L’Afrique du Sud choisit son camp en effectuant des exercices militaires avec la Russie et la Chine

L'Afrique du Sud participe à des jeux de guerre avec la Russie et la Chine alors que des alliances se forment dans le monde entier

Par Antonio Graceffo
6 mars 2023 18:47 Mis à jour: 8 mars 2023 19:55

Des exercices navals conjoints entre l’Afrique du Sud, la Russie et la Chine ont débuté le 22 février. Ces manœuvres militaires é avec le premier anniversaire de l’invasion russe en Ukraine lancée le 24 février 2022. Avant le début des exercices, des navires de guerre russes ont accosté en Afrique du Sud. Ces navires étaient marqués des lettres « Z » et « V » devenues des symboles pro-Kremlin et pro-Poutine de la guerre menée par la Russie en Ukraine. Le fait d’autoriser les navires de guerre russes à accoster en Afrique du Sud – et en particulier ceux qui arborent de tels symboles – envoie un message indiquant que l’Afrique du Sud est en train de glisser dans le camp sino-russe.

Les exercices conjoints réaffirment également l’engagement militaire de la Chine envers la Russie, ce qui soulève des questions sur la guerre en Ukraine et l’avenir de la politique mondiale. Wang Yi, le plus haut responsable de la diplomatie chinoise, s’est rendu à Moscou pendant ces manœuvres. La visite lui a permis de réaffirmer le soutien du Parti communiste chinois (PCC) au Kremlin, tout en reprochant aux États-Unis de former une alliance opposée à la Russie et à la Chine. Ces jeux de guerre navals sont la preuve évidente que la Chine est aussi en train de former une alliance contre l’Occident. Le gouvernement sud-africain a justifié les exercices en disant qu’ils avaient été programmés bien avant l’invasion russe en Ukraine. Cependant, cela a également soulevé la question de savoir pourquoi l’Afrique du Sud ne les a pas annulés compte tenu de la situation géopolitique actuelle.

L’Afrique du Sud est l’un des 35 pays qui se sont abstenus de voter aux Nations unies pour condamner l’invasion de l’Ukraine. Le pays avait précédemment autorisé un yacht d’un magnat de l’acier russe sanctionné et un navire de la marine russe à accoster dans ses ports. Le parti au pouvoir en Afrique du Sud, le Congrès national africain (ANC), membre de l’Internationale socialiste, a des liens avec Moscou qui remontent à la guerre froide. À l’époque, l’Union soviétique fournissait des instructeurs et un soutien matériel à la branche armée de l’ANC. De nombreux cadres de l’ANC ont fait leurs études et ont reçu une formation dans l’ancienne URSS.

L’Afrique du Sud, comme 119 autres pays, est également membre du Mouvement des non-alignés – un forum de pays qui ont refusé de prendre parti pendant la guerre froide. Avec la Chine, la Russie, l’Inde et le Brésil, l’Afrique du Sud est également membre de la coalition BRICS rassemblant les grands pays émergents.

Pour le Kremlin, ces exercices militaires conjoints confèrent une certaine crédibilité au rôle de la Russie dans la géopolitique et montrent qu’elle a des alliés potentiels. Les manœuvres envoient également le message aux autres nations africaines que la Russie offre une alternative à la coopération militaire occidentale. Compte tenu de l’histoire de la colonisation européenne en Afrique, la Chine et la Russie sont toutes deux heureuses de se présenter comme des partenaires « anticolonialistes » pour des pays autrefois opprimés.

Dans le même temps, Moscou s’est efforcée à plusieurs reprises de saper la démocratie en Afrique. La Russie s’est opposée au « Printemps arabe » et aux révolutions de couleur en Afrique du Nord. Elle a également soutenu les tentatives de Khalifa Haftar de s’installer comme dirigeant de la Libye. En 2013, le Kremlin a soutenu le coup d’État du général Abdel Fattah El-Sisi pour renverser le gouvernement démocratique de l’Égypte. Moscou a également soutenu les gouvernements militaires et les coups d’État au Soudan, au Mali, en Guinée et au Burkina Faso. En outre, les militaires russes assurent la protection des dirigeants de la République centrafricaine où le Kremlin se serait immiscé dans les élections de 2020.

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa (2e à g.), Xi Jinping et Vladimir Poutine lors de la séance photo au sommet du G-20 à Osaka, au Japon, le 28 juin 2019 (Tomohiro Ohsumi/Getty Images)

John Steenhuisen, chef de l’Alliance démocratique, le principal parti d’opposition sud-africain, a déclaré au parlement du pays qu’en refusant de condamner la guerre en Ukraine, l’Afrique du Sud était déjà impliquée du côté russe. La Desmond & Leah Tutu Legacy Foundation a également condamné les exercices navals conjoints. Cette organisation a publié un message soulignant que « lorsque la Russie a envahi l’Ukraine l’année dernière et que l’Afrique du Sud a annoncé qu’elle maintiendrait une politique de neutralité, nous avons rappelé au gouvernement la sagesse de l’archevêque Tutu selon laquelle si vous êtes neutre dans des situations d’injustice, vous avez choisi le côté de l’oppresseur ».

Bien que la Chine et la Russie tentent de dépeindre l’Occident comme l’ennemi de la démocratie en Afrique, les États‑Unis ont été un des plus fervents opposants à l’apartheid. Ils ont œuvré à mettre en place des sanctions internationales contre le gouvernement des Blancs sud‑africains. L’UE est également un partenaire commercial bien plus important pour le pays que la Russie. Le commerce bilatéral entre l’Afrique du Sud et l’UE s’élevait à 53 milliards de dollars l’année dernière, alors que le commerce avec la Russie ne représentait que 750 millions de dollars.

Pour la marine de l’Armée populaire de libération (APL) chinoise, les exercices conjoints sont l’occasion de pratiquer des opérations loin de Chine. Ils renforcent également l’ancrage de la Chine dans l’océan Indien. L’APL dispose déjà d’une base à Djibouti et construit des installations maritimes à double usage au Myanmar et au Sri Lanka. En outre, l’Initiative Ceinture et Route (ICR) – le titanesque programme chinois d’investissements dans l’infrastructure – comprend de nombreux projets en Afrique, et ces manœuvres militaires rappellent aux participants de l’ICR que la Chine pourrait être ouverte à une « formation » similaire avec d’autres nations africaines. Pékin saluerait sans aucun doute l’occasion d’obtenir des bases supplémentaires sur le continent africain.

D’un point de vue purement militaire, la Russie souhaite que ces exercices lui permettent de présenter ses missiles hypersoniques qui, selon Poutine, n’ont pas d’équivalent. L’agence de presse d’État russe TASS a déclaré que les exercices comprendraient un test de lancement des missiles hypersoniques Tsirkon. TASS a ensuite indiqué que ces armes seraient présentes, mais qu’elles ne feraient pas l’objet d’un tir d’essai.

En mars, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir utilisé un missile hypersonique Kinzhal pour détruire un dépôt de munitions dans les Carpates, dans l’ouest de l’Ukraine, puis pour faire exploser un dépôt de carburant à Kostiantynivka, près de la ville ukrainienne de Mykolaïv. Si ces affirmations sont vraies, il s’agirait de la toute première utilisation de missiles hypersoniques au combat.

Les exercices conjoints entre la Russie, la Chine et l’Afrique du Sud interviennent au lendemain de la suspension par Poutine de sa participation au dernier traité de limitation des armes nucléaires conclu avec les États-Unis. Au même moment, Wang Yi se rendait à Moscou en promettant des liens encore plus étroits dans le cadre du « partenariat sans limites » sino-russe – un partenariat qui a été annoncé à l’occasion de la rencontre entre Xi Jinping et Vladimir Poutine le 4 février 2022, vingt jours avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. De son côté, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a récemment averti Pékin de ne pas fournir d’armes à la Russie. Xi Jinping est attendu à Moscou prochainement et les tensions entre l’Occident et l’alliance sino-russe devraient s’intensifier.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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