Logo Epoch Times

La Vuelta 2025 se termine dans le chaos : manifestants pro-palestiniens et polémique politique

top-article-image

La 80e édition du Tour d'Espagne s'est achevée dimanche 15 septembre sur une note particulièrement amère. Une fin chaotique qui prive Jonas Vingegaard (Visma-Lease a Bike) d'une célébration digne de son troisième grand tour, et qui relance les tensions politiques en Espagne.

Photo: PIERRE-PHILIPPE MARCOU/AFP via Getty Images

author-image
Partager un article

Durée de lecture: 9 Min.

La 80e édition du Tour d’Espagne s’est achevée dimanche 14 septembre sur une note particulièrement amère. La 21e et dernière étape a été définitivement annulée après l’intervention de manifestants pro-palestiniens, à 54 kilomètres de l’arrivée prévue à Madrid. Une fin chaotique qui prive Jonas Vingegaard (Visma-Lease a Bike) d’une célébration digne de son troisième grand tour, et qui relance les tensions politiques en Espagne.
Soudain, vers 16h30 (heure locale), les barrières tombent sur Gran Via, en plein cœur de Madrid. L’entrée d’un groupe de manifestants sur le parcours, à 58 kilomètres de l’arrivée, a provoqué la dislocation puis l’arrêt du peloton. Brandissant drapeaux palestiniens et pancartes dénonçant le « génocide sioniste » à Gaza, plus de 100 000 manifestants pro-palestiniens viennent de signer la fin prématurée de cette édition 2025.
Peu après 18h00, alors qu’ils bordent le parcours, trois ou quatre d’entre eux enlèvent une barrière et pénètrent sur cette avenue touristique, selon les témoins présents. Des policiers, déployés en nombre après les incidents récurrents qui ont perturbé la Vuelta depuis son arrivée en Espagne, s’approchent, mais bientôt toutes les barrières sont renversées sur plusieurs mètres, et une marée de personnes envahit la chaussée.

Un déploiement sécuritaire sans précédent

Les autorités de la région de Madrid avaient annoncé le renfort « extraordinaire » de 1 500 membres des forces de l’ordre pour les deux dernières étapes du Tour d’Espagne, un dispositif d’une ampleur jamais vue dans la ville depuis un sommet de l’OTAN en 2022. Des blindés avaient même été prépositionnés à certains carrefours en cas d’incidents graves.
Malgré ces précautions exceptionnelles, l’organisation n’a pu empêcher l’invasion du parcours. Après un léger mouvement de panique, l’ambiance s’est calmée, et la foule, dans laquelle se trouvaient des familles avec pour certaines de jeunes enfants en poussette, ou des personnes âgées, a défilé tranquillement, encadrée par des policiers qui n’intervenaient pas.
Dans le même temps, des scènes similaires se répétaient dans d’autres points de la ville. Près de la gare d’Atocha, les policiers ont répliqué dans un premier temps plus fermement, en chargeant et en lançant quelques grenades lacrymogènes, avant finalement de laisser les manifestants défiler aux cris de « Boycott Israël », « Ce n’est pas une guerre, c’est un génocide ! » ou « Halte aux morts d’enfants innocents ! ».

« La police affronte les manifestants pro-palestiniens après leur invasion de la rue lors de la 21e et dernière étape de la Vuelta d’Espagne 2025, une course de 101 km entre Alalpardo et Madrid, près de la fontaine de Cybèle à Madrid. (THOMAS COEX/AFP via Getty Images)

Une Vuelta marquée par les protestations quotidiennes

Depuis le départ le 23 août, et surtout depuis l’arrivée de l’épreuve en Espagne le 27, des manifestations quotidiennes rassemblaient des militants protestant contre la présence de l’équipe israélienne Israel Premier Tech. Cette édition 2025 aura été marquée par des perturbations quasi quotidiennes, transformant ce qui devait être une fête du cyclisme en un événement géopolitique.
La semaine précédente, la 11e étape, qui se terminait à Bilbao, avait déjà été neutralisée avant l’arrivée finale, tandis que l’avant-dernière étape avait été perturbée par des manifestants assis au milieu de la route à une vingtaine de kilomètres de l’arrivée, sur les pentes de Bola del Mundo.
Face à ces manifestations récurrentes, les coureurs avaient déploré se sentir « en danger », certains ayant chuté lors d’incidents. L’Association des Cyclistes Professionnels avait dénoncé ces actes comme « non acceptables ».

Une victoire de Vingegaard dans l’ombre

Jonas Vingegaard remporte donc sa première Vuelta dans un contexte particulier, sans pouvoir monter sur le podium protocolaire qui a été annulé. Le Danois, déjà vainqueur de deux Tours de France, complète ainsi son palmarès avec ce troisième grand tour, mais dans des circonstances bien éloignées de la fête habituelle.
La traditionnelle étape madrilène, censée offrir un sprint massif, n’a donc pas couronné de vainqueur. Le passage était bloqué à 200 mètres de la ligne par une manifestation pro-palestinienne, privant les sprinteurs d’une ultime opportunité et les organisateurs de leur traditionnel bouquet final dans la capitale espagnole.

Des motivations clairement affichées

« La Vuelta, c’est une excuse pour venir montrer notre soutien » aux Palestiniens, avait explicité à l’AFP, avant l’irruption des manifestants, Rosa Mostaza Rodriguez, une enseignante de 54 ans, robe rouge et foulard vert sur la tête.
« Je n’aime pas que nous soyons arrivés à ça parce que cette course n’aurait jamais dû avoir lieu. Israël commet un génocide à Gaza et ne devrait pas participer à ces événements internationaux », avait estimé pour sa part José Luis Fernández, 74 ans, professeur d’université à la retraite, après l’interruption de l’épreuve.
L’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 a entraîné la mort de 1 219 personnes côté israélien, en majorité des civils. L’offensive israélienne de représailles a fait au moins 64 871 morts dans la bande de Gaza, aujourd’hui en pleine crise humanitaire, selon les derniers bilans officiels.

Une bataille politique post-manifestations

Dans la soirée, la fin chaotique de l’épreuve a tourné au règlement de compte politique entre le gouvernement et l’opposition de droite. « La société espagnole ne tolère pas que le génocide à Gaza soit normalisé dans des événements sportifs ou culturels », a salué sur les réseaux sociaux la ministre du Travail Yolanda Díaz, issue de la plateforme d’extrême gauche Sumar et numéro 3 du gouvernement. Selon elle, « Israël ne peut participer à aucun événement tant qu’il continue de commettre un génocide ».
Le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, l’une des voix les plus critiques en Europe sur l’action menée par Israël à Gaza, n’a pas réagi immédiatement, mais il avait fait part dimanche matin de son « admiration » pour les manifestants tout en disant son « respect » des sportifs.
Le chef du Parti populaire (PP, opposition de droite), Alberto Núñez Feijóo, a quant à lui fustigé dimanche sur X « une honte internationale relayée dans le monde entier », due, selon lui, au gouvernement socialiste qui a « non seulement permis, mais aussi encouragé l’interruption de La Vuelta ».

Un contexte géopolitique tendu

Ces manifestations ont lieu dans un pays où la cause palestinienne est très populaire, et en période de grande tension entre le gouvernement de Pedro Sánchez et celui de Benjamin Netanyahu. Le Premier ministre espagnol avait récemment annoncé des mesures destinées à « mettre un terme au génocide à Gaza », provoquant l’ire des autorités israéliennes.
Dans le cœur de Madrid, les policiers ont empêché tout accès à la zone où devaient avoir lieu les cérémonies protocolaires. Quelques incidents ont éclaté en début de soirée, et les forces de l’ordre ont à nouveau usé de gaz lacrymogènes, avant une dispersion dans le calme en fin de soirée.
Cette fin prématurée de la Vuelta 2025 marque un précédent dans l’histoire du cyclisme moderne, où les considérations géopolitiques ont pris le pas sur l’événement sportif. Elle soulève des questions sur l’organisation d’événements internationaux en période de tensions mondiales et sur la capacité des autorités à garantir la sécurité des compétitions face à des mouvements de protestation déterminés.
L’édition 2026 de la Vuelta devra tirer les leçons de ces événements pour éviter qu’une compétition cycliste ne devienne à nouveau l’otage de conflits internationaux, privant les coureurs et les spectateurs du spectacle sportif qu’ils étaient venus chercher.