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L’Union européenne avance vers un « Schengen militaire », facilitant la mobilisation rapide des forces sur le continent
Parmi les projets de la Commission européenne figurent des propositions visant à supprimer les barrières réglementaires pour faciliter le passage des armées d’un pays à l’autre.

Un soldat devant un char Leopard 2 lors d’un entraînement sur la base militaire de Swietoszow, à l’ouest de la Pologne, le 13 février 2023.
Photo: WOJTEK RADWANSKI/AFP via Getty Images
La Commission européenne a annoncé un ensemble de mesures pour la mobilité militaire, avec pour objectif de faciliter et d’accélérer le déploiement de troupes, de chars et d’équipements à travers les 27 États membres de l’Union, dans ce qu’elle qualifie de pas vers un « Schengen militaire ».
Les plans, présentés le 19 novembre, s’inscrivent dans l’effort de préparation à la défense du continent d’ici 2030 et reflètent d’autres ambitions militaires de l’UE, telles que l’augmentation des dépenses de défense et le développement de stratégies contre la guerre hybride.
Le terme « Schengen militaire », employé par la Commission, fait référence à la zone de libre circulation européenne composée de 25 pays membres, ainsi que de l’Islande, du Liechtenstein, de la Norvège et de la Suisse zone.
L’objectif de Bruxelles est de mettre en place cet espace de mobilité militaire à l’échelle de l’UE d’ici 2027.
Kaja Kallas, haute représentante pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, explique qu’une capacité de mouvement rapide des forces militaires « est essentielle à la défense de l’Europe ».
« La capacité opérationnelle dépend fondamentalement de la rapidité avec laquelle on peut acheminer chars et troupes là où ils sont nécessaires, quand ils le sont. Nous proposons aujourd’hui un système d’urgence pour le transport militaire transfrontalier, ainsi qu’une initiative visant à mutualiser les moyens de transport entre États membres afin de faciliter le mouvement de troupes à travers le continent », a‑t‑elle déclaré.
Elle ajoute que l’Europe fait face à des « menaces sans précédent », se référant à la guerre aux portes du continent entre la Russie et l’Ukraine, qui entre dans sa quatrième année.
Lors d’un discours à Chatham House le 9 juin, le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a averti que « la Russie pourrait être prête à employer la force militaire contre l’OTAN d’ici cinq ans » et a appelé l’Alliance à se renforcer et à se préparer à réagir à un éventail de menaces grandissant.
Réduction de la paperasse, amélioration des infrastructures
Le 25 juin, lors d’un sommet de l’OTAN à La Haye, les membres de l’Alliance ont convenu d’un objectif de dépenses de défense équivalent à 5 % du PIB d’ici 2035.
Ce seuil se répartit en 3,5 % du PIB consacré à la défense centrale — armée, matériel et équipements — et 1,5 % aux infrastructures de défense et de sécurité : protection des pipelines énergétiques, câbles sous-marins, adaptation des routes, ponts et ports à l’usage de véhicules militaires massifs.
Parmi les mesures de la Commission européenne figurent l’harmonisation des règlementations afin de simplifier le passage d’une armée d’un pays à l’autre, et la réduction à trois jours du délai de traitement des avis de mouvements militaires transfrontaliers.
Dans une déclaration à la presse le 19 novembre, Mme Kallas a précisé que certains États membres exigent encore « un préavis de 45 jours avant qu’une armée étrangère puisse pénétrer sur leur territoire pour un exercice, par exemple. Onze ans après l’annexion de la Crimée, cela n’est plus satisfaisant. »
Le renforcement des infrastructures de transport est aussi une priorité.
« Investir dans l’infrastructure est crucial. Si un pont ne supporte pas un char de 60 tonnes, nous sommes en difficulté. Si une piste est trop courte, nos avions de transport ne peuvent ravitailler les troupes », déclare Mme Kallas.
« C’est simple : plus nous pouvons déplacer les forces rapidement, plus la dissuasion et la défense sont efficaces. Il faut raisonner en jours, non en semaines, pour le déplacement des troupes en Europe. »
Points chauds de la mobilité militaire
La Commission indique dans une note questions-réponses avoir identifié près de 500 projets « points chauds » pour résoudre les goulets d’étranglement dans les corridors critiques de la mobilité militaire européenne.
Les projets comprennent l’extension des capacités des ports et aéroports, le renforcement des ponts et l’élargissement des tunnels.
« Une Europe forte a besoin d’une industrie de défense innovante et capable de s’adapter, mais aussi : la capacité de déplacer ses forces et ses moyens rapidement et massivement », explique Andrius Kubilius, commissaire à la défense et à l’espace.
« Nous visons à instaurer une zone de mobilité militaire à l’échelle de l’UE d’ici 2027 — un “Schengen militaire”, permettant la circulation efficace des moyens de transport militaire, le partage de ces moyens entre les États membres et l’aide mutuelle en cas d’urgence. »
La Commission précise qu’elle présentera ces mesures au Conseil européen et au Parlement pour adoption.

Victoria Friedman est une journaliste basée au Royaume-Uni qui couvre un large éventail de sujets nationaux.
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