Ce que les allégations de Peng Shuai révèlent sur les conflits internes du PCC

Par Leon Wright
7 décembre 2021 18:55 Mis à jour: 8 décembre 2021 06:23

Des semaines se sont écoulées depuis que la championne de tennis chinoise Peng Shuai a accusé Zhang Gaoli (ancien vice-Premier ministre) de l’avoir forcée à avoir des relations sexuelles, le scandale continue cependant à avoir des retombées internationales.

Selon Peng Shuai, 35 ans, qui a publié ses allégations le 2 novembre sur Weibo, le Twitter chinois, il y a plus de dix ans qu’elle et Zhang Gaoli, 75 ans, ont commencé à se fréquenter et à avoir des rapports consentis, dans le cadre d’une histoire intermittente. En 2018, alors qu’il vient de se retirer de son poste, il souhaite la revoir. Mais, ce jour-là, l’ancien fonctionnaire abusera de la sportive.

« Si tu n’avais pas prévu de prendre tes responsabilités, pourquoi es-tu revenu me chercher pour m’emmener chez toi… », a écrit Peng Shuai, ajoutant que Kang Jie, la femme de Zhang Gaoli, aidait son mari en « montant la garde » à l’extérieur de la chambre.

« Cet après-midi-là, je n’ai pas donné mon accord et j’ai continué à pleurer », peut-on lire dans le post Weibo de Peng Shuai.

Auparavant, elle poursuivait cette liaison en raison des « sentiments qu’elle ressentait à son égard », tout en étant insatisfaite de son statut ingrat et des réprimandes régulières de sa femme, Kang Jie. Le message de Peng Shuai, qui a été supprimé par les censeurs environ 10 minutes après sa publication, indiquait qu’elle avait décidé de rendre son histoire publique suite à une dispute avec Zhang Gaoli à la fin du mois d’octobre.

Peng Shuai a ensuite disparu de la scène publique pendant près de trois semaines, avant de réapparaître récemment dans une vidéo.

Zhang Gaoli a été le principal vice-Premier ministre chinois entre 2013 et 2018. Simultanément, il occupait un poste au sein du Comité permanent du Politburo du Parti communiste chinois (PCC), l’organe exécutif le plus puissant du Parti. De nombreux observateurs soutiennent que l’accusation publique de Peng Shuai constitue une initiative sans précédent de la part d’une personne qui réside en Chine continentale contre un très haut dirigeant du Parti à la retraite.

« Même si cela revient à frapper une pierre avec un œuf et à courir à sa perte comme un papillon vers une flamme, je dirai la vérité sur toi », a-t-elle écrit.

Une communication contrôlée

Ayant disparu de la scène publique, les gouvernements étrangers et les organisations sportives restent sceptiques face aux assurances de Pékin selon lesquelles Peng Shuai est en sécurité.

Le 27 novembre, un porte-parole de la Women’s Tennis Association (WTA) a déclaré : « La WTA reste inquiète quant aux possibilités [qu’a la championne] de communiquer librement, ouvertement et directement », car « il est clair que ses réponses [à deux courriels] ont été influencées par d’autres personnes. »

L’authenticité des photos et des vidéos produites par Pékin et les médias d’État chinois pour montrer que la triple athlète olympique reste active et libre de ses mouvements a également suscité les doutes.

« Il était bon de voir Peng Shuai dans les récentes vidéos, mais elles n’atténuent ni ne répondent à l’inquiétude de la WTA quant à son bien-être et à sa capacité à pouvoir communiquer sans censure ni coercition », a déclaré une porte-parole de la WTA dans un courriel.

Steve Simon, président de la WTA, a passé au crible un appel d’une demi-heure, le 21 novembre, au cours duquel Peng Shuai a déclaré au Comité international olympique (CIO) qu’elle se trouvait chez elle, en sécurité, à Pékin. La décision du CIO de maintenir cet appel sans savoir si Peng Shuai était en mesure de parler librement a vivement été critiquée.

Avant cela, le 17 novembre, le réseau d’État China Global Television Network (CGTN) a fait état d’un courriel prétendument envoyé par Peng Shuai à Steve Simon, où elle revenait sur son allégation d’agression sexuelle contre Zhang Gaoli.

Le régime chinois prépare actuellement les Jeux olympiques d’hiver de 2022, qui se tiendront à Pékin en février. Bien avant le scandale de Peng Shuai, l’événement était déjà des plus controversés.

De fait, la colère internationale envers la Chine est palpable pour plusieurs raisons : les violations des droits de l’homme perpétrés à une échelle sans précédent ; les menaces militaires continues générant un climat de tension mondiale ; une diplomatie agressive et sournoise de la part régime ; la dissimulation des informations indispensables pour comprendre les débuts de l’épidémie de Covid-19.

Le 18 novembre, le président Joe Biden a déclaré dans une conférence de presse qu’il envisageait un boycott diplomatique des Jeux olympiques. Ainsi, seuls les athlètes se rendraient à Pékin, sans aucun fonctionnaire pour les accompagner.

La star de la NBA Enes Kanter, qui a récemment demandé au PCC d’« arrêter de tuer pour des organes », a appelé le CIO à déplacer les Jeux de Pékin en signe de protestation face au traitement de Peng Shuai, écrivant dans une tribune libre du Wall Street Journal le 21 novembre que « toutes les médailles d’or du monde ne valent pas la peine de vendre vos valeurs et vos principes au Parti communiste chinois ».

Ramifications politiques

En Chine, l’accusation portée contre Zhang Gaoli représente un rare blâme public d’un haut responsable du Parti communiste, qu’il soit à la retraite ou en poste. La célébrité de Peng Shuai et l’imminence des Jeux olympiques mettent Pékin dans une situation délicate.

Selon Jonathan Sullivan, directeur du China Policy Institute de l’université de Nottingham, le PCC ne souhaite pas « un tel désastre en termes de relations publiques internationales juste avant des Jeux olympiques qui, de toute façon, risquent d’être compliqués ».

M. Sullivan, qui s’est entretenu avec le Financial Times, a également indiqué qu’il y a peut-être des « facteurs politiques ‘en jeu' » qui relayent la question des « relations publiques » au second plan, des facteurs liés au fonctionnement interne du régime.

Zhang Gaoli est connu pour son travail de réformes économiques alors qu’il était en poste dans des provinces clés, notamment le Guangdong au sud et le Shandong à l’est, avant sa nomination au poste de secrétaire du comité du PCC de la mégapole de Tianjin en 2007, puis sa promotion au Comité permanent du Politburo.

Toutefois, les spécialistes identifient avant tout M. Zhang comme un allié de l’ancien chef du PCC, Jiang Zeming. Bien que Jiang Zeming ne soit plus officiellement au pouvoir, l’ancien dirigeant, en rivalité avec l’actuel chef du Parti, Xi Jinping, œuvre en coulisse et attise les luttes intestines. On distingue depuis des années deux factions à couteaux tirés au sein du PCC.

Selon Cheng Li, universitaire chinois de la Brookings Institution, dans un rapport publié le 26 novembre par le Financial Times, en affaires, Zhang Gaoli est l’un des principaux protégés de Zeng Qinghong.

Zheng Qinghong, ancien vice-président chinois, est tenu pour être le second de Jiang Zemin.

Cercius Group, une société de conseil basée à Montréal, considère Zhang Gaoli comme un « pur de la ‘Jiang pai' » (de la « faction Jiang »).

« Zhang Gaoli n’a jamais été considéré comme un allié de Xi Jinping, ni dans les écrits universitaires de la classe dominante chinoise, ni dans les rapports de la classe dominante taïwanaise, ni dans les analyses venant de Hong Kong », a rappelé Cercius dans le Financial Times.

La façon dont Peng Shuai est traitée est probablement une question de protocole pour Pékin : « Évidemment, il faut déchaîner l’appareil de censure pour montrer que ‘nous protégeons les nôtres », poursuit le cabinet de conseil. « Mais en réalité, Xi Jinping a maintenant une bonne raison pour punir Zhang Gaoli s’il le souhaite. »

Une enquête ou un procès de Zhang Gaoli représenterait une nouvelle étape dans la campagne anti-corruption menée par Xi Jinping depuis 9 ans. Bien que des milliers de hauts fonctionnaires ont été démis de leurs fonctions depuis l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir en 2012, le seul ancien membre du Comité permanent du Politburo à avoir été purgé jusqu’à présent est Zhou Yongkang, qui contrôlait autrefois l’organisation du PCC supervisant toutes les forces judiciaires chinoises ainsi que celle de la sécurité. Zhou Yongkang est désormais incarcéré à vie.


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