Les nouvelles directives en Chine pour stimuler les naissances dénotent un « grave » problème démographique

Par Sophia Lam
24 décembre 2022 07:06 Mis à jour: 24 décembre 2022 07:06

Les services de santé chinois les plus haut placés du pays ont publié des directives sur leur site qui appellent à stimuler le nombre des naissances. L’initiative s’inscrit dans la politique du parti communiste de « promotion d’un développement stable et durable de la population ».

Le document, « Directives sur l’amélioration et la mise en œuvre de mesures de soutien à la reproduction active », initialement publié au mois d’août dernier, est le travail conjoint de 17 services administratifs différents, notamment la Commission nationale de la santé, le Département de la propagande, l’Administration fiscale nationale, le Ministère de l’éducation et le Département de la logistique générale de la Commission militaire centrale.

Le rapport fait la liste de 20 mesures susceptibles selon eux de relancer le faible taux de natalité du pays et réduire le nombre d’interruptions de grossesse. Parmi elles, l’agence gouvernementale propose d’augmenter le nombre de crèches et autres structures d’accueil pour enfants, de développer la politique du logement à destination des familles avec plusieurs enfants, et d’œuvrer à la création d’« environnements de travail adaptés à la maternité ».

Ces efforts conjoints en faveur des naissances sont « sans précédent » dans l’histoire du Parti communiste chinois (PCC), qui constate « un rapide déclin de la natalité » dans ses statistiques, selon Chang Feng-Yi, directeur exécutif de l’Association taïwanaise de recherche sur le travail et la politique sociale, dans une interview accordée à l’édition en langue chinoise d’Epoch Times.

Faible fécondité et vieillissement de la population

Les données officielles de la Chine font état d’une baisse record de la population en 2021, avec seulement 10,62 millions de naissances en 2021, contre 12 millions en 2020 et 14,65 millions en 2019, comme l’a rapporté en janvier dernier l’agence Xinhua, organe de presse du PCC.

Le taux de fécondité de la Chine de 1,16 enfant par femme en 2021 est bien en dessous de la barre des 2,1 nécessaires au renouvellement d’une population stable, selon l’OCDE, et il représente un des taux les plus bas au monde.

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Des enfants jouent dans la cour de récréation de l’école secondaire technique autrefois florissante de Rudong, dans la province de Jiangsu, le 17 avril 2015. (JOHANNES EISELE/AFP/Getty Images)

M. Chang estime pourtant que les données officielles de la Chine ont probablement été manipulées par le PCC, et qu’elles masquent l’ampleur réelle de la crise démographique. Selon lui, le régime serait appelé à faire face à un grand défi si les jeunes couples décidaient de ne pas avoir d’enfants.

« Notre système de sécurité sociale, qu’il s’agisse de notre assurance sociale ou de la fiscalité, dépend des jeunes pour se maintenir. La Chine étant un pays tellement vaste, ce problème du vieillissement de la population est particulièrement grave. »

En plus de son taux de natalité historiquement faible, la population chinoise en âge de partir en retraite augmente de façon considérable. Selon Banyuetan, un organe de propagande du parti, il faut s’attendre au cours des dix prochaines années à la « plus grande marée grise jamais vue ». Les personnes nées dans les années 1960 commencent à peine à prendre leur retraite, et ils estiment que le rythme moyen sera de 20 millions de nouveaux départs à la retraite par an. 

Selon les derniers chiffres du PCC, 267,36 millions de Chinois ont plus de 60 ans, soit près de 19 % de la population totale.

Guo Shuqing, président de la Commission de réglementation des banques et des assurances de Chine, a déclaré à Xinhua en 2020 que la Chine s’attendait à « un déficit des retraites de huit à dix mille milliards de yuans » (un peu plus de mille milliards d’euros) dans les cinq à dix années à venir.

Les Chinois ne veulent pas d’enfants

Le régime chinois a continué d’assouplir ses politiques de planification familiale l’année dernière, en encourageant les couples à avoir trois enfants, pour faire face aux changements démographiques que les nombreuses années de politique de l’enfant unique ont engendrés.  Cependant, selon l’aveu même de la Commission de la santé du PCC en mai 2021, « une grande partie des familles ne sont toujours pas décidées à donner naissance à un [autre] enfant, malgré leur désir de deuxième enfant ».

James R. Gorrie, auteur de « The China Crisis » et collaborateur à la version en langue anglaise d’Epoch Times, a écrit dans un article publié en juin dernier que « deux tiers des femmes âgées de 18 à 31 ans, en général, ont choisi de ne pas avoir d’enfants ».

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Des personnes attendent devant un hôpital pour enfants à Pékin, en Chine, le 31 mars 2020. (GREG BAKER/AFP via Getty Images)

« La jeune génération chinoise (…) refuse de légitimer [le PCC] en ayant des enfants », écrit-il dans son article.

En mai dernier, à Shanghai, un homme à qui il était reproché de ne pas vouloir être emmené dans un lieu d’isolement s’est entendu dire par la police que son refus aurait des conséquences sur sa famille pendant « trois générations ». La réponse de l’homme a été : « Nous sommes la dernière génération ». Ce sentiment d’être la « dernière génération » concerne un grand nombre de jeunes, pour qui le manque de dignité humaine sous le joug du PCC, et ses politiques draconiennes de zéro COVID de l’époque ne sont pas acceptables.

La pression économique s’ajoute aux raisons qui poussent les jeunes couples chinois à ne pas avoir d’autres enfants.

A la suite de la publication de la directive, selon Radio Free Asia, des internautes chinois ont exprimé leur incompréhension et expliqué qu’« encourager à faire des enfants est avant tout une question économique, et non une question politique, et qu’elle ne peut pas être résolue par la publication d’un document »

Plus tôt dans l’année, en juin 2021, Epoch Times rapportait le témoignage d’une mère de famille, à Hangzhou, dans la province du Zhejiang, qui précisait que les dépenses moyennes pour élever son enfant de 12 ans dépassaient les 11.000 euros par an, soit plus que le revenu personnel disponible (RPD) moyen de 10.000 euros de la ville en 2020.

Hangzhou est pourtant l’une des villes les plus riches de Chine. En 2020, son RPD urbain était en quatrième position, après Pékin, Shanghai et Suzhou, alors que le RPD moyen de la Chine ne dépasse pas les 5000 euros.

Pas de dignité ni de liberté pour le peuple chinois

Chu Han, spécialiste des affaires chinoises, estime que cette politique du PCC pour encourager le nombre de naissances ne fonctionnera pas. 

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Une jeune femme témoigne devant le Congrès à Washington, D.C., le 10 novembre 2009, sous le nom d’emprunt « Wujian », de l’épreuve qu’elle a subie lorsqu’elle a été traquée et traînée dans un centre de contrôle de la population et soumise à un avortement non désiré en Chine. (Gary Feuerberg/ Epoch Times)

Lors d’un entretien avec l’édition en chinois d’Epoch Times, le 17 août dernier, M. Chu a déclaré que, quelle que soit la politique qu’il poursuit, le régime communiste n’accorde aucune dignité ni aucune liberté au peuple chinois, et qu’il bafoue les fondements même de la civilisation humaine.

« En 1978, Deng Xiaoping, le dirigeant du PCC de l’époque, a décidé la politique de l’enfant unique sur un coup de tête, et cela a affecté le sort de toute la population dans le pays« , a-t-il dit

Des avortements forcés ont eu lieu de 1978 à 2016, et le régime s’est vanté d’avoir pu prévenir la naissance de quelques 400 millions de bébés rien qu’entre 1979 et 2011, comme le rapporte Epoch Times en 2014. 

Voyant maintenant qu’il y a une crise démographique, due à cette même politique de l’enfant unique, le PCC veut forcer les Chinois à avoir plus d’enfants, a-t-il ajouté. 

« Le PCC veut contrôler le ciel et la terre, et il veut aussi contrôler le ventre des femmes chinoises », déplore-t-il, ajoutant que « le peuple chinois ne bénéficie d’aucune dignité ni d’aucune liberté. Comment oseraient-ils avoir d’autres enfants dans de telles conditions »?

Ning Haizhong et Luo Ya ont contribué à la rédaction de cet article.

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