Le Leucovorin : un traitement prometteur contre l’autisme - voici pourquoi

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Ce professeur de l’université SUNY Downstate (USA), docteur en biochimie et spécialiste de l’absorption des folates, n’a pas été surpris en entendant la nouvelle, a-t-il confié au média Epoch Times.
L’approbation par la FDA (Food and Drug Administration) “agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux” du Leucovorin dont le principe actif est la leucovorine (acide folinique) comme premier médicament destiné à traiter l’autisme est l’aboutissement de plus de vingt années de travail, explique le Pr Quadros. Avant ce changement d’indication, le leucovorin était surtout connu comme un médicament d’appoint en chimiothérapie, administré aux patients atteints de cancer pour prévenir les effets secondaires du méthotrexate. Le traitement cible une carence nutritionnelle dans le cerveau qui, selon les recherches, toucherait plus de 70 % des enfants autistes.
La découverte de la carence cérébrale en folates
Le lien entre l’autisme et le leucovorin a commencé par un détour inattendu.
En 1998, les États-Unis ont imposé l’enrichissement des aliments en folates, ou vitamine B9, afin de prévenir les anomalies du tube neural chez les nouveau-nés.
Des décennies de recherche avaient montré que les mères d’enfants atteints de ces anomalies souffraient d’un déficit en folates, ce qui affectait la capacité de leurs bébés à fermer correctement leur moelle épinière. Si cette politique a permis de réduire ces malformations, certaines femmes continuaient pourtant de donner naissance à des enfants présentant divers troubles du développement, y compris des anomalies du tube neural. Le Pr Quadros et le neurologue belge Vincent Ramaekers cherchaient à comprendre pourquoi.
En 2002, leurs équipes ont découvert que les bébés concernés présentaient de sévères carences en folates dans leur cerveau, malgré une supplémentation avant et après la naissance. Les analyses de leur liquide céphalorachidien montraient des niveaux très faibles de la forme active de la vitamine.
Il s’avère que beaucoup de ces enfants souffrant d’une carence cérébrale en folates avaient développé des auto-anticorps dirigés contre le principal récepteur cérébral des folates. Ces auto-anticorps bloquaient le récepteur principal des folates, empêchant ainsi le cerveau d’absorber les formes courantes de folates provenant de l’alimentation ou des suppléments.
Lorsqu’ils ont été traités avec de l’acide folinique, ou leucovorine — une forme de folate plus facilement absorbée —, leurs symptômes se sont améliorés. Sur les 25 enfants étudiés porteurs de ces auto-anticorps, quatre étaient autistes.
Leucovorine et autisme
En 2013, une étude dirigée par le neurologue Richard Frye, en collaboration avec le Pr Quadros, a montré que plus de 75 % des enfants autistes suivis en clinique présentaient des auto-anticorps empêchant l’entrée du folate dans le cerveau.
Le Leucovorin s’est révélé être un médicament efficace pour ces enfants, car il peut contourner ce blocage en empruntant une autre voie d’accès vers le cerveau.
Suppléer un cerveau carencé en folates apporte de vastes bénéfices neurologiques. Les folates interviennent dans la production de neurotransmetteurs, aident à créer et réparer l’ADN pour maintenir la santé neuronale, et participent à la formation de la gaine de myéline qui accélère la transmission des signaux du système nerveux.
Une carence en folates cérébraux entraîne donc des complications allant de troubles moteurs et de l’humeur à des déficits cognitifs comme la confusion ou la démence. Richard Frye, l’un des principaux spécialistes du leucovorin chez les enfants autistes, explique que l’amélioration la plus marquante concerne le langage.
« Je reçois beaucoup d’enfants non-verbaux et préverbaux, qui n’ont que quelques mots, qui produisent des sons ou de simples bruits. Mais il semble que le leucovorin aide à tous les niveaux », a-t-il déclaré à Epoch Times.
Chez les enfants qui ne parlaient pas, le traitement leur permettait de commencer à parler. Chez ceux qui parlaient déjà, le leucovorin favorisait une meilleure compréhension des subtilités du langage.
Souvent, les problèmes de comportement s’amélioraient également, ajoute Richard Frye, probablement parce que le fait de pouvoir s’exprimer offrait aux enfants une échappatoire à leur frustration. Le psychiatre David Danish a rapporté que la plupart des patients montraient des progrès significatifs en quelques jours à quelques semaines après le début du traitement. Des parents ont décrit des évolutions rapides : passant d’expressions d’un seul mot à des phrases spontanées de trois ou quatre mots, suivant des consignes en plusieurs étapes et montrant une humeur plus stable ainsi qu’une meilleure conscience sociale.
Limites et précautions
Tous les enfants ne bénéficient pas forcément du leucovorin. Ce traitement n’est pas destiné à ceux dont l’autisme n’est pas lié à une carence cérébrale en folates, ou pour qui cette carence ne joue pas un rôle majeur, souligne le Pr Quadros.
Malgré les améliorations du langage et du comportement, les gains en matière d’intelligence — un enjeu majeur pour les enfants autistes sévères — restent peu concluants.
« Le Leucovorin ne doit pas être considéré comme une “pilule miracle” contre l’autisme », met en garde Richard Frye.
Administré comme traitement unique, le leucovorin est globalement sûr et entraîne peu d’effets secondaires, même si certains enfants développent de l’hyperactivité ou de l’agitation, précise le Pr Quadros. D’autres effets indésirables possibles incluent des réactions allergiques (éruptions cutanées, gonflement, difficultés respiratoires). Chez les enfants traités par anti-épileptiques, le leucovorin peut entraîner une augmentation des crises.
Qui peut en bénéficier ?
Selon le Pr Quadros, les meilleurs résultats sont observés chez les enfants traités avant l’âge de 3 ans, période clé pour le développement du langage et des compétences sociales.
Il recommande donc de dépister, par analyse sanguine, la présence d’auto-anticorps du récepteur du folate chez les enfants de moins de 3 ans. Leur présence indique un risque élevé de carence cérébrale en folates et de troubles neurodéveloppementaux.
Son équipe étudie actuellement la possibilité de prévenir l’autisme en dépistant les couples porteurs de ces auto-anticorps et en leur administrant du leucovorin avant la conception.
Plus tôt cette année, une étude de cas italienne a suivi deux femmes ayant déjà eu des enfants atteints de troubles neurodéveloppementaux et testées positives aux auto-anticorps du récepteur du folate. Après une supplémentation en leucovorin avant la conception, elles ont donné naissance à des enfants au développement typique.
Questions en suspens
La science n’a pas encore tranché sur le fonctionnement exact du leucovorin dans l’autisme. Tous les enfants atteints de carence cérébrale en folates ne présentent pas d’auto-anticorps, et toutes les personnes porteuses d’auto-anticorps ne développent pas cette carence.
Richard Frye précise que des recherches sont en cours pour déterminer la dose optimale ainsi que la population qui répondra le mieux au traitement.
Le Leucovorin représente néanmoins le premier médicament visant une cause sous-jacente de l’autisme, plutôt que de simplement gérer des symptômes comme l’agressivité ou l’épilepsie. Le Pr Quadros s’attend à ce que ce traitement marque le début d’une nouvelle ère, où l’autisme sera abordé davantage comme une condition biologique que comme un trouble purement génétique et inéluctable.

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