Liberté de la presse: La Lettre A poursuivi en justice par Jeune Afrique

Par Etienne Fauchaire
22 juin 2023 12:34 Mis à jour: 22 juin 2023 12:34

Le média Jeune Afrique a décidé d’assigner devant le tribunal de commerce de Paris le groupe de presse Indigo Publications, société éditrice de La Lettre A, pour « dénigrement » et « concurrence déloyale ». En dehors des 200.000 euros de dédommagement réclamés au titre des préjudices d’image et économiques, Jeune Afrique requiert la suppression d’articles le concernant et l’interdiction d’en publier de nouveaux par la suite.

Dans le collimateur de Jeunes Afrique : des articles publiés par la Lettre A qui contiendraient des « informations destinées à perturber voire empêcher son renforcement capitalistique, (…) inutilement alarmistes sur sa santé financière et sur la transparence de sa gouvernance ou de son capital ». En réaction à cette attaque en justice, le média d’enquête a dénoncé sur Twitter, le 14 juin, une action « menaçant directement la capacité des médias à enquêter sur d’autres médias et leurs actionnaires », soulignant que dans leur argumentaire, « les propriétaires de Jeune Afrique visent spécifiquement à éviter un débat sur la véracité des faits ».

Des actionnaires proches du pouvoir ivoirien

Selon La Lettre A, trois articles, que le site d’enquête a mis en accès libre, sont concernés. Le premier, datant de janvier 2023, évoque l’entrée de deux hommes d’affaires qui seraient proches de la présidence d’Alassane Ouattara et du patronat ivoirien, Ahmed Cissé et Serge Thiémél, au sein du conseil d’administration de Jeune Afrique Media Group (JAMG), la maison mère du groupe de presse dirigé par les frères Amir Ben Yahmed et Marwane Ben Yahmed. Le média de souligner : « Leur nomination a été actée dès le 30 juin mais, comme souvent chez Jeune Afrique, les salariés n’en n’ont toujours pas été informés ».

Le second, publié en juin 2022, relate un document d’avril 2021, présenté à de potentiels investisseurs à l’occasion d’une levée de fonds, dans lequel Jeune Afrique indique rechercher un actionnariat étatique « qui concilie la mission des marques du groupe et celles des États, au service du développement du continent ». Un « évident conflit d’intérêts pour un magazine traitant des dirigeants africains », étrille La Lettre A. En échange d’un apport monétaire de 10 millions d’euros censé permettre au groupe d’éponger les pertes financières substantielles subies pendant la crise du Covid-19 (11,5 millions d’euros en 2020), les frères Ben Yahmed offriraient 20% du capital.

Partenariat avec un média d’État chinois

Enfin, le troisième article, mis en ligne en septembre 2021, rapporte le partenariat entre Jeune Afrique, basé à Paris, et le média d’État chinois Quotidien du peuple, dont il publie les articles : « Encadrés par une large photo de la Cité interdite de Pékin barrée de la devise « Unis nous vaincrons », plusieurs articles du journal communiste promeuvent sur le site de l’hebdomadaire les relations économiques vertueuses entre la Chine et l’Afrique. » En outre, sa filiale événementielle Africa Communication Events, basée à Genève, compte parmi ses clients le China-Africa Investment Forum.

« Tout le parti pris de La Lettre A, c’est de traiter les médias comme un pouvoir au même titre que les groupes du CAC 40, l’Élysée ou Matignon », a déclaré à l’AFP Octave Bonnaud, rédacteur en chef de cette publication. Et d’ajouter : potentiellement, « tous les médias pourraient être accusés de dénigrer même s’ils ont un ton très factuel avec des informations basées sur des documents ». « C’est un peu scandaleux qu’un média puisse s’attaquer à un autre en lui demandant d’enlever ses articles », a pour sa part regretté auprès de l’AFP Quentin Botbol, directeur général d’Indigo Publications.

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