiement actuels répondent déjà de manière fiable à la demande.

Quels sont les arguments en faveur d’un euro numérique ?

Dans une note de position de 2022, la Banque centrale européenne (BCE) souligne que la numérisation transforme profondément les transactions de paiement et que l’utilisation des espèces est en déclin. Afin de continuer à garantir l’accès à une monnaie sécurisée et garantie par l’État, la BCE préconise l’introduction d’un euro numérique. Celui-ci est destiné à compléter, et non à remplacer, les espèces.
La BCE soutient que la monnaie de banque centrale est un pilier monétaire indispensable au système financier. Si les espèces perdent de leur importance, la monnaie privée – comme les dépôts bancaires ou les systèmes de paiement des grandes entreprises technologiques internationales – pourrait devenir dominante.
Du point de vue de la BCE, cela compromettrait la stabilité, l’indépendance et la souveraineté du système de paiement européen. L’euro numérique vise à éviter que l’Europe ne devienne dépendante de prestataires de paiement non européens ou de monnaies numériques étrangères.
Par ailleurs, la BCE considère l’euro numérique comme une opportunité de promouvoir l’innovation et la concurrence dans les paiements européens. Il pourrait faciliter l’accès à des solutions de paiement modernes, notamment pour les personnes ayant auparavant un accès limité aux services financiers.
Selon la BCE, l’adoption généralisée de l’euro numérique dépend de sa facilité d’utilisation, de sa sécurité, de son rapport coût-efficacité et de la garantie d’un niveau élevé de protection des données.
Parallèlement, des mesures doivent être mises en place pour éviter que l’euro numérique ne soit utilisé massivement comme placement, afin de ne pas compromettre la stabilité du système bancaire.
Globalement, la BCE présente l’euro numérique comme un bien public qui garantit la stabilité du système monétaire, renforce l’autonomie européenne et rend l’économie plus efficace.

Les paiements en ligne traçables font l’objet d’un examen critique

Cependant, les projets de la BCE suscitent également des critiques. Dans leur déclaration conjointe, le Comité européen de la protection des données et le Contrôleur européen de la protection des données ont averti dès le début du projet que l’euro numérique ne pourrait être accepté que s’il garantissait un niveau de protection de la vie privée et des données personnelles aussi proche que possible de celui des espèces.
Ils critiquent particulièrement la disposition du projet actuel visant à rendre tous les paiements en ligne traçables ; selon eux, cette mesure n’est ni nécessaire ni proportionnée et compromet la confiance du public dans la nouvelle monnaie.
La commission parlementaire et l’autorité compétente recommandent donc d’autoriser l’utilisation anonyme, ou du moins intraçable, des paiements numériques de faible montant.
En outre, le fait que la mise en place d’un système d’accès centralisé aux identifiants des utilisateurs soit insuffisamment justifiée au regard du droit de la protection des données est également critiqué.
Les rôles et les pouvoirs de traitement des données de la BCE et des prestataires de services de paiement doivent également être mieux définis.
Par ailleurs, le mécanisme de détection des fraudes envisagé est décrit de manière trop vague et pourrait entraîner un accès disproportionné aux données s’il n’est pas précisé.

Les préoccupations concernant le projet de loi n’ont pas été prises en compte.

Toutefois, ces préoccupations n’ont pas été pleinement prises en compte dans le projet de loi actuel.
Si le règlement stipule que l’euro numérique doit être conçu selon le principe de « protection des données dès la conception » et qu’une utilisation hors ligne particulièrement sécurisée doit être possible, la principale exigence des autorités de protection des données, à savoir des transactions de paiement en ligne anonymes, ou du moins intraçables, pour les petits montants, a jusqu’à présent été ignorée.
La mise en place d’un système d’accès centralisé aux identifiants des utilisateurs est maintenue, bien que sa nécessité et les garanties de protection des données ne soient pas clairement définies.
De même, la répartition des pouvoirs de traitement des données entre la BCE et les prestataires de services de paiement n’est pas clairement précisée.
Le mécanisme de détection des fraudes proposé n’est pour l’instant décrit que dans ses grandes lignes. Par conséquent, le risque d’intrusions disproportionnées dans les données de paiement n’est pas écarté.

Décision concernant la loi d’ici fin 2026

Suite au dépôt du projet de rapport auprès de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, des consultations internes seront menées, au cours desquelles des amendements seront proposés et mis aux voix.
Le projet sera ensuite débattu en séance plénière du Parlement pour sa première lecture. Ce n’est qu’après cette étape que débutera la phase de négociation entre le Parlement, le Conseil et la Commission, visant à élaborer un texte législatif commun.
Une version définitive n’est donc pas attendue avant qu’un compromis ne soit trouvé entre les trois institutions. Selon la Deutsche Bundesbank, le processus législatif devrait s’achever d’ici fin 2026.