Loi Duplomb : « La réintroduction de certains produits phytosanitaires est le meilleur moyen de rétablir une concurrence loyale », estime Yohann Barbe

Par Julian Herrero
2 juin 2025 15:19 Mis à jour: 3 juin 2025 13:28

ENTRETIEN – La proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ou « loi Duplomb » cristallise les débats à l’Assemblée nationale. En cause ? La réintroduction de certains pesticides, notamment l’acétamipride interdit depuis 2018 et l’assouplissement des règles pour l’installation des mégabassines. Cependant, dans un tour de passe-passe parlementaire inédit, les partisans de ce texte ont voté le 26 mai son rejet pour contourner les amendements déposés majoritairement par la gauche et le faire directement passer en commission mixte paritaire (CMP).

Yohann Barbe est le président de l’union des producteurs de lait des Vosges (UPLV), président de la fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) et porte-parole de la FNSEA. Il rappelle que si les agriculteurs doivent avoir recours aux produits phytosanitaires, ce n’est pas par plaisir, mais par nécessité.

Epoch Times – Dans un communiqué publié la semaine dernière, la FNSEA a jugé que « le texte doit désormais être adopté au plus vite et en tout état de cause en amont de la fin des travaux parlementaires de l’été ». En quoi cette proposition de loi est-elle aujourd’hui essentielle pour le monde agricole ?

Yohann Barbe – Ce texte de loi constitue une avancée pour le monde agricole puisqu’il va nous aider à mieux exercer notre métier à plusieurs niveaux et pas seulement en termes de produits phytosanitaires.

Il va nous permettre de mieux stocker l’eau et de bénéficier de règles assouplies en matière de construction de bâtiments d’élevage et de seuils ICPE (Installation classée pour la protection de l’environnement).

Puis, en réponse à nos demandes depuis le début de la mobilisation en novembre 2023, cette loi s’attaque enfin aux surtranspositions des normes européennes qui nous rendent la vie impossible.

Aujourd’hui, il n’y a donc pas d’alternatives à ces produits phytosanitaires ?

Il n’y a, pour l’heure, pas d’alternatives. Je rappelle également que seuls ces produits sont en mesure de protéger nos exploitations contre les catastrophes climatiques qui sont de plus nombreuses.

La réintroduction de certains produits phytosanitaires est aussi le meilleur moyen de rétablir une concurrence loyale avec nos collègues européens qui continuent de les utiliser.

Cependant, nous n’utilisons pas ces produits par plaisir, et sommes tout à fait disposés à participer à un débat européen sur la question.

Autre disposition clivante, la loi Duplomb entend simplifier l’installation des mégabassines. Aujourd’hui, ces infrastructures sont-elles vitales pour la souveraineté alimentaire ?

Le terme mégabassines est très souvent utilisé, mais il n’y a pas qu’un seul sujet autour de l’eau ! Il y a aussi les retenues collinaires, par exemple.

Le problème étant qu’aujourd’hui, nous ne pouvons pas réellement retenir l’eau. Pendant un an et demi, l’ensemble du territoire national a connu de fortes précipitations et nous avons été incapable de la stocker !

Les chiffres sont parlants : la France a 2 % de capacité de stockage de l’eau de pluie contre 25 % pour l’Espagne.

Nous restons persuadés que si nous voulons produire tout au long de l’année des produits de qualité, nous devons être en mesure de stocker l’eau et la réutiliser.

Ensuite, nous sommes prêts à nous engager pour que l’eau soit utilisée à bon escient.

Le texte prévoit également une réorganisation des missions de l’Office français de la biodiversité (OFB). Que reprochez-vous à cet organisme ?

Nous reprochons à certains agents de cet organisme d’aller au-delà de leurs prérogatives et surtout de l’interprétation de la loi quand ils viennent sur nos exploitations. En somme, de faire du militantisme.

Nous estimons également qu’ils n’ont pas à être armés. Les agriculteurs ne sont pas des gens violents et souhaitent être considérés comme tous les autres citoyens.

Il y a certainement des agriculteurs qui, parfois, passent à côté de la loi à cause de la complexité des réglementations, mais ce n’est pas une raison pour faire du zèle.

Si nous ramenons un peu de bon sens dans nos relations avec l’État, je suis certain qu’il n’y aura plus de problèmes avec les agents de l’OFB.

Du côté des opposants à cette proposition de loi, on dénonce un texte « écocidaire » qui prépare le retour de « pesticides dangereux » pour l’environnement et la santé. Comment analysez-vous ces arguments ?

Ces opposants sont dans le militantisme pur et simple et ne cherchent pas à comprendre les problématiques de l’agriculture. On les voit d’ailleurs rarement manifester contre les traités de libre-échange.

Je me demande aussi pourquoi ils ne font pas pression auprès du gouvernement pour que des alternatives crédibles aux produits phytosanitaires soient trouvées.

Ces militants imaginent que l’interdiction des pesticides réglera tous les problèmes, mais si c’était aussi simple qu’ils le prétendent, nous aurions cessé de les utiliser depuis longtemps.

Soyons donc lucides et acceptons tous ensemble que la transition agroécologique soit longue et que tout ne se fera pas du jour au lendemain.

Diriez-vous que dans l’ensemble, le texte répond à la colère des agriculteurs ?

Ce texte est un début de solution. Je vous rappelle que nous attendons toujours la loi simplification qui est, elle aussi, censée faciliter l’exercice de notre métier.

Quoi qu’il en soit, la mobilisation du monde agricole sur la loi Duplomb a montré que les agriculteurs ne sont pas résignés et qu’ils sont prêts à se battre pour une agriculture durable et vivante dans tous les territoires.

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