Le film «Eternal Spring» retraçant un acte incroyable de résistance face au régime communiste chinois présenté en avant-première à New York

Par Eva Fu
21 octobre 2022 22:16 Mis à jour: 21 octobre 2022 22:16

NEW YORK – Il y a vingt ans, un groupe du nord‑est de la Chine a réussi à réaliser un exploit qu’aucun Chinois n’avait jamais fait auparavant.

Pendant près d’une heure, le groupe a pris le contrôle d’une chaîne de télévision publique chinoise pour diffuser des informations sur le Falun Gong, une discipline spirituelle persécutée en Chine.

Le film Eternal Spring retrace cette opération audacieuse survenue au printemps 2002. Il s’agit d’un documentaire d’investigation qui a nécessité 6 ans pour être réalisé et qui combine l’animation, des prises de vues réelles et des images d’archives. Le film couvre la maturation de l’opération jusqu’à son exécution et montre les conséquences tragiques qui en ont résultées. Le titre fait référence à la ville de Changchun où se sont déroulé les événements. En chinois « Changchun » signifie littéralement « printemps éternel ».

Le film est sorti en mars, à l’occasion du 20e anniversaire de cet acte de résistance. À ce jour, il a reçu 15 prix. Il a récemment été sélectionné par le Canada pour représenter le pays dans la catégorie du meilleur film international aux Oscars 2023.

Le réalisateur du film, Jason Loftus (2e à dt.), et  Daxiong (2e à g.), lors d’une conférence après l’avant-première d' »Eternal SPring » au Film Forum à Manhattan  le 14 octobre 2022. (Chung I Ho/Epoch Times)

Accueil à New York

À New York, le film a été projeté en avant-première le 14 octobre, dans la salle de cinéma Film Forum, à Manhattan. Le film a connu un tel succès que le cinéma a prolongé sa projection d’une semaine, jusqu’au 27 octobre. Eternal Spring a fait salle comble deux fois.

Peter Tomczyk, fils d’immigrés polonais qui ont vécu Solidarnosc, le mouvement de résistance polonaise au communisme qui a ouvert la voie à la chute du bloc de l’Est en défendant la solidarité comme principe non négociable, a déclaré à Epoch Times après la projection du 14 octobre : « Ce film a vraiment pénétré mon âme. »

« On a besoin de voir des films comme celui‑ci », a‑t‑il ajouté. Le documentaire est, selon lui, est un « magnifique éclairage » sur l’âme des pratiquants de Falun Gong engagés dans l’opération.

Le Falun Gong, également connu sous le nom de Falun Dafa, est une pratique méditative associée à des enseignements moraux reposant sur trois principes universels : la vérité, la compassion et la tolérance. La discipline spirituelle est devenue extrêmement populaire en Chine à la fin des années 1990. Selon les chiffres officiels, à cette époque, il y avait plus de 70 millions de pratiquants de Falun Gong en Chine. Le régime communiste chinois, estimant que son pouvoir était menacé par un si grand nombre de pratiquants, a lancé une vaste persécution en 1999. Celle‑ci se poursuit encore aujourd’hui.

Cette persécution a entraîné la détention de millions de pratiquants dans diverses installations. Au jour d’aujourd’hui, ils sont encore soumis à la torture, aux prélèvements forcés d’organes et au lavage de cerveau. Un nombre incalculable de pratiquants sont morts.

Le piratage d’un programme télévisé et la diffusion de documentaires défendant la discipline spirituelle ont ébranlé le régime. Celui‑ci a riposté en déclenchant de très nombreuses descentes policières à Changchun. Des milliers de pratiquants ont été arrêtés, impliqués ou non dans l’événement.

Selon Minghui, une organisation basée aux États‑Unis qui sert de relai d’information sur cette persécution, dans les dix jours qui ont suivi le piratage de la chaîne, au moins six pratiquants de Falun Gong liés à l’opération ont été tués par la police. Parmi les principaux participants, un seul a réussi à quitter la Chine, après dix ans en prison. La plupart des autres sont morts au cours de leur incarcération ou peu après leur libération. Zhou Runjun, surnommée « Tantine Zhou » par ses amis, devrait être libérée cette année après 20 ans de prison.

Daxiong sur une image du film « Eternal Spring ». (Avec l’aimable autorisation de Lofty Sky Pictures)

L’illustrateur principal du film, Daxiong, également pratiquant de Falun Gong, a lui‑même été pris pour cible lors des descentes. Il a été contraint de quitter sa ville natale pour s’installer dans un endroit moins compromis en Chine. Puis il a finalement fui au Canada.

Daxiong est aujourd’hui un dessinateur renommé. Il a dessiné deux numéros de la série Star wars : Adventures et un numéro de Justice League of America 80‑PAGE Giant. Il est le principal protagoniste du documentaire. Le public suit son parcours pour tenter de reconstituer les événements survenus il y a 20 ans, qui ont changé sa vie et celle de nombreux pratiquants de Falun Gong dans sa ville natale.

Le film n’est pas un simple documentaire, Daxiong donne vie à cette opération audacieuse grâce à l’animation, ce qui est très apprécié du public.

« D’un point de vue artistique, c’était absolument incroyable, et le dessinateur… il a tout lié ensemble », s’est enthousiasmé John Robinson, neurologue du New Jersey et grand amateur des salles de cinéma, à Epoch Times après la projection du 14 octobre.

Affiche pour« Eternal Spring »  au Film Forum à New York, le 14 octobre 2022. (Chung I Ho/Epoch Times)

Parler au nom de ceux qui ne le peuvent pas

Le réalisateur du film, Jason Loftus est originaire de Toronto. Il a eu à faire au Falun Gong pour la première à la fin des années 1990. Il explorait alors diverses méditations. Cette discipline était aux antipodes de ce qu’il avait entendu dans les médias chinois. Sa femme est originaire de Changchun.

En écoutant ce que Daxiong (arrêté trois fois pour ses croyances avant de s’exiler), et d’autres avaient subi, il a été profondément choqué, sa femme également. Ils ont tous les deux ressentis le besoin de raconter cette histoire. C’est ainsi que tout a commencé pour lui, a‑t‑il expliqué à Epoch Times.

Le problème, selon le couple, n’est pas seulement la persécution d’une discipline spirituelle. Il y a aussi cette brutalité sans nom au vu et su de tous, sans réelle riposte depuis 20 ans.

« Si nous avons une situation où les gens ne peuvent pas s’exprimer simplement parce que leurs idées sont considérées comme des pensées erronées… cela peut avoir des conséquences énormes, et pas seulement en Chine », estime‑t‑il, citant l’exemple de Li Wenliang, le médecin lanceur d’alerte puni par le régime chinois pour avoir averti ses collègues de l’émergence d’un nouveau virus à Wuhan, le Covid‑19, qui le tuerait un mois plus tard.

Le Dr Li « a essayé d’informer quelques collègues de la propagation d’un virus. Il n’essayait pas d’être un héros, il s’agissait juste de donner l’alarme et de prévenir tout le monde », s’indigne‑t‑il.

Le film était une entreprise ambitieuse pour une si petite équipe, notamment en raison de son format peu conventionnel.

« En général, avant de commencer une animation, tout est bien préparé à l’avance, organisé de manière très stricte. On sait exactement ce que l’on va produire. Dans un documentaire par contre on filme en continu et on monte les images selon ce qu’on a, on laisse l’histoire apparaître d’elle‑même. »

Combiner ces deux techniques très différentes a généré « une grande inconnue » : personne ne savait jamais où les différents éléments allaient aboutir, ni même s’ils allaient être intégrés au film. Le défi était d’autant plus grand qu’il était difficile de faire revivre des souvenirs vieux de vingt ans tout en préservant une certaine authenticité.

Le réalisateur-scénariste-coproducteur Jason Loftus (à g.)  avec Guo Jingxiong, dont les dessins ont servi de base à l’animation. (Lofty Sky Pictures)

Au beau milieu de la production du film, les autorités chinoises ont contacté un important partenaire commercial de la société de production, Tencent, le géant chinois de la technologie et du divertissement, au sujet d’un jeu vidéo.

« On nous a demandé : ‘Vous êtes en train de faire quelque chose qui déplait au gouvernement chinois ?’ » Ils venaient à peine de sortir un autre film sur la persécution du Falun Gong intitulé Ask No Questions.

C’est ainsi qu’un jour après sa sortie, Tencent a retiré leur application de sa plateforme de jeu vidéo. Ce n’est pas le seul partenaire chinois à avoir coupé les ponts avec la société de Jason Loftus : un autre éditeur chinois d’applications mobiles a rompu un contrat. Au moins deux villes chinoises ont récemment mis Daxiong sur liste noire, censurant ses plus de 100 bandes‑dessinées dans les écoles.

Parallèlement, des agents chinois ont commencé à harceler les proches de Mme Loftus à Changchun. Ils ont proféré des menaces à demi-mots en déclarant qu’ils « savaient ce que Jason Loftus prépare ».

« Ils ne disent pas exactement ce qu’ils savent, et je pense que c’est intentionnel », explique Jason Loftus.

« Que savent‑ils ? À ce moment‑là on commence à y penser sans fin : ‘Ils savent ceci ? Ils savent cela ?’ Et c’est comme ça qu’on évite de faire des choses dont ils ne sont probablement pas du tout au courant. »

Jason Loftus n’a pas l’intention de se laisser intimider, pas lorsque des survivants ont désespérément besoin de se faire entendre.

« Nous ne sommes pas confrontés aux mêmes conséquences qu’eux en Chine. »

« Si nous ne pouvons pas, avec la liberté dont nous disposons ici, les aider à raconter leur histoire, alors nous ne sommes pas vraiment libres, nous sommes déjà victimes en quelque sorte du même type de censure que le Parti communiste impose à la population chinoise. »

Entrée du Film Forum avant l’avant première d’ « Eternal Spring » à Manhattan, le 14 octobre 2022. (Chung I Ho/Epoch Times)

Les pruniers en fleurs

La réalisation de ce film très chargé a également été une sorte de pèlerinage intérieur pour Daxiong. Au fil du documentaire, on le voit parvenir à une nouvelle compréhension de cette interruption des programmes. Pendant des années, il avait en un sens désapprouvé cette opération, estimant qu’elle ne faisait qu’aggraver la persécution.

Avant même l’incident, la marge de manœuvre des pratiquants était déjà étroite.

Wei Lisheng, un pratiquant de Falun Gong âgé d’une vingtaine d’années à peine à l’époque, a été détenu dans la même prison que deux pratiquants qui allaient plus tard devenir des figures centrales de l’opération. Il se souvient s’être soulevé à leurs côtés pour résister à une « séance anti‑Falun Gong » – une session de lavage de cerveau au cours de laquelle les détenus étaient forcés de regarder et d’approuver des films attaquant la discipline spirituelle. Le gardien lui a alors assené un coup de pied avec des bottes militaires d’une telle force qu’il en a gardé la cicatrice.

Malgré ce climat de répression permanent du régime, Daxiong et Jason Loftus ont souhaité laisser un message d’espoir, incarné en partie par le nom du film et la floraison des pruniers à un moment tendu où les pratiquants, qui viennent de prendre le contrôle de l’émission, tentent d’échapper à la police.


Une scène animée d’« Eternal Spring » sur les risques encourus à parler de Falun Gong en Chine. (Lofty Sky Pictures)

Vénérées comme un symbole de résilience dans la littérature chinoise, les fleurs de prunier s’ouvrent généralement  une à deux semaines avant la fin des hivers rigoureux de Changchun. Elles marquent l’arrivée imminente du printemps. Ces fleurs qui apparaissent quand la terre est encore gelée, représentent pour les deux cinéastes l’esprit des pratiquants qui ont participé à l’opération.

« Cela montre ce sentiment que oui, il y a encore des temps sombres et difficiles qui nous attendent, c’est encore l’hiver et la persécution se poursuit mais en même temps, toutes les personnes qui ont vu ce qu’ils ont diffusés ne seront plus jamais dupes de la propagande des médias chinois », explique le réalisateur.

« Ils comprendront qu’il existe une autre version de celle du Parti communiste, et cela a un réel impact sur l’avenir. »

Daxiong, lors de l’avant-première. (Chung I Ho/Epoch Times)

Pour Daxiong, l’histoire n’est pas encore terminée, seulement un chapitre.

« Elle sera transmise tel un flambeau », a‑t‑il déclaré à Epoch Times.

« Nous sommes tous des protagonistes, pas seulement les quelques personnes du film. »

« Tout le monde est impliqué et apporte sa contribution à l’avenir. Ce sera toujours vrai. »

Vingt ans plus tard, Wei Lisheng a été interviewé dans le film. Il voulait à tout prix contribuer d’une façon ou d’une autre au projet. Il a visionné le film plus de dix fois et pleure à chaque fois.

« Je veux graver leurs actes de bravoure dans mon cœur et les raconter au monde entier », a‑t‑il déclaré.

Sarah Lu a contribué à cet article.

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