Automobile : l’UE va-t-elle assouplir le passage au tout-électrique en 2035 ?
L’Union européenne vacillera-t-elle sur l’un des piliers de son Pacte vert en assouplissant l’interdiction de vendre des voitures neuves à moteur essence ou diesel à partir de 2035 ?

Voiture électrique en train de se recharger sur une borne dans un parking de Lille, le 27 septembre 2022.
Photo: DENIS CHARLET/AFP via Getty Images
Sous la pression croissante des États membres et d’une industrie automobile européenne en pleine tourmente, Bruxelles se retrouve sommée de revoir cette mesure emblématique, pensée comme un levier décisif de la transition climatique.
La Commission européenne doit, en principe, réexaminer cet objectif le 10 décembre dans le cadre d’un vaste plan de soutien au secteur automobile, mais le calendrier pourrait être bousculé, le temps de tenter de concilier des exigences nationales souvent contradictoires, étroitement alignées sur les intérêts de leurs filières industrielles respectives.
Un pilier du Pacte vert fragilisé
Fixé en 2023, l’objectif de basculer l’ensemble des ventes de voitures neuves vers le tout-électrique en 2035 s’est imposé comme l’une des mesures phares du Pacte vert européen, et un jalon central sur la route de la neutralité carbone visée pour 2050. Deux ans plus tard, pourtant, les appels à “revoir” ce symbole du Green Deal se multiplient au nom du “pragmatisme”, sur fond de ralentissement économique et de tensions sociales.
“Notre secteur a reçu l’objectif le plus contraignant, car à l’époque il était perçu comme l’un des plus faciles à décarboner. Mais c’est en réalité beaucoup plus compliqué, car l’écosystème et la demande des consommateurs n’ont pas pu suivre le rythme » imposé par Bruxelles, a plaidé l’Association des constructeurs automobiles européens (ACEA). Pendant que l’Europe tâtonne, les constructeurs chinois, eux, avancent à marche forcée, s’implantant massivement sur le marché européen avec des véhicules électriques nettement plus abordables que les modèles “made in Europe”.
L’industrie européenne tire le signal d’alarme
Face à cette concurrence agressive, les constructeurs européens redoutent une crise d’ampleur inédite si les objectifs fixés par Bruxelles ne sont pas ajustés, redoutant une vague de licenciements et de fermetures d’usines. “Le sol se dérobe sous nos pieds”, a résumé début novembre Luc Chatel, président de la Plateforme automobile, qui fédère constructeurs et équipementiers français, dénonçant une impasse née “d’un choix politique et dogmatique, et non pas technologique”.
Le chancelier Friedrich Merz s’est, ces dernières semaines, fait le porte-voix d’une industrie automobile allemande particulièrement puissante, qui presse depuis des mois la Commission de revoir cette obligation de sortie du thermique. Dans un courrier à Bruxelles, le chef du gouvernement allemand réclame le maintien, au-delà de 2035, des ventes de véhicules neufs hybrides rechargeables, mais aussi de modèles dotés de prolongateurs d’autonomie ou de moteurs thermiques “à très haute efficacité”.
Une bataille de visions entre États membres
Rome défend pour sa part la possibilité de continuer à vendre, après 2035, des véhicules neufs roulant aux biocarburants, issus de la biomasse, qu’elle présente comme une voie de compromis entre climat et maintien du moteur thermique. Paris, à l’inverse, plaide pour ne pas s’écarter de la trajectoire vers le tout-électrique, au risque sinon de fragiliser les investissements massifs déjà engagés par les constructeurs européens.
“Si demain on abandonne l’objectif de 2035, oubliez les usines de batteries électriques européennes”, a averti Emmanuel Macron à l’issue d’un sommet européen en octobre, appelant dans le même temps l’Union à soutenir davantage la production de batteries, en plein essor notamment dans le nord de la France. Paris propose aussi d’imposer un verdissement des flottes professionnelles avec des véhicules européens, de manière à soutenir l’industrie locale sans offrir un boulevard aux constructeurs chinois, une orientation à laquelle Berlin se montre hostile.
“Electrifier les flottes d’entreprises à 100%, c’est faire revenir par la fenêtre l’interdiction des véhicules à moteur thermique », a ainsi dénoncé cette semaine le patron de BMW, Oliver Zipse, en visite à Bruxelles. L’ONG Transport & Environment, de son côté, met en garde contre toute exemption en faveur des biocarburants : “Ce serait une terrible erreur”, prévient Lucien Mathieu, l’un de ses responsables, pointant leur mauvais bilan carbone et leurs effets indirects, notamment en matière de déforestation.

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