Le règne de Jiang Zemin par la corruption

Par Heng He
17 décembre 2022 17:54 Mis à jour: 17 décembre 2022 17:54

La plupart des Occidentaux connaissent Jiang Zemin à travers la biographie de Robert Lawrence Kuhn intitulée Man Who Changed China : The Life and Legacy of Jiang Zemin [L’homme qui a changé la Chine : la vie et l’héritage de Jiang Zemin]. Jiang Zemin est désormais parti, il est temps d’évaluer son héritage pour déterminer en quoi il a changé la Chine.

Jiang Zemin a dirigé la Chine pendant 13 ans, de 1989 à 2002, dont 11 ans en tant que chef suprême du Parti communiste chinois (PCC), de l’État et de l’armée. Pour garder la nouvelle direction sous son contrôle après son départ du Parti et de l’État, il a reconduit pour deux ans son poste de président de la Commission militaire centrale (CMC), le chef de l’armée du Parti. Ensuite, Jiang Zemin a supervisé le pouvoir de Hu Jintao en coulisse pendant huit années supplémentaires.

En ce sens, Jiang Zemin est le dirigeant qui a régné le plus longtemps sur la Chine communiste, après Mao Zedong, le premier guide du régime.

Chaque dirigeant suprême du PCC laisse un certain héritage. Mao est le fondateur de la République populaire de Chine, son héritage est la théorie et la mise en pratique de la « Révolution continue » (繼續革命). Deng Xiaoping a laissé en héritage « la réforme et l’ouverture », ainsi que le massacre de la place Tiananmen.

Quel est l’héritage de Jiang Zemin ? L’un d’eux est « le règne de la corruption » (腐敗治國). La persécution du Falun Gong en est un autre. Selon He Qinglian, spécialiste de la Chine, économiste et auteur de The Pitfalls of Modernization [Les pièges de la modernisation], un des trois mots-clés pour décrire l’ère Jiang Zemin est la corruption.

Lorsque Jiang Zemin a été trié sur le volet par Deng Xiaoping et d’autres anciens dirigeants, la surprise a été totale, y compris pour Jiang Zemin lui‑même. Comparé aux précédents dirigeants du Parti, Jiang Zemin n’avait pas accompli d’exploits pendant la guerre civile. Il était secrétaire du Parti à Shanghai, prêt à prendre sa retraite. Il n’avait pas de faction à lui, ni même d’alliés au sein du Parti.

Au cours de ses premières années d’exercice, Deng Xiaoping et d’autres anciens du Parti l’ont toujours surveillé et retenu. Mais lorsque Deng Xiaoping et les autres ont disparu, Jiang Zemin a dû trouver sa propre façon de diriger le pays. Pour asseoir son autorité, il a choisi la voie la plus simple et la plus efficace : « promouvoir la corruption » et « lutter contre la corruption de manière sélective pour éliminer son adversaire ». C’est exactement ce qu’il a fait.

Feu vert à la corruption

« S’enrichir », voilà un objectif largement promu par lui. Une devise bien connue de Jiang Zemin est : « S’enrichir en silence. C’est le meilleur. » (悶聲大發財,這是最好的) Il a formulé ces propos au milieu du discours qu’il a prononcé devant un groupe de journalistes de Hong Kong. Ces propos sortaient de nulle part et semblaient hors sujet. Ils reflétaient ses véritables pensées et valeurs.

Des réformes conçues pour profiter aux puissants

Sous le mandat de Jiang Zemin, les propriétés de l’État sont tombées dans les mains des puissants dirigeants du Parti. Le Shandong Luneng Group, qui possède le Shandong Taishan Football Club, en est un exemple typique. Cette société a fait l’objet d’un grand article d’investigation mené par le magazine Caixin en 2007.

Luneng était une entreprise d’État établie dans la province de Shandong, au nord‑est de la Chine. Ses activités couvraient le charbon, l’électricité, les mines, l’immobilier, la finance et le sport. Jusqu’à la fin de 2005, Luneng était la première entreprise du Shandong, avec une valeur de 73,8 milliards de yuans (9,22 milliards de dollars en 2006). En 2002, l’entreprise est passée de propriété d’État à propriété des employés. Puis, en 2006, après des tractations menées en coulisses, le régime de propriété a de nouveau changé. Il est passé de propriété des employés à propriété privée.

Deux sociétés pékinoises ont obtenu une participation à hauteur de 91% dans l’entreprise, mais personne ne savait qui se cachait derrière ces deux sociétés. Selon certaines informations, la personne qui a réellement acheté Luneng serait Zeng Wei, le fils de Zeng Qinghong, bras droit de Jiang Zemin. Zeng Wei a ensuite fait l’acquisition d’un manoir d’une valeur de 32 millions de dollars à Sydney, en Australie.

Il y a eu de nombreux cycles de réforme touchant les entreprises d’État. À chaque fois, les réformes ont entraîné la perte de fortunes de l’État au profit de personnes puissantes. À titre d’exemple, un article publié par les médias d’État chinois a montré qu’une propriété de l’État d’une valeur de 100 millions de yuans avait été évaluée à seulement 1,25 million de yuans pour un acheteur privé.

Corruption endémique

Quant aux hauts fonctionnaires chinois, il est difficile de savoir combien d’entre eux étaient bel et bien corrompus.

Au cours de la campagne anticorruption lancée par le dirigeant chinois Xi Jinping en 2012, Zhou Yongkang, ancien ponte de la sécurité et ancien membre du Comité permanent du Politburo – l’organe décisionnel suprême du PCC – a été reconnu coupable de trois crimes. Il avait notamment accepté d’énormes pots‑de‑vin, ce qui lui a valu une peine de prison à vie.

Son fils, Zhou Bin, a été condamné à 18 ans de prison et à une amende de 350 millions de yuans (50 millions de dollars) pour corruption et autres délits. Une plaisanterie circulait en Chine selon laquelle Hu Jintao, le dirigeant du PCC placé dans l’ombre de Jiang Zemin, était tellement entouré de malfrats qu’il combattait littéralement derrière les lignes ennemies. Ses deux vice‑présidents de la CMC (Commission militaire centrale) ont été accusés de corruption : Guo Boxiong a été reconnu coupable et condamné à la prison à vie, tandis que Xu Caihou est mort à l’hôpital avant le procès.

Le chef des forces de sécurité de Hu Jintao, Zhou Yongkang, était un malfrat. Ling Jihua, le directeur du bureau de Hu Jintao, était aussi un malfrat. Le ministère de la Sécurité publique était peuplé de malfrats. Que Hu Jntao ait survécu à l’opération anti‑corruption lancée par Xi Jinping relève du miracle.

La faction de Jiang Zemin comprend deux groupes. Les membres du noyau central sont ceux qui ont du sang sur les mains depuis le début de la persécution du Falun Gong. Les autres sont ceux qui ont bénéficié de la politique de Jiang Zemin, pour la plupart des fonctionnaires corrompus. Le noyau dur de la faction a eu plus d’occasions de se livrer à la corruption.

Lorsque Xi Jinping a lancé sa campagne de lutte contre la corruption, les premiers visés ont été les responsables du système politique et juridique. Ils n’ont pas été accusés de violations des droits de l’homme, ils ont tous été accusés de corruption et d’autres crimes.

Plus de la moitié des hauts fonctionnaires ayant trempé dans le fameux Bureaux 610 (la Gestapo chinoise) ont fait l’objet d’une enquête, ont été jugés et condamnés à des peines de prison. Ils ont eu un chef d’accusation en commun : la corruption. Li Dongsheng, Zhang Yue, Fu Zhenghua et Sun Lijun, pour n’en citer que quelques‑uns. Leurs crimes remontent tous à une ou deux décennies pendant l’ère Jiang Zemin (puisque Hu Jintao était le pantin de Jiang Zemin, il n’a pas eu d’ère propre). Aucun de leurs crimes n’a été révélé pendant des décennies dans la mesure où Jiang Zemin avait besoin d’eux. Les laisser s’enrichir par la corruption était leur récompense.

La corruption de la classe dirigeante était si répandue et si notoire que les États‑Unis et d’autres entreprises occidentales rivalisaient pour embaucher des « princes », les fils et les filles des hauts fonctionnaires chinois, afin de les utiliser comme clé pour ouvrir et sécuriser le lucratif marché chinois.

En 2016, JP Morgan a accepté de payer 264 millions de dollars pour régler les accusations selon lesquelles la société employait des princes chinois bien connectés pour décrocher des marchés en Chine. Et JP Morgan n’est pas la seule banque. Si de tels scandales ont fait l’objet d’un examen approfondi en Occident, la Chine n’a pas été prise en compte dans l’équation. La corruption en Chine était si endémique qu’elle rendait nécessaire et possible des actes de corruption aussi flagrants. Cette corruption existait bien avant le scandale JP Morgan. De telles pratiques étaient utilisées depuis au moins deux décennies, principalement sous l’ère de Jiang Zemin.

Parallèlement à la corruption, Jiang Zemin a utilisé une autre stratégie, la lutte sélective contre la corruption, pour se débarrasser de ses adversaires. Chen Xitong, ancien secrétaire du PCC à Pékin, était le plus à même d’être promu pour remplacer Zhao Ziyang, le secrétaire général du PCC limogé pour ne pas avoir soutenu la répression sur la place Tiananmen.

Chen Xitong était le maire de Pékin lors de la manifestation étudiante de 1989. Plus tard, il est devenu secrétaire du Parti de la ville. De par ses réalisations à Pékin et le rôle qu’il a joué dans la répression sanglante des manifestations étudiantes, Chen Xitong a toujours pensé qu’il était au‑dessus de Jiang Zemin. Mais Jiang Zemin considérait Chen Xitong comme son plus grand ennemi. Le moment venu, Jiang Zemin a fait emprisonner Chen Xitong pour corruption.

Contrairement à d’autres hauts fonctionnaires corrompus, Chen XItong n’a jamais admis les accusations portées contre lui. Il affirmait être victime de persécutions politiques, ce que beaucoup admettaient.

Dans la plupart des pays, la corruption est difficile à éviter et doit être combattue en permanence. Sous Jiang Zemin, il s’agissait d’un mode de fonctionnement recherché délibérément et promu depuis le sommet. Elle permettait non seulement d’engraisser la Chine économiquement, mais c’est aussi l’élément central qui légitimait le pouvoir politique de Jiang Zemin.

Oui, Jiang Zemin a changé la Chine, pour le pire.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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