« L’industrie plastique, que les écologistes veulent détruire, fait partie de notre identité » : Joseph Tayefeh
ENTRETIEN - « Microplastiques : à la maison ou en voiture, vous êtes cernés » (Libération), « Les humains malades du plastique » (documentaire Arte), « une pollution qui empoisonne les écosystèmes, menace la biodiversité et contribue au réchauffement climatique » (Le Figaro)… À la seule évocation du plastique, les discours anxiogènes prolifèrent et saturent l’espace médiatique. Partout, l’idée d’un matériau devenu ennemi de l’humanité et de la planète s’impose. Pour Joseph Tayefeh, les écologistes, après avoir buté sur le mur de la réalité en voulant terrasser le nucléaire, se sont trouvés un nouvel adversaire. Leur objectif, déplore le secrétaire général de Plastalliance, organisation professionnelle de la plasturgie, n’est pas tant la lutte nécessaire contre la pollution plastique que l’éradication totale d’une industrie qui incarne, aux yeux des partisans de la décroissance, l’élan conquérant de la modernité occidentale du XXe siècle. Auteur de Plastique bashing, l’intox ? (Cherche Midi), l'essayiste appelle à recentrer sur le terrain des faits un débat qu'il estime dominé par l’émotion, parfois même la désinformation. Santé, environnement, recyclage, pollution, enjeux géostratégiques et économiques… dans cet entretien fleuve, il fait entendre un autre son de cloche et répond aux fréquentes polémiques médiatiques autour du plastique.
Sous l’égide de l’ONU, près de 180 pays se sont réunis à Genève, du 5 au 14 août, pour tenter de conclure un traité mondial contraignant contre la pollution plastique. Mais un point a cristallisé les tensions : la volonté de certains États de limiter la production même de ce matériau. Pour vous, un instrument juridique international de ce type est-il nécessaire ?
Qu’un accord mondial sur la pollution plastique voie le jour, oui : c’est nécessaire, car le problème est à la fois global et fortement concentré dans certaines régions du monde. Prenons l’exemple des Philippines : elles représentent, à elles seules, 36 % de la pollution plastique dans les océans, contre 0,6% pour l’Europe ou 0,02% pour la France. Plus largement, l’Asie est responsable de 80 % des déchets plastiques présents dans les océans.
Un texte de consensus, qui empêcherait les déchets de finir dans la nature à l’autre bout du monde avant de revenir jusque chez nous portés par les courants marins, aurait donc tout son sens.
Mais la vraie question est la suivante : que met-on dans ce traité ? S’agit-il d’un accord pour lutter contre la pollution plastique, ou d’un texte qui viserait, en réalité, à attaquer l’industrie du plastique elle-même ? Ce n’est pas du tout la même chose.
Car voilà qu’aujourd’hui, on nous dit que l’enjeu n’est plus tant la pollution par les déchets que la réduction de la production de plastique ! Or, ce n’est pas le problème de départ, celui sur lequel tout le monde s’accordait, à travers ces images chocs : des déchets qui flottent dans l’océan, des animaux marins qui s’étouffent avec des sacs plastiques…
Si l’on considère la production de plastique elle-même comme une pollution, en suivant cette logique, il faudrait alors affirmer que toute production industrielle est polluante. Car pourquoi cibler spécifiquement le plastique, alors que sa fabrication est l’une des moins énergivores et émettrices de CO2 comparée à celle du verre, de l’acier, du métal ou même du papier ?
Ces pourparlers étaient présentés comme « les négociations de la dernière chance », après l’échec de la session organisée à Busan (Corée du Sud) en décembre 2024, elle aussi qualifiée à l’époque de « dernière chance ». Pourtant, là encore, une nouvelle session est déjà annoncée. Peut-on s’attendre à un résultat différent ?
Je ne vois pas pourquoi la prochaine réunion aboutirait à un autre résultat, puisque l’objectif affiché n’est plus réellement de rechercher un compromis pragmatique pour lutter contre la pollution plastique, mais bien d’imposer des contraintes visant directement la production de plastique. Or, une telle approche aurait des conséquences très lourdes, en particulier pour les populations des pays émergents et en développement.
Alors même que nous entrons dans une période économique qui s’annonce particulièrement difficile, quel pays accepterait de sacrifier son PIB, son industrie, sa croissance et son développement sur l’autel d’un traité international ?
Si l’on n’est pas capable de faire preuve de compromis et de recentrer les discussions sur la véritable priorité, la lutte contre les déchets plastiques, ces réunions qui mobilisent des moyens financiers et humains considérables aux frais du contribuable, ne déboucheront sur rien, à part son lot de plastic bashing médiatique pendant les pourparlers. On remarquera qu’il a suffi de quelques jours après l’échec des négociations pour passer à autre chose.
Dans une interview accordée aux Échos le 12 août, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a pointé du doigt les États-Unis, la Russie et les pays pétroliers, qu’elle accuse de bloquer les négociations. À l’inverse, elle a salué l’attitude de la Chine, estimant qu’elle ne s’inscrivait pas dans « le jeu de l’obstruction ». La Chine cherche-t-elle à limiter la production de plastique ?
J’ai été surpris par ces propos. Il est exact que même des ONG anti-plastiques ont indiqué, singulièrement, compter sur la Chine, premier producteur mondial, pour pouvoir peser dans le sens d’un traité visant à réduire la production.
La Chine, malgré qu’elle importe beaucoup de pétrole, peut être considérée comme un géant pétrolier avec des sociétés comme Sinopec et PetroChina ou avec la découverte, courant mars 2025 en mer de Chine, d’un important gisement de pétrole avec des réserves de près de 100 millions de tonnes.
Dans les faits, je n’ai pas vu la Chine adopter pareille position, du moins, en apparence : car non seulement la Chine a demandé d’accélérer le processus de discussion, ce qui a conduit à un texte extrêmement simplifié sans contrainte et sans sanctions, mais en plus elle n’a montré aucune réelle volonté d’aboutir à un traité.
Rappelons que la Chine est un acteur dominant de l’industrie de la plasturgie, avec 32 % de la production mondiale de plastique, soit plus, en tonnes, que l’Europe et les Etats-Unis réunis, et Pékin a massivement investi dans ce secteur : il existe des fonds d’État dédiés aux industries plastiques.
Par ailleurs, si les médias ont souligné les positions des États-Unis sous l’administration Trump, il ne faut pas oublier que la dernière réunion de Busan sous l’administration Biden a aussi échoué à produire un accord.
Des ONG et nombre de médias se sont insurgés contre la présence de lobbies industriels lors de ces pourparlers, pointant en particulier la participation de représentants du secteur pétrolier. Considérez-vous cette présence comme problématique ?
Certains médias ont tendance à ne comptabiliser que les délégués issus de l’industrie plastique ou pétrolière, sans compter ceux qui militent contre elle. Or, il y avait sur place davantage de lobbyistes anti-plastiques.
Cela s’est vu à travers les vastes opérations de communication orchestrées en marge des discussions : œuvres artistiques, manifestations, mises en scène… tout un arsenal pour essayer de peser ou d’exercer une pression sur les négociateurs. Est-ce que c’est vraiment loyal ? La question se pose.
Personnellement, je pense qu’il ne devrait y avoir ni lobbyistes de l’industrie plastique, ni lobbyistes anti-plastiques. Le lieu de ces discussions n’a pas à être envahi par ces acteurs. Si l’on veut vraiment recueillir l’avis de l’industrie plastique ou des ONG écologistes, cela devrait se faire dans un cadre clair, défini et transparent, et en amont des négociations.
Moi-même je ne me suis jamais rendu à aucune des étapes. La Commission européenne nous avait sollicités avant chacune de celle-ci pour connaître notre position. Il n’était pas nécessaire d’en rajouter sur place.
Lors des séances de négociations à Nairobi au Kenya, à Ottawa au Canada ou à Busan en Corée du Sud, il était savoureux de voir le nombre d’associations françaises qui s’y sont rendues par avion. Le bilan carbone est décidément à géométrie variable.
Vous êtes critique vis-à-vis des objectifs de réduction de la production industrielle de plastique. Selon vous, quel risque la France courrait-elle en imposant de telles contraintes à son économie ?
Toutes les ONG, et sur ce point, je partage leur constat, estiment que la production mondiale de plastique sera multipliée par deux, voire par trois, dans les vingt prochaines années, peut-être même davantage. Qu’on le veuille ou non, cette dynamique globale se mettra en place.
Pour ma part, je préfère voir le verre à moitié plein : je ne connais aucune autre industrie, que ce soit celle du verre, de l’aluminium, ou encore du papier-carton, qui offre aujourd’hui de telles perspectives de croissance.
La vraie question est donc la suivante : la France veut-elle, oui ou non, prendre part à cette croissance et en tirer avantage en produisant et en commercialisant aussi des biens ? Ou préfère-t-on s’auto-saborder sans rien obtenir en retour ?
Ce que les responsables politiques en France doivent comprendre, c’est que cesser de fabriquer un produit sur notre sol n’empêchera en rien ce produit d’arriver sur notre marché. L’exemple du textile est éloquent : à cause de la désindustrialisation de la France, nous n’avons quasiment plus d’industrie textile nationale. Toutefois, cela ne nous empêche pas d’importer massivement des vêtements, notamment de Chine, à des prix très bas.
Pour ma part, je considère qu’il faut préserver notre souveraineté et notre autonomie stratégique dans le domaine des plastiques, car ce matériau concerne tous les secteurs de l’économie. Aujourd’hui, nous disposons encore d’entreprises capables de répondre aux besoins nationaux. Mais si nous continuons à envoyer des signaux négatifs, même simplement par des déclarations, cela finira seulement par provoquer du découragement, des délocalisations et des pertes d’emploi.
A contrario, les écologistes, à l’instar d’Henri Bourgeois-Costa, affirment que « l’on peut se passer du plastique » et plaident pour des alternatives à ce matériau. Sur France inter le 4 août, le directeur des affaires publiques de la Fondation Tara Océan faisait valoir que le plastique « est une anecdote dans l’histoire de l’humanité » : « Le plastique, c’est quelque chose qui apparaît dans les années 1950 et qui ne se développe massivement dans nos sociétés qu’à partir des années 1970-1980 ». Peut-on se passer du plastique ?
Présenter le plastique comme une simple « anecdote » de l’Histoire, alors qu’il a participé à l’essor de la modernité occidentale, est absurde. Certes, son industrialisation massive est relativement récente, à partir des années 1950. Mais aujourd’hui, si nous cessions brutalement d’utiliser les polymères plastiques, ce serait l’ensemble de notre système moderne qui s’effondrerait.
C’est ce que reconnaissaient les signataires d’une tribune, pourtant hostile au plastique, parue dans Le Monde le 28 octobre 2022, au titre éloquent : « Aujourd’hui, sans plastique, l’être humain ne sait ni se nourrir, ni se loger, ni se déplacer, ni se soigner ». Ils proposent toutefois d’arrêter cette production sans proposer des alternatives viables aux mêmes propriétés et sans augmenter le coût pour le fabricant et le consommateur final.
Renoncer au plastique, ce serait revenir à une médecine digne du début du XXᵉ siècle. Blouses, gants, masques, lunettes, radiographies, prothèses, oxygénateurs sanguins, appareils d’endoscopie… tous ces équipements reposent sur le plastique.
Dans l’énergie, impossible de produire de l’électricité nucléaire, des éoliennes ou des panneaux solaires sans composants plastiques spécifiques. Dans l’humanitaire, ce matériau est tout aussi indispensable : emballages alimentaires imperméables, parachutes en nylon, bâches d’abri, bidons d’huile…
Même les alternatives supposées « vertueuses » y recourent : les emballages papier ou carton contiennent presque toujours une fine couche plastique au contact des aliments surtout si ces derniers sont gras ou humides. Les canettes et boîtes de conserve en sont également garnies. Quant à l’agriculture, elle serait gravement fragilisée sans plastiques adaptés.
Et que dire des transports ? Un Airbus A350 est composé à 50 % de matériaux composites plastiques. Une voiture, elle, contient environ 50 % de plastique, pour seulement 10 % de son poids total, condition essentielle à sa légèreté et à sa consommation réduite. Faudrait-il vraiment recourir à des véhicules massifs en métal ou en bois ? Et pour reprendre le titre d’un article du journal belge Le Soir du 23 octobre 1999, « que serait la conquête spatiale sans le plastique ? » Rien.
C’est aussi le matériau du quotidien : consoles de jeux, planches de surf, téléphones, ordinateurs, claviers… Sans plastique, il n’y aurait tout simplement plus d’électronique et les ONG seraient bien en peine pour propager leurs messages anti-industries sur les réseaux sociaux. Ce matériau est partout.
Alors oui, l’humanité a vécu des millénaires sans plastique moderne. Mais prétendre « revenir en arrière » impliquerait de renoncer à la modernité, au confort de vie, à la santé et à la croissance.
On observe d’ailleurs que ce sont précisément les pays en développement, longtemps privés d’industrie et d’accès aux produits plastiques, qui connaissent aujourd’hui l’explosion de leur consommation. Le plastique accompagne leur entrée dans la modernité, comme il a accompagné celle de l’Occident. Refuser la croissance que les pays occidentaux ont eu est, selon moi, une forme de néo-colonialisme.
Et rappelons-le : il s’agit d’une invention occidentale : française, américaine, belge, suisse, allemande, italienne, britannique. C’est lui qui a ouvert la voie à la société moderne, en Europe comme aux États-Unis. Il a même contribué à la victoire alliée lors de la Seconde Guerre mondiale : radars, parachutes, gilets pare-balles… reposaient déjà sur ce matériau.
Dire aujourd’hui que le plastique n’est qu’une « anecdote », alors qu’il est devenu l’un des piliers de notre civilisation, relève donc d’un certain cynisme. Surtout quand on sait que les moyens de communication utilisés par M. Costa pour diffuser ses critiques ainsi que le voilier Tara de la fondation Tara Océan sont, eux aussi, en tout ou partie en plastique pétrosourcé.
J’en profite pour souligner qu’il appelle les Français à limiter leur consommation de plastique tout en travaillant pour la Fondation Tara Océan qui été créée par Agnès Bourgeois, fondatrice de la célèbre marque de prêt-à-porter Agnès B dont la production… inclut des vêtements 100 % polyester fabriqués en Corée du Sud. Charité bien ordonnée devrait commencer par soi-même…
La production de plastique génère également moins de gaz à effet de serre que celle de nombreux autres matériaux. Faut-il voir, dans la position des écologistes, qui, à l’instar d’Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, considèrent le réchauffement climatique comme « la menace la plus grave pour notre planète », une forme de contradiction ?
Je pars du principe qu’un écologiste opposé au plastique est, en réalité, climato-sceptique. Car si l’on affirme que le réchauffement climatique est dû aux émissions de gaz à effet de serre, on ne peut pas, dans le même temps, proposer de remplacer le plastique par des matériaux qui en émettent encore davantage.
De nombreuses études l’ont montré sans ambiguïté : substituer le plastique par d’autres matériaux entraîne une hausse nette des émissions. Mario Draghi, dans son rapport sur la compétitivité européenne remis à la présidente de la Commission européenne en septembre 2024, l’écrit noir sur blanc : l’industrie du plastique est celle qui émet le moins de gaz à effet de serre, bien moins que la céramique, le verre, le métal, l’aluminium, le papier-carton ou le bois.
Dans les transports, le plastique joue également un rôle clé : sa légèreté permet de réduire la consommation de carburant et donc des émissions. En outre, contrairement au métal, il ne rouille pas, ce qui lui assure une plus grande durabilité.
Dès lors, si les gaz à effet de serre sont vraiment la priorité des priorités des écologistes, leur discours devient incohérent. D’autant que la question ne se limite pas aux émissions : elle concerne aussi la consommation d’eau. Or, les alternatives au plastique sont bien plus gourmandes. Un exemple simple : produire un kilo de papier nécessite environ 500 litres d’eau, contre seulement un à deux litres pour un kilo de plastique. Le sable nécessaire pour fabriquer du verre ou les ressources forestières nécessaires au papier-carton sont aussi des enjeux environnementaux.
Ces critères, émissions de carbone, consommation d’eau, sable, forêts, pourtant au cœur du discours des écologistes, se retrouvent systématiquement occultés au profit d’un discours centré uniquement sur la « pollution » dès lors qu’on parle du plastique, alors qu’il est, à ce titre, très écologique.
Si le problème, c’est la pollution, alors la solution n’est pas d’interdire le plastique partout et pour tous, mais bien de traiter les déchets.
Comment expliquer que ce soit le plastique qui se retrouve avant tout dans le collimateur des écologistes ? Selon Eurostat, les principaux déchets d’emballages générés en Europe sont constitués de papier et de carton (environ 40 %).
Le plastique a cet avantage d’être léger. Jeté à l’eau, il flotte. Un sac plastique, par exemple, restera longtemps en surface, alors qu’un emballage en verre ou en métal coulera immédiatement.
Résultat : le plastique est une pollution visible. Et bien souvent, on accuse ce que l’on voit, oubliant que des déchets fabriqués avec des matériaux autre que le plastique peuvent blesser des animaux marins, ou que des piles, des batteries et des boîtes de conserve libèrent, en se dégradant, des métaux lourds qui se dispersent dans l’eau. Une tortue pourrait se faire très mal avec un coton tige ou un cure-dent en bois, mais c’est moins vendeur…
Parmi les alternatives au plastique dans l’alimentaire, les écologistes préconisent par exemple l’usage d’ustensiles en carton. Or, l’UFC-Que Choisir rappelait dès 2021 que ces substituts ne sont pas exempts de risques pour la santé. Vous-même expliquez que remplacer le plastique par d’autres matériaux revient à faire « un grand saut dans l’inconnu ». Pourquoi ?
En matière de contact alimentaire, les normes européennes qui encadrent le plastique sont beaucoup plus strictes et précises que celles qui concernent le carton.
Certains producteurs tentent de faire croire que le carton peut offrir les mêmes performances que le plastique. Mais concrètement, une boîte à pizza ne redeviendra jamais une boîte à pizza de qualité. Les problèmes sont multiples : traçabilité incertaine, présence d’encres minérales, et autres substances indésirables.
Et lorsqu’on examine la composition de près des produits papiers au contact de produits humides ou gras, on découvre qu’on y a en réalité ajouté… du plastique. C’est le cas, par exemple, des gobelets « en carton », recouverts d’une fine pellicule plastique. On est donc passé d’un matériau unique, totalement recyclable, à un produit hybride, composé de deux matériaux… qui, au final, n’est plus vraiment 100% recyclable.
Dans certains cas, encore plus problématiques, on trouve même des produits contenant des substances assez exotiques. La réalité, c’est que seul le plastique, par nature, est hydrophobe et peut résister à l’humidité sans qu’il soit nécessaire d’ajouter un autre matériau.
Le carton, lui, doit toujours être renforcé. Les briques de jus ou de lait en sont l’exemple parfait : elles contiennent systématiquement une couche interne destinée à retenir le liquide. Résultat : les consommateurs croient utiliser une alternative au plastique… mais en réalité, il y a toujours du plastique dedans, parfois accompagné de substances bien plus problématiques.
Dans un documentaire diffusé sur France 5 en 2021, le journaliste Hugo Clément interrogeait Nathalie Gontard, directrice de recherche à l’Inrae Montpellier, lui demandant « la quantité de plastique qu’ingère un Français moyen ». Sa réponse : « Un Français moyen ingère, a minima, l’équivalent d’une carte bancaire par semaine ». Selon la chercheuse, il existe, en outre, un risque que les particules plastiques s’accumulent dans les organes et entraînent des réactions inflammatoires, « puisque notre corps ne sait pas les éliminer et que le plastique persiste très longtemps ». Vous estimez qu’il s’agit d’une fausse information relevant d’une « manipulation de masse ». Pour quelles raisons ?
Cette fable a été démontée, et elle illustre bien pourquoi il faut aujourd’hui être extrêmement vigilant et vérifier ce que déclarent les scientifiques invités dans les médias.
L’histoire selon laquelle chacun de nous ingérerait l’équivalent d’une carte bancaire en plastique par semaine provient d’une étude de juin 2019, financée par le WWF, une ONG internationale, et confiée à l’université de Newcastle, en Australie.
Si les résultats ont été annoncés en grande pompe en 2019, l’étude n’a en réalité été publiée qu’en 2021… et avec une nuance de taille. On est passé d’une certitude – avaler 5 grammes de microplastiques par semaine – à une simple estimation comprise entre 0,1 et 5 grammes.
Depuis, des recherches indépendantes et neutres ont démontré que cette affirmation était totalement fausse. Pour ingérer 5 grammes de microplastiques, un être humain aurait besoin… non pas d’une semaine, mais de 23 000 ans. Cette affaire est devenue l’une des plus grandes fake news médiatiques sur le sujet. Une étude de 2021 avait aussi indiqué que les microplastiques représentaient 0,001% en masse des microparticules ingérés par l’être humain.
Par ailleurs, les médias passent complètement sous silence les autres micro et nano particules qui nous entourent comme les silicates, la poussière de bois, pour ne citer que ceux-là. C’est l’arbre microplastique qui cache la forêt des autres micro et nanoparticules qui nous entourent.
Henri Bourgeois Costa s’est défendu d’avoir relayé cette intox, mais son organisation l’a bel et bien aussi diffusée, notamment dans une publication destinée aux enfants, tout comme ONG et médias l’ont reprise sans nuance, notamment avant l’adoption, en février 2020, de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC).
Son article 7 fixe pour objectif la fin de la mise sur le marché des emballages plastiques à usage unique d’ici 2040. Un joli coup de communication de la France destiné à pousser psychologiquement industriels et consommateurs à tourner le dos au plastique, mais cette loi est, elle aussi, une fake news juridique, puisque cette disposition est contraire au droit européen et ne pourra donc pas être appliquée.
Cette affaire rappelle un principe très important : les études financées, qu’elles viennent de l’industrie ou d’ONG, doivent être lues avec un maximum de recul, voire écartées. Car si l’on peut soupçonner une étude financée par l’industrie d’être orientée, la même prudence doit s’appliquer aux recherches financées par des fondations ou des ONG, qui ont elles aussi leurs propres intérêts.
Puisqu’il s’agit ici de quantités infinitésimales de microplastiques, la question doit être posée : pourquoi relayer encore aujourd’hui ce genre de fausse information ? Pourquoi a-t-on besoin de mentir pour convaincre que le plastique serait massivement ingéré et dangereux ?
Sur France Inter le 4 août, Xavier Coumoul, professeur de toxicologie à l’université Paris Cité, a évoqué une étude parue en mars 2024 dans le New England Journal of Medecine, qui établit, explique-t-il, que « les concentrations de micro-plastique dans les plaques d’athérome étaient corrélées à la survenue d’un certain nombre d’incidents cardiaques », précisant toutefois qu’il s’agit d’une association et non d’un lien direct. L’exposition aux micro-plastiques est-elle réellement sans danger pour l’être humain ?
S’agissant de l’étude dans le New England Journal of Medicine, il faut lire son contenu. Les auteurs eux-mêmes prennent des précautions dès l’introduction, rappelant : « Il manque des preuves concernant le risque d’AVC chez les humains à la suite de l’ingestion de microplastiques ». Puis ils précisent que leurs résultats « concernent uniquement une population de patients asymptomatiques subissant une endartériectomie carotidienne, qui pourrait ne pas être représentative de la population générale. Par conséquent, nos résultats ne sont peut-être pas généralisables ».
Outre l’absence de lien direct et l’impossibilité de pouvoir affirmer que ces résultats sont généralisables, ils ajoutent également : « [L’étude] n’a pas exploré les variables liées à l’alimentation et à l’eau potable, qui pourraient être associées à l’accumulation de micro et nanoplastiques chez l’homme. Ainsi, il est possible que le rôle supposé des MNPs dans la survenue des maladies cardiovasculaires soit limité en comparaison avec les facteurs de risque classiques, étant donné que, sur plusieurs décennies au cours desquelles l’exposition aux plastiques a vraisemblablement augmenté, le taux de maladies cardiovasculaires a diminué. »
Autrement dit, dans leur propre étude, les chercheurs reconnaissent que depuis que la production de plastique s’est massivement développée, les maladies cardiovasculaires ont diminué à l’échelle mondiale. Difficile, dans ces conditions, de parler d’impact avéré.
Par ailleurs, en 2025, Nature a publié une étude rappelant qu’aucune preuve scientifique n’atteste aujourd’hui d’un danger pour l’homme lié à l’exposition au plastique. L’article souligne par ailleurs que la majorité des travaux existants présentent d’importants biais et de sérieuses limites méthodologiques, certaines conclusions étant même jugées biologiquement improbables. Un exemple typique : la prétendue détection de microplastiques dans le cerveau. Si de telles particules parvenaient réellement à franchir la barrière cérébrale, alors tout le reste passerait également, ce qui n’a aucun sens d’un point de vue physiologique.
En résumé, personne ne peut affirmer qu’à des niveaux d’exposition réels, dans la vie quotidienne, il existe un risque avéré pour la santé.
Bien sûr, dans un laboratoire, si l’on expose des souris ou des poissons à des doses massives et totalement irréalistes, on observe des effets délétères. Mais c’est vrai pour n’importe quelle substance. Si l’on suivait cette logique, il faudrait interdire… le riz, qui contient naturellement de l’arsenic, un poison officiellement reconnu, alors que les microplastiques ne sont, eux, classés ni comme cancérigènes, ni comme substances toxiques pour l’homme. Pourtant, personne n’interdit le riz.
Dans les conditions réelles d’exposition, ingestion ou inhalation de très faibles quantités, le risque lié aux microplastiques apparaît donc extrêmement limité.
En revanche, certains risques peuvent exister, non pas à cause des microplastiques eux-mêmes, mais en lien avec certaines substances chimiques présentes dans quelques polymères. Mais là encore, il faut établir une distinction. Les plastiques incriminés comme potentiellement cancérigènes ne sont pas produits en Europe. Chez nous, des substances comme le bisphénol A ont été interdites depuis longtemps, alors qu’elles restent autorisées ailleurs, comme en Chine. L’Europe dispose de la réglementation la plus stricte au monde en matière de produits chimiques.
S’il y a un endroit où l’utilisation du plastique est encadrée et sécurisée, c’est bien ici, en Europe. Le consommateur devrait porter une attention particulière sur le lieu de fabrication d’un produit ou d’un emballage plastique. Le réflexe est souvent là pour le contenu mais beaucoup moins pour le contenant.
À Genève, Agnès Pannier-Runacher a affirmé que le recyclage ne pouvait constituer une « réponse dimensionnée » à la pollution plastique. Dans le documentaire Plastics Wars (NPR / Frontline, 2020), on y découvre, à travers des documents internes de l’industrie plastique datant des années 1970 et 1980, que les entreprises du secteur jugeaient déjà le recyclage économiquement non viable : coûts trop élevés, difficulté à trier les différents types de plastiques, et dégradation de la qualité des matériaux recyclés. Pourtant, face à la montée des critiques écologistes de l’époque, l’industrie a choisi de promouvoir l’image du recyclage, alors que, dans les faits, les pays occidentaux, plutôt que de recycler massivement, ont surtout exporté, et continuent d’exporter, une grande partie de leurs déchets à l’étranger. Dès lors, le recyclage fonctionne-t-il vraiment ?
Il y a bien eu une part d’hypocrisie de la part des pays occidentaux, et même des mensonges de l’industrie plastique, notamment américaine, qui affirmait publiquement que « le recyclage marche », tout en jugeant en coulisses que ce processus était trop coûteux.
Pendant des décennies, l’Europe comme les États-Unis ont en réalité massivement exporté leurs déchets, notamment vers la Chine. Et lorsque Pékin a décidé, en 2018, de fermer ses portes aux déchets occidentaux, au même moment, une vague médiatique de plastique bashing a déferlé, avec des appels à mettre fin à la production de plastique.
Pour autant, affirmer que « le recyclage ne marche pas » demeure intellectuellement faux. En réalité, ce n’est pas que le recyclage ne fonctionne pas, c’est qu’il n’a jamais été véritablement mis en place à l’échelle mondiale.
On cite souvent le chiffre de l’OCDE selon lequel, en 2019, seuls 9 % des plastiques dans le monde étaient recyclés, pour conclure que le recyclage serait un échec. Mais les chiffres européens montrent une tout autre réalité, rarement citée. Le taux de recyclage des emballages plastiques y atteint 41 %. Si en France, le recyclage des emballages plastiques se situe à seulement 26%, plus de 90 % des plastiques agricoles sont collectés et recyclés et, ailleurs en Europe, le taux global pour les emballages plastiques est bien meilleur, dépassant déjà les 60 % en Slovaquie.
Ces exemples prouvent qu’il existe une véritable marge de progression. Pour affirmer que le recyclage ne fonctionne pas, il faudrait constater des taux élevés de collecte et de traitement… sans que cela réduise la pollution. Ce n’est pas le cas.
Et la dynamique va s’amplifier en Europe. Dès 2030, tous les emballages plastiques mis sur le marché devront contenir, sauf quelques exceptions, un pourcentage minimum de matière recyclée. Cette obligation concernera également les entreprises hors UE souhaitant exporter vers le marché européen. Autrement dit, il ne suffira plus de proclamer que le recyclage fonctionne : les entreprises auront l’obligation d’incorporer des matières recyclées dans les produits. Faute de quoi, les emballages plastiques ne pourront tout simplement pas être commercialisés en Europe. De plus, l’UE impose que cette matière recyclée provienne de systèmes de gestion des déchets respectant des normes équivalentes aux siennes.
Selon Nathalie Gontard, « il est impossible de miser sur le recyclage car le plastique n’est pas recyclable et n’est pas recyclé à proprement parler ». Au Parisien, elle expliquait : « Le vrai recyclage – c’est-à-dire produire un objet similaire à celui d’origine – concerne moins de 2% du plastique, les bouteilles en plastique en PET. Si la France affiche un taux autour de 32 % de recyclage, on devrait en fait parler de dé-cyclage, car d’une part il faut toujours réinjecter du plastique vierge, et d’autre part le nouveau produit est toujours de moindre qualité. »
Dans tous les processus de recyclage, quel que soit le matériau, il faut réinjecter à un moment ou un autre de la matière vierge. Prenons l’exemple du verre : lorsqu’on le fait fondre, on récupère du calcin, mais il faut ajouter du sable pour produire de nouvelles pièces pour certaines applications. Et une bouteille en verre recyclée ne redevient pas toujours une bouteille : selon la couleur et la qualité, elle peut finir en verre industriel plutôt qu’en verre alimentaire.
Le carton alimentaire, lui, ne redevient jamais du carton alimentaire. Il est transformé en papier toilette, en sopalin ou en produits de moindre qualité. C’est pourtant ce que Mme Gontard appelle le « décyclage ». Mais, pour ces cas de figure, elle n’en parle jamais. Même chose pour les canettes en aluminium ou en acier, qui peuvent techniquement redevenir de nouvelles canettes mais qui servent aussi à fabriquer des pièces automobiles ou pour le bâtiment. Tentez l’expérience dans un supermarché et regardez combien de canettes portent, en sus de la mention répandue « 100% recyclable », la mention « 100 % matières recyclées ».
Le plastique, lui, a une particularité : il peut redevenir exactement le même produit, notamment le PET, avec lequel on peut fabriquer une bouteille d’eau à partir d’autres bouteilles, ou des barquettes à partir d’anciennes barquettes.
Bien sûr, comme pour tous les matériaux, certains plastiques recyclés servent à produire autre chose. Mais ce n’est pas propre au plastique. Dire que, dès qu’on sort du recyclage « fermé », on tombe forcément dans le « décyclage » est faux. Le terme exact est recyclage en boucle ouverte. Ce procédé est non seulement reconnu, mais aussi encadré par la réglementation européenne. Dans l’automobile, par exemple, une part des plastiques recyclés devra obligatoirement être incorporée dans les véhicules. Certains viendront d’anciens plastiques automobiles, d’autres de bouteilles d’eau transformées en tissus de sièges.
Que le recyclage soit en boucle ouverte ou en boucle fermée et quel que soit le matériau, l’essentiel est que le produit ne finisse ni enfoui, ni incinéré, et encore moins dans la nature. Or, sur ce point, les ONG, Mme Gontard et ceux qui attaquent le plastique restent étrangement silencieux.
Et pourtant, la France n’a pas de leçons à donner : près de 30 % de nos emballages plastiques finissent encore enfouis, alors que l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas ou encore l’Autriche ont déjà mis fin à cette pratique. En outre, chaque année, la France s’acquitte d’une amende de 1,6 milliards d’euros à l’UE, record européen, précisément parce que nous recyclons très mal nos emballages.
À gauche, à la place du recyclage, on prône la réduction de la production de plastique. Aux États-Unis, à droite, au lieu du recyclage, on prône le recours aux incinérateurs modernes de dernière génération, capables de détruire les déchets en produisant de l’énergie, tout en limitant les polluants. Plusieurs pays asiatiques comme le Japon, le Vietnam et la Chine y recourent de plus en plus. Dès lors, pourquoi, selon vous, ne faudrait-il pas privilégier cette solution plutôt que le recyclage ?
Avant tout, le recyclage représente un atout stratégique pour la France et pour l’Europe. Contrairement aux États-Unis, quasiment autosuffisants en pétrole et en gaz, nous ne sommes pas des pays pétroliers. Recycler du plastique, un matériau issu de ressources fossiles, est donc moins stratégique pour eux que pour nous.
Pour l’Europe, au contraire, les déchets deviennent une ressource locale : remplacer du plastique vierge par du plastique recyclé, c’est réduire notre dépendance aux importations de pétrole et améliorer notre balance commerciale.
Par ailleurs, le problème, c’est qu’aujourd’hui de nombreux produits parfaitement recyclables, comme les bouteilles plastiques, finissent quand même à l’incinération. Pourquoi ? Parce que recycler coûte plus cher et mobilise davantage de main-d’œuvre qu’alimenter un incinérateur. Certains gestionnaires de déchets, qui pratiquent à la fois le recyclage et l’incinération, trouvent ainsi un intérêt économique évident à privilégier l’incinération plutôt que vers le recyclage. Lors de la « grève des incinérateurs » autour de Paris lors du conflit concernant les retraites en France en 2023, les poubelles n’étaient plus ramassées.
Je ne dis pas qu’il faut supprimer l’incinération. S’agissant des déchets trop souillés ou trop complexes à recycler, il est évidemment préférable de les incinérer pour produire de l’énergie plutôt que de les enfouir ou, pire encore, de les abandonner dans la nature.
Cependant, même dans ces cas-là, de nouvelles technologies, issues notamment des États-Unis, comme le recyclage chimique, permettront de traiter de plus en plus des plastiques jusque-là impossibles à recycler. L’exemple le plus parlant est le projet de l’usine Eastman, près du Havre : un investissement d’un milliard d’euros, qui pourrait grimper à deux.
Et pourtant, des ONG écologistes ont attaqué l’arrêté préfectoral pour bloquer sa mise en œuvre, puisqu’elles ne veulent pas du développement du recyclage. Car si l’on démontre que le recyclage fonctionne, c’est l’ensemble de leur discours qui s’effondre. Les ONG et les personnalités anti-plastiques invitées dans les médias sont d’ailleurs bien plus offensifs contre le recyclage que contre l’enfouissement ou l’incinération.
Pour vous, face à l’écologisme, nucléaire et plastique, c’est le même combat. Pourquoi ce parallèle ?
Pendant des décennies, le nucléaire bashing a été une réalité politique et médiatique très forte, même s’il persiste encore aujourd’hui, bien qu’avec moins d’intensité. On en connaît les effets, avec, par exemple, la fermeture de Fessenheim : une décision lourde de conséquences pour une industrie pourtant faiblement émettrice de CO₂ et une technologie largement maîtrisée. Un autre exemple où les émissions de gaz à effet de serre deviennent soudainement moins importants. Là encore, ce sont des discours chocs, souvent mensongers, amplifiés par des images catastrophistes dans la presse, qui ont façonné l’opinion.
Par ailleurs, j’ai pu constater que certaines fondations, et notamment la fondation allemande Heinrich Böll, – qui est en réalité un satellite du Parti vert allemand, financée massivement par des fonds fédéraux et non par des cotisations -, ont mené des actions d’ingérence aussi bien contre le nucléaire que le plastique français.
Je l’ai retrouvée impliquée dans des actions anti-plastique, notamment via l’organisation d’une séquence à l’Assemblée nationale aux côtés de parlementaires français connus pour leur obsession anti-plastique comme Philippe Bolo, Charles Fournier et Angèle Préville. Dans le cas du nucléaire comme du plastique, cette ingérence a été démontrée par l’École de guerre économique.
Pourquoi cette fondation agit-elle ainsi ? Sur le nucléaire, c’est logique : l’Allemagne n’étant pas pro-nucléaire, torpiller le nucléaire français servait sa propre politique énergétique. Mais sur le plastique, c’est plus surprenant. Car l’Allemagne est le premier producteur européen : elle fabrique presque deux fois plus de plastique que la France. Et pourtant, la fondation Heinrich Böll tient un discours beaucoup plus virulent contre le plastique en France… qu’en Allemagne.
À mes yeux, il s’agit là d’une manière de fragiliser un concurrent direct, puisqu’il existe des échanges commerciaux entre nos deux pays dans ce secteur, où la balance est déficitaire pour la France.
Le plastique est donc un enjeu de guerre économique à l’échelle mondiale, et on voit bien aujourd’hui que des manipulations existent, qu’elles visent les politiques ou l’opinion publique, pour favoriser tel produit au détriment d’un autre.
Face à ces ingérences écologistes étrangères, quelles solutions préconiseriez-vous ?
Ce que je souhaiterais, peut-être à travers une loi, c’est que les ONG, mais aussi les scientifiques invités dans les médias, déclarent leurs éventuels conflits d’intérêts avant de s’exprimer.
C’est une information essentielle, car les surprises ne manquent pas. C’est un peu comme un médecin qui vante les mérites d’un médicament tout en étant financé par le laboratoire qui le fabrique…
Quand j’interviens dans les médias, tout le monde sait qui je représente, à savoir l’industrie plastique européenne et les entreprises ou agriculteurs ayant besoin de plastique dans leurs activités. C’est beaucoup moins clair dans le camp d’en face.
Par exemple, les travaux sur certains bioplastiques de Mme Nathalie Gontard, surmédiatisée, sont cofinancés en lien étroit avec la Chine. Il est donc pour le moins surprenant de voir Mme Gontard attaquer publiquement le recyclage, alors qu’elle-même travaille sur un type de plastique, le PHA, dans lequel la Chine est aujourd’hui particulièrement en pointe.
Idem pour les ONG et des personnalités qui se présentent comme des « lanceurs d’alerte » : Critiquer par exemple les textiles synthétiques tout en ayant des liens étroits avec un fabricant de laine peut poser question. Cette transparence est donc indispensable pour éviter de faire croire à une fausse neutralité.
La Chine aurait donc, selon vous, tout intérêt à promouvoir le bioplastique qu’il soit biodégradable ou compostable, plutôt qu’à encourager le recyclage du plastique ?
Lorsqu’on envisage de changer de technologie, il faut toujours veiller à ne pas basculer vers une filière que nous ne maîtrisons pas ou pour laquelle nous ne disposons pas des ressources nécessaires. L’exemple des voitures électriques est parlant : l’Europe dépend largement des terres rares chinoises.
Aujourd’hui, la Chine investit massivement dans les plastiques biodégradables et biosourcés qui sont des plastiques et qui peuvent avoir un intérêt dans certaines situations très spécifiques. Leur coût élevé est un des grands freins. En 2022, sur le marché mondial, ce pays représentait déjà plus de 33% % de la production des bioplastiques. La région Asie-Pacifique représente quant à elle 56% de la production. L’Europe, qui est le premier marché des bioplastiques, représente environ 25 % de sa production.
Pour que ces plastiques alternatifs puissent se développer en appoint du recyclage, il serait impératif que d’une part, ils soient correctement collectés avec une véritable filière de collecte des biodéchets, ce qui est loin d’être le cas en France, et que leur production se fasse en Europe, en France ou chez nos voisins européens, afin de préserver notre autonomie stratégique. Car si elles sont fabriquées ailleurs, nous courons le risque de devenir dépendants d’autres puissances et de perdre, une fois encore, en souveraineté. Car celui qui domine l’industrie des plastiques domine le monde, et les Chinois l’ont très bien compris.
Plastique bashing : l’intox ?, Joseph Tayefeh (Cherche Midi), 19,50€
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
Etienne Fauchaire est un journaliste d'Epoch Times basé à Paris, spécialisé dans la politique française et les relations franco-américaines.