Marseille : l’assassinat de Mehdi Kessaci remet le narcotrafic au cœur de la campagne municipale
À quatre mois des élections municipales, le narcotrafic, jusqu'alors étonnamment discret dans la campagne marseillaise, s'est brutalement imposé au cœur du débat public avec l’assassinat de Mehdi Kessaci. Si la plupart des responsables politiques appellent à l’unité face à ce drame, le RN se distingue par son registre polémique.

Benoît Payan répond aux journalistes devant la préfecture des Bouches-du-Rhône, après une réunion tenue à la suite du meurtre de Mehdi Kessaci.
Photo: CLEMENT MAHOUDEAU/AFP via Getty Images
L’insécurité liée aux trafics de stupéfiants s’affirme désormais comme l’un des enjeux majeurs de la campagne électorale, aussi bien dans de grandes agglomérations que dans certains villages. À Marseille, épicentre du narcobanditisme hexagonal, les passes d’armes se concentraient jusque-là davantage sur la sécurité du quotidien, la propreté urbaine ou encore la question migratoire.
Un maire sur la défensive, la droite à l’offensive
Taxé de « maire laxiste » par l’ex-ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau (LR), Benoît Payan, le maire divers-gauche de Marseille, s’érige en garant de « l’unité ». « Ça veut dire que tout le monde s’y met, c’est-à-dire que celles et ceux qui ont été absents, je parle des politiques, des élus et des institutions pendant des années doivent réinvestir ces quartiers », plaide-t-il dans une interview à l’AFP. Il met en avant l’installation de caméras de vidéoprotection, le doublement des effectifs de police municipale, mais insiste aussi sur la nécessité d’une action globale : « J’ai aussi fait des écoles, des centres sociaux, des stades et c’est toute la rénovation urbaine et c’est toute la question des transports en commun qui désormais se pose ».
Si sa candidature n’est pas encore officialisée, Benoît Payan ne manque pas de railler les « discours martiaux » portés par certains à droite ou à l’extrême droite, singulièrement sur l’immigration, qu’il estime inefficaces.
Le RN dénonce, la droite nuance
Pour Franck Allisio, candidat du Rassemblement national, la responsabilité du maire est entière : selon lui, Marseille, déjà marquée par l’héroïne au siècle dernier, serait devenue « la capitale de la drogue ». « Le maire découvre la sécurité », ironise-t-il, assurant que, s’il était élu, la ville disposerait de « la première police municipale de France ». Il a demandé au gouvernement d’instaurer l’« état d’urgence » et un couvre-feu pour les mineurs – alors que les derniers homicides par balles ont eu lieu en plein jour.
Dans ce paysage tendu, Martine Vassal, candidate de la droite et du centre, présidente du département des Bouches-du-Rhône et de la métropole, prône la « concorde ». Elle entend impulser « un choc d’autorité », sans négliger pour autant « une véritable politique sociale au sens très large du terme », insiste son directeur de campagne, Romain Simmarano, en contraste avec un positionnement droitier antérieur.
Crainte d’ingérences et pressions en campagne
Sébastien Delogu, candidat LFI, s’élance quant à lui hors de la coalition du Printemps marseillais, estimant auprès de l’AFP qu’il est temps « que le peuple de Marseille se réunisse » pour « dire stop à ce qu’il se passe dans notre ville ».
Samedi, lors de la marche blanche en mémoire de Mehdi Kessaci, la présence de Benoît Payan, Martine Vassal, Sébastien Delogu ainsi que des chefs écologistes, socialistes et communistes, est déjà annoncée.
Au-delà des divergences partisanes, cet assassinat ravive le spectre des pressions croissantes sur les élus en période électorale. Le procureur Nicolas Bessone a récemment annoncé la création d’une cellule anticorruption, exprimant la crainte de voir des responsables locaux « subir les mêmes assauts » que des agents de justice, sous la menace des narcotrafiquants. Déjà, le président de la Commission nationale des comptes de campagne, Christian Charpy, s’est inquiété dans Le Monde « des risques d’ingérence liée au narcotrafic » dans le scrutin, notamment par des tentatives de corruption en liquide ou en cryptomonnaies.
Pour l’heure, malgré ce climat délétère, élus et candidats assurent n’avoir constaté aucune défection dans leurs rangs. Benoît Payan l’affirme : il ne « faut pas avoir peur ». Lors d’un entretien avec l’AFP, il a évoqué le témoignage, sur RTL, d’une élue préférant renoncer à se représenter par crainte pour sa vie. « Ça, ça veut dire que c’est la mafia qui a gagné. Et je ne l’accepterai pas en fait », assène-t-il. Son entourage tempère cependant : « On comprend la peur des élus, des militants, des journalistes, des magistrats, mais il faut se relever, exiger la fin de ces violences ».

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