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La dette française sous Emmanuel Macron atteint un sommet historique, sous la menace des taux en hausse

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Photo: crédit photo LUDOVIC MARIN/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 12 Min.

À force de vivre à crédit, la France a fait de la dette un mode de gouvernance. Or, l’ère de l’argent facile est révolue : avec la remontée des taux d’intérêt, refinancer déficits et emprunts passés devient une opération de plus en plus coûteuse et de plus en plus douloureuse.
Inexorablement, l’« Himalaya » de la dette française, selon l’expression de François Bayrou, poursuit son ascension. Au deuxième trimestre 2025, elle a franchi un nouveau sommet : 3400 milliards d’euros, soit 115,6 % du PIB, selon l’Insee. Un record qui efface déjà celui du trimestre précédent (3345 milliards, 114 % du PIB).
Une dérive chronique depuis 50 ans
Cette montagne de dettes s’élève sans discontinuer depuis la fin des années 1990. Elle a presque doublé depuis le début des années 2000, lorsqu’elle représentait déjà 60,5 % du PIB. À l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée, mi-2017, à l’issue du quinquennat de François Hollande, la dette atteignait 101,2 % du PIB (2281 milliards d’euros). En moins de dix ans, elle a encore gonflé de plus de 1 000 milliards.
La cause est structurelle : depuis 1975, l’État français dépense systématiquement plus qu’il ne perçoit. Chaque année, les déficits s’empilent et alourdissent la dette.
Car l’État dépense beaucoup. En 2024, la dépense publique représentait 57,1 % du PIB (1670 milliards d’euros), dont près d’un tiers consacré aux prestations sociales (32,3 %). Les missions régaliennes, pourtant cœur historique de l’action de l’État (défense, police, justice), apparaissent presque anecdotiques : elles ne pèsent que 3 % du PIB à elles trois.
Le contraste avec les voisins européens
L’épidémie de Covid-19 a joué un rôle d’accélérateur : entre confinements et autres restrictions sanitaires controversées, largement jugées inefficaces, l’État a multiplié les mesures de soutien massif à l’économie, creusant encore la dette. Mais la crise sanitaire n’explique pas tout. Car la France se singularise par son incapacité à réduire son endettement, là où d’anciens « mauvais élèves » de l’Union européenne ont, eux, réussi à inverser la tendance.
Ainsi, l’Espagne, après un pic à 124,2 % du PIB en 2021, est revenue à 103,5 % au premier trimestre 2025. Le Portugal est passé de 134,9 % en 2020 à 96,4 % début 2025. L’Italie, longtemps montrée du doigt, a réduit son ratio de 154,9 % en 2020 à 137,9 % en 2025. Même la Grèce, symbole de la crise des dettes souveraines, a allégé son endettement de 163,9 % du PIB en 2024 à 152,5 % en 2025.
Résultat : la France occupe aujourd’hui la troisième marche du podium des pays les plus endettés de l’Union, et pourrait bien, si rien ne change, hériter du rôle peu envié de lanterne rouge derrière l’Italie et la Grèce dans les années à venir.
Le coût croissant de la dette
Cette accumulation de dettes n’est pas sans conséquence pour les contribuables. Faute d’excédent budgétaire, l’État ne rembourse jamais réellement ses créances : chaque année, il se contente d’emprunter de nouveau sur les marchés financiers, via les obligations du Trésor (OAT), pour honorer les anciennes échéances et couvrir un déficit public toujours plus élevé.
Selon la Cour des comptes, le besoin de financement de l’État en 2024, prévu à 297,2 milliards d’euros, a finalement grimpé à 305,7 milliards. Une somme vertigineuse composée pour moitié du remboursement des obligations arrivées à échéance (151,1 milliards) et pour moitié du déficit à combler (156,3 milliards).
Toutefois, si pendant des années, la France a bénéficié de conditions de financement exceptionnelles, avec des taux d’intérêt historiquement bas, parfois même négatifs, lui permettant de financer dettes et déficits, ce temps est révolu : le retournement des marchés a renchéri le coût de la dette. Désormais, Paris doit emprunter à des taux comparables à ceux de Rome, autour de 3,6 % à dix ans.
La fin de l’argent facile
S’endetter devient donc chaque année plus douloureux, qu’il s’agisse de financer de nouveaux déficits ou de « rouler » les dettes anciennes. Le Haut Conseil des finances publiques estime que la charge des seuls intérêts pourrait dépasser 107 milliards d’euros dès 2029.
Si la dépense publique reste à son niveau actuel, les contribuables devront donc continuer à supporter une pression fiscale élevée, tout en voyant la qualité des services fournis par l’État se détériorer : une part croissante de l’argent public ne servira plus à financer des politiques, mais à payer les intérêts sans cesse plus élevés de nouveaux emprunts servant à financer l’endettement passé.
Et cette équation préoccupante s’est, en plus, aggravée par un signal négatif des marchés financiers, le 12 septembre dernier, l’agence américaine Fitch Ratings abaissant la note de la dette française, de « AA- » (qualité élevée) à « A+ » (qualité moyenne supérieure), avec une perspective « stable ». Le geste est symboliquement fort : en rétrogradant la France d’une catégorie, Fitch acte l’incapacité des quatre gouvernements qui se sont succédé en un an à maîtriser les déficits.
L’humiliation est d’autant plus marquée que, dans le même temps, Fitch relevait la note de l’Italie de « BBB » à « BBB+ », tandis que le Portugal retrouvait le rang de « A » et que Standard & Poor’s hissait l’Espagne en « A+ ». Autrefois montrés du doigt comme les cancres de l’eurozone, ces pays redressent la barre, tandis que la France s’enfonce.
Or, cette dégradation n’est pas qu’un symbole. Elle entraîne des effets concrets : certains fonds d’investissement, notamment étrangers, qui détiennent 54 % de la dette française, ne peuvent conserver qu’une quantité limitée d’actifs notés « A ». Résultat : des ventes forcées se profilent, susceptibles de provoquer une nouvelle hausse des taux d’intérêt, et donc un renchérissement supplémentaire du coût de la dette.
Une équation politique et budgétaire explosive
Pour François Bayrou, la dette publique représentait une « question vitale » menaçant l’avenir du pays, bien qu’il se soit retrouvé confronté, par Sonia Mabrouk le 31 août, à ses propres contradictions : « Vos députés MoDem ont voté tous les budgets déficitaires depuis 2017. Vous-même, vous avez porté au pouvoir et accompagné un président de la République qui a précipité la dette », lui a lancé la journaliste.
En juillet, le désormais ex-Premier ministre avait néanmoins tenté de donner le cap en dévoilant un plan d’économies de 44 milliards d’euros, censé ramener le déficit de 5,4 % à 4,6 % du PIB. Mais jugé trop brutal, ce projet a provoqué la chute de son gouvernement.
C’est désormais à son successeur, Sébastien Lecornu, qu’il revient de définir l’effort budgétaire pour 2026. Une mission périlleuse, tant l’Assemblée nationale est fragmentée.
Si de nombreuses voix à droite plaident pour des coupes dans les dépenses, la gauche a rapidement déplacé le débat vers la fiscalité des plus riches, le Parti socialiste faisant de la fameuse « taxe Zucman » un préalable à toute négociation budgétaire.
Inspiré par l’économiste d’extrême gauche Gabriel Zucman, proche du Nouveau Front populaire et fondateur du EU Tax Observatory financé par l’Open Society Foundations de George Soros, ce dispositif instaurerait un impôt plancher de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros.
Une proposition qui a immédiatement suscité de vives réactions. C’est une « arnaque », a dénoncé l’eurodéputée Reconquête Sarah Knafo sur X : « Que va-t-il se passer ? Ces ultra-riches dont on parle vont partir. Ils n’ont aucune raison de rester dans le seul pays du monde qui les ponctionnera autant. » Et de mettre en garde contre un effet boomerang : « Ce seront l’ensemble des Français qui se retrouveront à payer l’addition. La seule solution, c’est de baisser les dépenses », a-t-elle insisté, en ciblant notamment « les 15 milliards pour l’aide au développement, 20 milliards pour l’aide sociale non contributive aux étrangers, ou encore 8 milliards pour les éoliennes et autant pour la politique de la ville ».
Même ligne au sein des Républicains : dans un document devant être adressé à Sébastien Lecornu et révélé par BFM TV, les députés LR posent une « ligne rouge » claire : « Toute fiscalité qui conduira à faire fuir les entreprises ou les entrepreneurs qui créent de la valeur sera contreproductive et, in fine, aboutira à faire perdre des recettes à l’État français. »
Pris en étau entre des demandes contradictoires, le nouveau Premier ministre dispose de peu de temps : il doit transmettre son projet de budget à l’Assemblée nationale d’ici le 13 octobre, afin qu’il soit adopté avant la fin de l’année.
Pour l’heure, seules deux mesures ont été avancées : la suppression des « avantages à vie » des anciens ministres et une réduction de 20 % des frais de communication de l’État en 2026. Mais ces annonces relèvent davantage du symbole que de l’efficacité : elles ne pèseront qu’à hauteur de 54 millions d’euros, une goutte d’eau face à un océan de dettes. Sans réformes à la hauteur de l’enjeu, le gouvernement n’arrêtera pas l’« Himalaya » de la dette française dans une inexorable ascension qui inquiète. Car au détour du chemin se profile l’ombre tutélaire du FMI.