Après la diffusion par la CIA de deux vidéos appelant les responsables chinois à fournir des renseignements sur le régime communiste, le ministère des Affaires étrangères de Pékin a dénoncé une initiative qu’il qualifie d’« infiltration ».
Des experts ont estimé que cette réaction visible du régime chinois montre que les vidéos de la CIA ont un réel impact sur les fonctionnaires du Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir.
Le 1er mai, la CIA a diffusé deux courtes vidéos en mandarin, s’adressant directement aux fonctionnaires du PCC et les incitant à travailler avec la CIA.
La première vidéo s’adresse aux hauts fonctionnaires du PCC qui ont vu leurs collègues tomber du pouvoir, être emprisonnés ou « disparaître ». Après avoir rappelé l’existence des luttes internes entre les hauts responsables du PCC, la vidéo invite tout haut responsable du parti qui « souhaite prendre son destin en main et trouver une voie qui protégera ses proches et les fruits du travail de toute une vie » à travailler pour les États-Unis.
La vidéo renvoie à une page contenant des instructions permettant de contacter la CIA via le service Tor, un canal numérique sécurisé, anonyme et crypté.
La seconde vidéo s’adresse aux fonctionnaires ordinaires du parti. Elle exprime de l’empathie face à leur mécontentement à l’égard du régime chinois et rappelle que leur travail acharné ne profite qu’à un petit nombre de membres de l’élite du parti. La vidéo conclut en disant : « Dieu aide ceux qui s’aident eux-mêmes, et votre destin est entre vos mains ».
En réponse aux vidéos de la CIA, Lin Jian, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a critiqué les États-Unis lors d’un point de presse le 6 mai, qualifiant la diffusion des vidéos de « grave violation de l’intérêt national de la Chine et de pure provocation politique ».
M. Lin a déclaré que Pékin ripostera aux « activités de sabotage provenant de l’étranger ».
Selon un expert de la Chine, cet avertissement du régime chinois aux États-Unis est une façon de d’intimider les responsables du PCC qui seraient tentés par cette offre.
D’après Chung Chih-tung, chercheur adjoint à l’Institut de recherche sur la défense et la sécurité nationales à Taïwan, qui s’est entretenu avec les journalistes de la version chinoise d’Epoch Times, le 8 mai dernier, c’est la première fois que Washington facilite ouvertement la défection de fonctionnaires du PCC depuis l’établissement des relations diplomatiques entre les États-Unis et la Chine communiste.
« C’est le premier coup et il a créé un environnement favorable à la vague de défection des fonctionnaires du PCC », dit-il.
Les vidéos de recrutement ont en effet eu un impact, à en juger par la forte réaction du PCC, a déclaré Shen Ming-shih, directeur de la division de la recherche sur la sécurité nationale à l’Institut de recherche sur la défense nationale et la sécurité de Taïwan.
« Le PCC est sensible aux questions d’espionnage et peut intensifier la surveillance ou prendre des mesures plus strictes, entraînant ainsi davantage de problèmes pour les citoyens ou les fonctionnaires de base », a poursuivi M. Shen.
Pour lui, il est actuellement difficile pour des agents étrangers d’entrer en Chine pour collecter des renseignements dans le cadre d’activités commerciales ou d’échanges, car ils seraient facilement découverts.
« Lorsque des étrangers se présentent en Chine, ils sont surveillés dès qu’ils se comportent différemment », a-t-il ajouté.
Si certains au sein du PCC sont prêts à fournir des renseignements permettant à leurs enfants de s’installer aux États-Unis, M. Shen estime que « c’est surtout intéressant pour les hauts fonctionnaires ou les fonctionnaires de base qui sont coincés en Chine continentale, qui ne peuvent pas aller à l’étranger ou qui se trouvent dans des situations difficiles ».
Points de vue d’anciens fonctionnaires du PCC
Du Wen, qui a été directeur du bureau de conseil juridique du gouvernement de Mongolie intérieure et conseiller juridique de Hu Chunhua, vice-président pour la Conférence consultative politique du peuple chinois, a indiqué à Epoch Times : « Si la CIA peut s’occuper correctement des familles de ces hauts fonctionnaires, je pense qu’un grand nombre d’entre eux feront défection ».
En raison des luttes intestines régnant au sein du PCC, M. Du a été emprisonné pendant 12 ans. Après avoir été libéré en janvier 2023, il est resté sous la surveillance de la police, et a fait défection en Belgique avec sa famille.
« Aujourd’hui, tout le monde en Chine souhaite la fin du Parti communiste et de [son dirigeant] Xi. J’ai rencontré trop de gens qui pensent ainsi, qu’ils aient été démis de leurs fonctions ou non. Cependant, ils ne peuvent rien faire », a ajouté M. Du.
« Je sais trop bien qu’ils veulent quitter la Chine, mais ils ne le peuvent pas. Comment pourraient-ils partir en toute sécurité ? Il y a des difficultés techniques, des difficultés pour quitter la Chine en toute sécurité et des difficultés pour transmettre des renseignements », a-t-il poursuivi.
Selon M. Du, les hauts fonctionnaires du régime chinois sont âgés et sont sans doute moins à même d’accéder à Internet et de contourner le pare-feu chinois.
« En l’absence de connaissances en matière de sécurité, il est en effet risqué pour ces fonctionnaires de partager des informations via le dark web ou des canaux cryptés. »
« Il y a beaucoup de fonctionnaires qui veulent fuir mais très peu qui peuvent réellement apporter des renseignements précieux. »
Li Chuanliang, ancien maire adjoint de la ville de Jixi, dans la province de Heilongjiang, a confié à Epoch Times : « Aujourd’hui, les fonctionnaires du PCC peinent à s’échapper du fait des restrictions imposées à tous les niveaux, mais ils ont commencé à s’opposer au Parti sur le plan idéologique. Au moins 80 à 90 % d’entre eux s’opposent au PCC dans leur esprit. »
M. Li a également été maire adjoint de la ville de Hegang dans le Heilongjiang. Il a démissionné de ses fonctions publiques en 2017. En août 2020, peu après son arrivée aux États-Unis, M. Li s’est publiquement retiré du PCC, a pris la parole en faveur des entrepreneurs privés chinois et a créé le Centre de signalement des fonctionnaires cruels de Chine.
« J’en sais trop sur la face cachée du régime chinois, et tout le monde aborde ces questions. »
Pour M. Li, tous les fonctionnaires voit dans le régime communiste chinois « une espèce de totalitarisme, de contrôle, de terreur ».
« Ils tuent qui ils veulent, arrêtent qui ils veulent. »
« Pourquoi de nombreux fonctionnaires ont-ils envoyé leurs enfants dans les pays occidentaux ? Certains ont même transféré une partie de leur richesse à l’étranger. Parce qu’ils n’ont plus aucun espoir. »
Pour lui, il ne fait aucun doute que des fonctionnaires du PCC voudront faire défection. « La seule question est de savoir combien d’entre eux pourront fuir la Chine et comment trouver la façon d’y parvenir. »
Il a reconnu avoir visionné plusieurs fois les deux vidéos de recrutement de la CIA.
« Je souhaite également encourager les membres du parti à travailler pour la CIA, car c’est aussi un moyen de préserver leur conscience et de servir la patrie. »
« Arrêtez de travailler pour cette organisation terroriste [le PCC]. Ne soyez pas complices. »
Luo Ya, Yi Ru et Song Tang ont contribué à la rédaction de cet article.
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