« L’école hors contrat est considérée comme un refuge et a de beaux jours devant elle » : Pierre-Loïc Olympie

Par Etienne Fauchaire
30 avril 2024 12:49 Mis à jour: 30 avril 2024 12:49

ENTRETIEN — À l’heure où la France accuse une baisse historique du niveau de ses élèves et où l’ultraviolence pénètre jusqu’au sein même des établissements scolaires, l’école privée hors contrat connait au fil des années un essor qui ne tarit pas. Jeune entrepreneur et dirigeant de plusieurs entreprises, Pierre-Loïc Olympie fait partie de ces Français qui ont créé leur propre école libre, désireux de répondre à ce besoin de nombreux parents dans sa région en quête d’un « enseignement de qualité ». Après avoir personnellement expérimenté dans sa jeunesse diverses typologies de formation scolaire, dont l’école publique, il est devenu le président de l’association Saint-Expédit, à l’origine de la fondation de l’école éponyme, localisée en Bretagne. Dans cet entretien, Pierre-Loïc Olympie analyse les raisons expliquant à ses yeux le succès grandissant du hors-contrat, évoque son propre engagement associatif dans la cité et revient sur quelques-uns des maux auxquels l’Éducation nationale est aujourd’hui en proie.

Epoch Times : En 2023, près de 100 000 élèves étaient scolarisés dans plus de 2 500 établissements privés hors contrat, selon l’annuaire des écoles libres. Il y a dix ans, ils ne comptaient que quelques dizaines de milliers d’élèves. Comment expliquez-vous l’essor du hors contrat en France à partir de votre propre expérience ?

Pierre-Loïc Olympie : Les parents souhaitent le meilleur pour leurs enfants. À ce titre, ils sont prêts à des sacrifices financiers pour leur garantir un enseignement de qualité qui leur apportera les armes nécessaires pour pouvoir s’épanouir en tant que futurs adultes dans le contexte délicat des grandes perturbations de notre monde moderne.

Nous assistons à une véritable prise de conscience sur le fait que l’école publique aboutit à des résultats de plus en plus médiocres. Ne sont plus rares les enfants qui arrivent en classe de 6ᵉ sans maîtriser correctement les savoirs fondamentaux : la lecture, l’écriture et le calcul.

L’épisode Covid et l’interdiction de l’école à la maison ont été par ailleurs des accélérateurs d’un phénomène de refus de suivre une pensée unique dictée par le sommet de l’État ; c’est pourquoi de nombreuses familles veulent aujourd’hui utiliser leur libre-arbitre pour choisir l’école qui correspond à leur vision de l’éducation.

Il est à signaler que la plupart de ces écoles sont répertoriées sur une carte interactive bien pratique, disponible sur le site Internet de l’annuaire des Écoles libres. Celle-ci permet aux parents de découvrir les choix qui s’offrent à eux au plus près de leur zone géographique.

Quelles sont les difficultés qui accompagnent l’ouverture et le fonctionnement d’une école hors contrat ?

L’ouverture d’une école hors contrat demande une énergie très forte, beaucoup de temps, des bénévoles… Il faut bien évidemment trouver des financements par le biais de dons, ainsi que des locaux qui répondront aux normes de sécurité et rentreront dans le cadre du PLU (plan local d’urbanisme) de la commune concernée. Ensuite, identifier les talents qui sauront donner corps au projet pédagogique mis au point par la direction.

La pierre angulaire du processus réside dans la sélection du directeur ou de la directrice qui saura incarner pleinement le projet défini dans la charte de l’école. Écrite par ses membres fondateurs, elle insuffle l’esprit du futur établissement scolaire. Dans notre cas, nous recherchons actuellement le nouveau directeur qui saura prendre la relève de notre directrice bénévole actuellement en fin de carrière, qui nous a permis de mettre ce projet d’école sur les rails.

Par ailleurs, notons que pour proposer des frais de scolarité accessibles (en général, 2 000 € annuels en primaire, externat), il est nécessaire d’être constamment soutenu par des bienfaiteurs privés, puisque les écoles hors contrat ne reçoivent aucune aide de l’État.

Si la phase d’ouverture de l’école hors contrat est la plus ardue, il faut également pérenniser le projet, en œuvrant constamment à ne pas perdre de vue la noble mission fixée au départ, ce qui nécessite une exigence haute et constante.

La Fondation pour l’école, qui travaille à soutenir le développement des écoles hors contrat par le biais de formations et de redistribution de dons, vient de publier un ouvrage pour aider les créateurs d’école à faire de cette aventure entrepreneuriale un succès.

Qu’est-ce qui différencie en matière d’enseignement délivré une école catholique privée sous-contrat d’une école catholique hors contrat comme la vôtre ?

Contrairement aux écoles sous contrat, notre école conserve sa liberté en matière pédagogique (méthodes et programmes) tout en tenant compte des exigences du socle commun. Elle met l’accent sur les matières fondamentales et est à même d’utiliser aussi bien des méthodes traditionnelles éprouvées, telles que la méthode syllabique d’apprentissage de la lecture, que des méthodes plus modernes qui permettent d’inclure de la variété dans l’enseignement et de faire en sorte que les enfants prennent plaisir à compter, lire et écrire.

Nous avons la possibilité également de faire découvrir la belle histoire de notre pays de manière chronologique et approfondie, sans occulter des pans entiers de ce qui constitue nos racines. Par ailleurs, au-delà des matières habituelles, nous tenons à faire découvrir la nature aux enfants ainsi que le monde professionnel par des sorties (ferme, artisanat, entreprises…) ou interventions thématiques pour susciter leur intérêt sur le monde qui les entoure et développer leur esprit critique.

Mais la différence fondamentale n’est pas tant dans l’enseignement intellectuel que dans l’esprit général insufflé aux enfants, qui prend en compte les diverses facultés de l’âme : mémoire, intelligence et volonté. Nos élèves sont donc bien plus formés aux vertus de tempérance, de prudence et de justice. Nous veillons à ce qu’ils exercent la politesse, la droiture, l’esprit de service, de pureté et de bienveillance. En tout cela, l’histoire nous a laissé d’admirables maîtres avec, notamment St Jean-Baptiste de la Salle (fondateur des Frères des écoles chrétiennes) et St Jean Bosco (fondateur des Salésiens).

Le mois dernier, Arnaud Florac, chroniqueur pour Boulevard Voltaire, ironisait sur une note du renseignement intérieur qui s’inquiétait non pas du « terrorisme, de l’immigration, du séparatisme, des narcotrafics », mais des écoles hors contrat. Évoquant les inspections diligentées par l’ex-ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye en juin dernier dans des écoles catholiques hors contrat, il se demande si cette note laisse « présager une nouvelle chasse aux sorcières, avec des pratiques humiliantes et des descentes d’escadrons d’inspecteurs hargneux ». Comment percevez-vous le traitement appliqué par les institutions françaises envers les écoles hors contrat ?

Les premiers inspecteurs d’une école hors contrat sont les parents d’élèves, qui allouent une part parfois significative du budget familial en vue d’offrir le meilleur à leurs enfants. En cas de dérives de tout ordre ou bien d’inadéquation avec ce qui les a fait adhérer à cette école-là plutôt qu’à une autre, les parents responsables et soucieux du bien-être de leurs enfants seraient les premiers à les en retirer.

Nous vivons dans une société où l’État veut imposer ses propres valeurs et faire rentrer tout le monde dans le moule de la pensée unique… avec les résultats calamiteux que l’on connaît. Cela étant dit, il demeure normal, à mon sens, d’être inspecté par le rectorat, surtout lors des premières années de fonctionnement d’un établissement, afin qu’il s’assure que les exigences du socle commun sont atteintes. Il faut vivre ces inspections de manière positive, quelle que soit l’attitude des inspecteurs, et veiller à ce qu’ils n’outrepassent pas leurs droits (ils ne peuvent interroger un enfant seul, ni prendre les cahiers de classe par exemple).

Et force est de constater qu’il n’est pas si facile de faire fermer une école lorsque les résultats sont excellents, que le cadre est propice à l’éveil de l’enfant, et que le corps professoral montre un dévouement sans faille à sa si belle mission.

Le classement Pisa publié en 2023, qui évalue le niveau scolaire de par le monde, souligne la baisse historique du niveau des élèves français. De quoi cette dégringolade est-elle le symptôme selon vous ?

On juge un arbre à ses fruits… L’Éducation nationale a été prise en otage par des idéologues de gauche qui ont voulu faire table rase du passé. Pour autant, quelle est la valeur aujourd’hui d’un baccalauréat par rapport à celui des années 1950 ?

Nous avons l’expérience du passé, des méthodes éprouvées et un accès à des merveilles grâce à internet… En somme, tous les ingrédients pour réussir. Il suffit de voir ce qui fonctionne dans certains pays et ce qui a fait notre réussite dans le passé pour en tirer les bonnes leçons. Malgré les choix de nos élites politiques qui ont transformé l’école publique en voie de garage, on se permet encore de donner des leçons au monde entier alors que nos voisins italiens et suisses bénéficient d’évolutions très positives, contrairement à la France. Pourquoi vouloir réinventer la roue ?

Par ailleurs, il est prouvé que les enfants passent beaucoup trop de temps devant les écrans, ce qui a un impact très négatif sur leur capacité de concentration et de mémorisation. Notre école s’applique au contraire à donner à ses élèves le sens de l’effort, qui est l’opposé du divertissement à l’excès par le biais des écrans.

Harcèlement moral, agressions physiques, atteintes à la vie privée… L’insécurité qui mine la société française s’est infiltrée jusqu’au cœur de l’école, qu’Emmanuel Macron présente pourtant encore comme un « sanctuaire ». Au début du mois, le Premier ministre Gabriel Attal a finalement reconnu que « se traduisent à l’école des maux que l’on retrouve dans le reste de la société », notant un rajeunissement de la délinquance. Dans l’attente d’un hypothétique « big bang de l’autorité », comme l’appelait de ses vœux, le 7 avril, l’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel Jean-Eric Schoettl, le hors contrat est-il devenu un refuge pour les parents désireux d’y réchapper ?

L’éducation, pour moi et pour la plupart des personnes investies dans des écoles hors contrat, consiste à former les habitudes morales de l’enfant, ce qui réduit, sans exclure, le risque de mauvais agissements. En cas de problèmes de comportement, ils sont pris en charge avec les sanctions adéquates, pouvant aller jusqu’à l’exclusion.

A contrario, l’Éducation nationale organise bien souvent la négation de l’autorité. La fonction des professeurs se cantonne à un accompagnement des enfants dans leur développement, sans leur transmettre un savoir-être et sans leur insuffler des vertus morales. Ceux qui ont fréquenté l’école sous contrat ont souvent en tête des exemples de professeurs tournés en dérision par leurs élèves et n’osant pas lever la voix pour rétablir l’ordre. À partir de là, la chienlit se développe et je soupçonne que les faits médiatisés récemment soient malheureusement peu représentatifs de l’ampleur du désastre.

Donc oui : le hors contrat est considéré comme un refuge et a de beaux jours devant lui… si tant est que nos gouvernants nous laissent notre liberté d’action.

La séquence de l’émission “Au cœur du collège“ diffusée par M6, dans laquelle le spectateur assiste au harcèlement scolaire d’une jeune fille par ses camarades de classe, a enflammé les réseaux sociaux, générant des millions de vues. Dans cette vidéo, on voit l’enseignante sanctionner la victime au motif qu’elle réagit de façon trop agressive. Quel regard portez-vous sur cet épisode ? Traduit-il selon vous une carence pédagogique des professeurs en France ?

Nous sommes aux antipodes d’une éducation souhaitable pour nos enfants, à savoir rechercher et apprécier le Beau, le Bien et le Vrai. Il faut que notre société retrouve ses racines : « Tant qu’une nation se gouverne d’après les principes constitutifs de la famille, elle est florissante ; du jour où elle s’écarte de ces traditions qui l’ont créée, la ruine est proche », disait Frantz Funck-Brentano.

Si tous ces constats concernant l’Éducation nationale semblent négatifs (et je ne mentionne même pas les conséquences sociétales de la consommation de drogues, d’alcool, ou encore de pornographie qui mine notre jeunesse), notre école hors contrat veut être positive : édifier les élèves par ce qui est beau, vertueux, tout en respectant d’autres choix que nous ne voulons toutefois pas pour eux ! L’éducation commence dans la famille et se poursuit à l’école, afin de donner une cohérence et un sens aux élèves.

Une société ne peut progresser que si la génération suivante dépasse en valeur celle qui la précède. C’est pourquoi je lance un appel à tous ceux qui ont les moyens financiers de contribuer au développement de cette belle œuvre de reconstruction française.

Quel lien faites-vous entre vos activités professionnelles et votre engagement associatif ?

J’ai embauché près de 100 personnes en l’espace de 6 ans dans le cadre de mes diverses activités. Tout patron d’entreprise sait que le recrutement est chose bien compliquée de nos jours. La plupart des personnes sont instables et font montre d’une grande fragilité lorsqu’ils rencontrent des difficultés. Pour moi, c’est le signe de fondations friables, c’est-à-dire d’une éducation incomplète. Il n’y a plus le sens de l’honneur, de la parole donnée ; on travaille pour de l’argent ou éventuellement pour sa gloriole personnelle, tandis que le sens du dévouement a presque disparu. Ajoutez à cela qu’il n’y a plus grand monde qui sait écrire correctement ou qui prend la peine de le faire, plus grand monde qui s’instruit par la lecture…

Nous sommes passés d’une société de la transmission des valeurs à une société de consommation. Je m’investis à ma petite échelle pour reconstruire du solide.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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