ENTRETIEN EXCLUSIF – La Commission européenne n’a pas fourni d’explications crédibles pour justifier son refus de communiquer les SMS échangés, en pleine crise du Covid-19, entre sa présidente Ursula von der Leyen et le PDG de Pfizer, Albert Bourla. C’est la conclusion sans appel rendue mercredi 14 mai par le Tribunal de l’Union européenne (UE), qui fait droit à la requête déposée par une journaliste du New York Times, engagée dans une démarche d’accès aux documents publics. Me Arnaud Durand, avocat ayant obtenu une décision favorable du même tribunal le 17 juillet 2024 dans un dossier connexe, décrypte ici les tenants et aboutissants de ce nouvel arrêt, y voyant une occasion d’intensifier la coopération transatlantique entre les acteurs engagés pour la transparence. Le juriste rappelle par ailleurs que la Commission se trouve toujours en situation d’illégalité, pour ne pas avoir exécuté l’arrêt du 17 juillet 2024, pourtant devenu exécutoire, puis fait un point d’étape sur le pourvoi actuellement formé par la Commission devant la Cour de justice de l’UE.
Epoch Times : « La Commission ne peut pas se contenter d’affirmer qu’elle ne détient pas les documents demandés, mais doit présenter des explications crédibles permettant au public et au tribunal de comprendre pourquoi ces documents sont introuvables », écrit le tribunal de l’UE dans sa décision, ajoutant que « la Commission n’a pas expliqué en détail le type de recherches qu’elle aurait effectuées pour trouver ces documents ». Quels enseignements en tirez-vous ?
Me Arnaud Durand : Début 2021, Ursula von der Leyen a échangé, par SMS, directement avec Albert Bourla, PDG de Pfizer, dans le cadre des négociations du plus important contrat européen d’achat de vaccins liés au Covid-19, portant sur 1,8 milliard de doses.
Dans ce contexte, le New York Times et sa journaliste Matina Stevi, qui est de nationalité grecque, ont adressé à la Commission européenne une demande d’accès à ces échanges, invoquant le droit à la transparence auquel l’institution se dit pourtant attachée, et ce en vertu d’un règlement européen de 2001.
La Commission a opposé un refus, fondé sur des justifications aussi opaques que contestables. Sa journaliste, soutenue par son journal, a alors décidé de porter l’affaire devant le Tribunal de l’Union européenne.
La décision que la juridiction vient de rendre consacre ainsi une violation manifeste du droit d’accès aux documents publics par la Commission européenne.
L’arrêt est sans équivoque : une institution comme la Commission européenne ne peut se contenter, pour éluder une demande d’accès aux documents, d’affirmer que les pièces « n’ont pas pu être retrouvées », ni se retrancher derrière des déclarations vagues, floues ou contradictoires. Le Tribunal a jugé que de telles explications ne sauraient constituer une justification « crédible » de l’absence de détention et, par conséquent, de l’absence de communication des messages demandés.
Autrement dit, la justice exige des recherches rigoureuses, étayées et vérifiables. Lorsqu’un document est sollicité, il appartient à l’institution concernée de prouver qu’elle a entrepris toutes les démarches nécessaires pour le retrouver.
Soulignons que cet arrêt a été rendu par la Grande Chambre du Tribunal de l’Union européenne, une formation élargie à quinze juges en raison de l’importance de l’affaire. Cela reflète un certain degré de gravité reconnu par la juridiction, en contraste avec l’attitude condamnable de la Commission européenne en matière de transparence effective.
La Justice de l’Union européenne est ici montée en puissance pour rappeler à la Commission von der Leyen les principes de base de l’Union, qu’elle est censée incarner : transparence et bonne administration.
Je rappelle que la médiatrice de l’Union européenne, dans une décision du 12 juillet 2022, avait déjà qualifié de mauvaise administration l’attitude de la Commission, laquelle « aurait dû rechercher les documents demandés, y compris ceux qui ne sont pas enregistrés. Le fait que la Commission ne l’ait pas fait constitue un cas de mauvaise administration. »
Un an plus tard, le Parlement européen, dans une résolution du 12 juillet 2023, a lui aussi fait savoir qu’il « déplore le manque de transparence », « recommande que […] les négociateurs de contrats avec des entreprises pharmaceutiques […] déclarent leurs intérêts financiers et autres » et « recommande de rendre ces déclarations publiques ».
Et enfin, il y a bien sûr la victoire que nous avons obtenu le 17 juillet 2024 devant cette même juridiction et contre cette même Commission, au nom de 2089 requérants, soutenus par 287.500 pétitionnaires.
Cette décision, qui ordonne la publication des clauses indemnitaires des contrats d’achat de vaccins ainsi que les noms des négociateurs impliqués, s’ajoute à celle obtenue par Me Bondine Kloostra, avocate également dans l’affaire du New York Times et dont je salue ici le travail remarquable.
Que vous inspire le fait que ce soit le New York Times, un média américain, qui se soit engagé en première ligne dans cette bataille pour la transparence au sein de l’UE ?
Tout d’abord, rappelons tout de même que la journaliste Matina Stevie est ressortissante d’un État membre de l’Union européenne, ce qui lui confère, au regard du droit européen, un intérêt à agir valable pour agir en justice.
Maintenant, symboliquement, on pourrait imaginer que cette décision du Tribunal, issue d’une initiative américaine, pourrait marquer le début d’une nouvelle ère de coopération entre les acteurs engagés pour la transparence, des deux côtés de l’Atlantique.
Car les adversaires de la transparence ne sont ni spécifiquement américains, ni spécifiquement européens : ils sont avant tout mondialistes. Et face à une telle adversité, ni les Américains ni les Européens ne peuvent espérer l’emporter en agissant isolément.
Le nouveau Secrétaire d’État américain à la santé, Robert Kennedy Jr, bien qu’occupé par d’importants chantiers internes, aurait tout intérêt à nouer des partenariats internationaux s’il souhaite impulser des réformes structurelles et durables dans le domaine de la santé publique.
En vertu de cette décision, la Commission est-elle désormais tenue de publier enfin ces SMS ?
Si le Tribunal de l’Union européenne a gravé dans le marbre un symbole fort contre la Commission en sanctionnant un manquement au principe de transparence et en jugeant que les explications fournies par la Commission pour refuser cette communication des SMS au New York Times n’étaient même pas « plausibles », il ne pouvait pas directement ordonner leur communication. Cet état de fait ouvre la voie à deux lectures possibles.
Première lecture, conforme à l’esprit de la décision : on comprend que le Tribunal estime que la Commission n’a plus d’autre issue que de divulguer les messages, tant ses justifications sont apparues incohérentes, voire fallacieuses.
Seconde lecture, formaliste : on s’en tient strictement à la lettre de l’arrêt, ce qui permettrait à la Commission de déjouer la procédure en tentant de formuler a posteriori de nouvelles justifications à la non-divulgation des SMS échangés entre Ursula von der Leyen et Albert Bourla.
C’est précisément dans cette zone grise, entre l’esprit et la lettre, que la Commission pourrait chercher à manœuvrer.
À en juger par le communiqué de la Commission von der Leyen, tout laisse à penser que l’exécutif européen a déjà opté pour cette seconde voie, puisqu’elle a annoncé qu’elle « adoptera une nouvelle décision comportant une explication plus détaillée ».
Cependant, la Commission risque de se heurter à un écueil majeur. Si elle venait à produire aujourd’hui des éléments prétendument « plausibles » dans le but de justifier son refus de divulguer les SMS, elle devra répondre à une question incontournable : pourquoi ces éléments n’ont-ils pas été communiqués plus tôt ? Une telle démarche tardive ne manquerait pas de susciter des doutes sur la sincérité et l’authenticité des preuves avancées.
La Commission pourrait aussi persister dans l’opacité, avec un nouveau mélange de dénégations évasives. Dans ce cas de figure, le New York Times pourrait engager un nouveau recours pour faire constater la violation de l’arrêt rendu par le Tribunal le 14 mai.
Au lieu de publier une nouvelle décision pour étayer son refus de communiquer les SMS échangés, la Commission peut-elle contester ce jugement en formant un pourvoi devant la CJUE ?
Elle est parfaitement dans son droit de le faire. Cependant, un rappel juridique s’impose : si la Commission décidait d’interjeter un pourvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne, ce recours ne suspendrait pas automatiquement l’exécution de la décision du Tribunal. Sauf à saisir simultanément le président de la Cour dans le cadre d’une procédure de référé sursis à exécution, et à ce que cette demande soit accueillie, la Commission demeure juridiquement tenue d’exécuter la décision dans sa forme actuelle.
Au regard tant de la teneur de l’arrêt qui vient d’être rendu, que de la composition de la juridiction réunie en grande chambre, une telle suspension me paraît néanmoins hautement improbable. Et c’est manifestement pour cette raison que la Commission envisage désormais d’adopter une nouvelle décision, formellement distincte, destinée à se substituer à celle qui a été annulée.
Comment avez-vous perçu le traitement médiatique de cette décision de justice ?
Une autre décision rendue le 17 juillet 2024, déjà contre cette même Commission européenne et portant également sur les contrats d’achat Covid-19, avait mis en lumière de graves manquements en matière de transparence. À mes yeux, elle n’avait pas bénéficié en France d’un traitement médiatique à la hauteur de ses implications, peut-être parce qu’elle a été prononcée la veille de la réélection d’Ursula von der Leyen et qu’une partie de la presse française, a fait du “damage control“…
À l’époque, la couverture médiatique s’était révélée pour le moins indulgente à l’égard de la Commission. Le mot « épinglée » était omniprésent dans les articles de presse, comme s’il s’agissait d’un simple avertissement administratif. Peu ont pris la mesure de la gravité de l’affaire : une opacité persistante entourant des contrats représentant 71 milliards d’euros, au cœur de la plus vaste opération d’achat public jamais conduite par l’Union européenne.
La décision obtenue par le New York Times a suscité une réaction légèrement plus critique dans la presse. Mais les grands médias traditionnels peinent néanmoins à se départir de leur prudence vis-à-vis des institutions européennes. Nombre d’articles continuent de minimiser la portée des faits, en reprenant le même terme édulcoré “épinglée”, comme s’il ne s’agissait une fois encore que d’un simple accroc bureaucratique.
Aucun média français n’a rappelé que le Tribunal de l’UE avait déjà rendu en juillet une première décision dans l’affaire des contrats d’achat de vaccins contre le Covid-19. En revanche, l’ensemble de la presse a mis en avant le rejet, pour défaut d’intérêt à agir, d’une plainte pénale déposée par un citoyen belge, Frédéric Baldan, visant des faits présumés d’« usurpation de fonctions », de « destruction de documents publics » et de « corruption ». Cette irrecevabilité a entraîné, par effet domino, celle des plaintes déposées par la Pologne et la Hongrie, que la justice belge avait, contre leur volonté, rattachées à celle de ce particulier. Quelle analyse faites-vous de ce traitement éditorial qui choisit d’insister sur l’irrecevabilité d’une plainte individuelle sans rappeler qu’il s’agissait, en moins d’un an, du second arrêt du Tribunal de l’Union européenne contre la Commission dans ce dossier ?
Quelques mois avant la décision rendue par la justice belge en janvier dernier, j’avais déjà souligné aux lecteurs de ma newsletter “DejaVu” que la recevabilité juridique de la plainte belge était douteuse tant qu’elle n’était pas déposée par une personne qui était une victime directe de l’infraction.
En déclarant cette action-ci irrecevable, les juges n’ont donc fait qu’appliquer la loi en ce qui concerne les plaignants personnes physiques. Cependant, je rappelle que la question de savoir pourquoi cette irrecevabilité de la plainte de Frédéric Baldan, un particulier, a fait échouer les plaintes ultérieures de la Hongrie et de la Pologne, deux États, n’est pas claire.
Que les médias jugent utiles de mettre en avant l’échec prévisible d’une plainte venant d’un particulier, tout en omettant d’ailleurs de préciser qu’il s’agissait d’un rejet pour vice de forme, et non d’un examen sur le fond, pose déjà question. Mais qu’ils le fassent en faisant l’impasse totale sur deux décisions de justice rendue par la même juridiction européenne moins d’un an plus tôt, dans le même dossier, sur les mêmes contrats, et dénonçant la même opacité de la part de l’exécutif européen, relève, je trouve, de l’amnésie sélective.
Cela m’interpelle d’autant plus que Me Bondine Kloostra, avocate dans l’affaire du New York Times, est précisément à l’origine de l’un de ces deux arrêts du 17 juillet.
En vertu de l’arrêt que vous avez obtenu du Tribunal de l’Union européenne en juillet dernier, la Commission est tenue de publier, d’une part, les clauses indemnitaires figurant dans les contrats d’achat de vaccins, et d’autre part, l’identité des négociateurs impliqués. En quoi se superpose-t-il à celui qui vient d’être rendu par le Tribunal dans cette affaire des SMS ?
La question de l’identité des négociateurs des contrats de vaccins est centrale, et la décision rendue le 14 mai 2025 en faveur du New York Times s’y rattache directement.
Lors de notre propre procédure contre la Commission européenne, cette dernière visiblement prise de court, a transmis en urgence près de 800 pages de documents. Parmi eux figuraient les déclarations de conflits d’intérêts des négociateurs. Les noms étaient caviardés, certes, mais de nombreuses données restaient visibles. Fait frappant : toutes les déclarations affirmaient l’absence totale de tout conflit d’intérêts.
Un problème majeur apparaît ici. Nous savons que Mme von der Leyen a participé aux négociations préliminaires du plus important contrat d’achat de vaccins jamais signé par l’Union européenne.
Or, participer à une négociation, même à un stade préliminaire, c’est être acteur, pas simple spectateur. Cela implique une responsabilité et, à tout le moins, l’obligation de remplir une déclaration de conflits d’intérêts conforme aux règles en vigueur.
Soit le nom de Mme von der Leyen est absent de ces déclarations relatives aux conflits d’intérêts, soit, plus grave encore, elle n’a pas rempli la déclaration requise pour les négociateurs des contrats d’achats Covid-19. Ainsi, deux hypothèses se dessinent, toutes deux problématiques. Soit Mme von der Leyen a bien rempli une déclaration comme négociatrice des contrats Covid-19, en affirmant donc qu’aucun conflit d’intérêts n’existait, ce qui serait objectivement inexact dans la mesure où son époux travaillait déjà pour Orgenesis, une entreprise spécialisée dans les technologies à ARNm Covid-19, et dans laquelle elle détient depuis des options d’achat. Soit aucune déclaration en tant que négociatrice n’a été remplie, ce qui constituerait une violation manifeste des obligations déclaratives.
Dans les deux cas, une faute pourrait être caractérisée, et il conviendra d’en évaluer les conséquences juridiques et institutionnelles. C’est dans ce contexte que les fameux SMS échangés entre Mme von der Leyen et Albert Bourla prennent toute leur importance. Car ces échanges porteraient précisément sur cette phase informelle, opaque, non documentée, celle-là même dénoncée par la Cour des comptes européenne le 12 septembre 2022 qui a alerté le public en ces termes : « Nous n’avons reçu aucune information sur les négociations préliminaires pour le plus important contrat de l’UE ».
La révélation de ces SMS permettrait d’éclairer, avec précision, le rôle réel de Mme von der Leyen dans les négociations. Une question se pose alors légitimement : si ces messages étaient anodins, pourquoi ne sont-ils toujours pas rendus publics ?
La Commission, en outre, semble résolue à empêcher la divulgation de l’identité des négociateurs. Elle est allée jusqu’à saisir la Cour de justice dans le cadre d’un pourvoi et d’un référé sursis à exécution, en invoquant le caractère prétendument préjudiciable à la vie privée d’une telle transparence.
Toutefois, en formant un pourvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne pour contester ce jugement, la Commission n’a pas demandé de référé-suspension visant à bloquer la publication des contrats. À ce titre, avez-vous rappelé dans un entretien en février, elle demeure tenue d’exécuter la décision rendue en juillet. Or, à ce jour, ces documents n’ont toujours pas été divulgués, et ce, malgré une sommation d’exécution que vous lui avez adressée en octobre dernier. Vous dénoncez une violation de l’arrêt du Tribunal et estimez que la Commission se trouve en situation d’illégalité. Pouvez-vous revenir sur ce point ?
Aujourd’hui, la Commission européenne ne tire aucune conséquence des multiples signaux d’alerte répétés que lui adressent les juridictions de l’Union et va même, en toute connaissance de cause, jusqu’à violer une décision de justice rendue le 17 juillet 2024 par le Tribunal de l’Union européenne lui-même.
Cette décision la contraint à divulguer les clauses indemnitaires des contrats d’achat de vaccins. La Commission n’a pas saisi la Cour de justice dans le cadre d’un référé-suspension. Elle ne peut donc prétendre que l’arrêt serait inapplicable. Il l’est pleinement. Il est à ce stade exécutoire.
Plus grave encore : j’ai effectivement mis la Commission en demeure il y a plus de six mois. Le délai raisonnable pour exécuter une décision de justice, généralement estimé entre deux et trois mois dans ce type de contentieux, est désormais largement dépassé. Il ne s’agit plus d’un simple retard, mais d’un refus manifeste d’obtempérer.
Autrement dit, depuis plusieurs mois, la Commission européenne viole sciemment une décision de justice. Dans ces conditions, elle est particulièrement mal placée pour prétendre, dans ses communications officielles que « la transparence a toujours été d’une importance primordiale pour la Commission et la Présidente von der Leyen ». Mais elle l’est encore moins pour se poser en garante de l’État de droit ou en donneuse de leçons sur le respect d’une décision de justice.
Ce double discours ne tient plus. On ne peut pas se réclamer des valeurs de l’État de droit tout en piétinant les arrêts rendus par les juridictions de l’Union.
Si la Commission se trouve actuellement en situation d’illégalité pour ne pas avoir exécuté la décision du Tribunal, pourquoi ne pas avoir engagé une action juridique parallèle afin d’obtenir, par la voie contentieuse, la publication effective des contrats ?
D’un point de vue strictement juridique, il est tout à fait possible de saisir à nouveau le Tribunal de l’Union européenne afin qu’il constate la violation de l’une de ses propres décisions. Mais la difficulté est d’ordre temporel.
Le calendrier judiciaire joue ici un rôle déterminant. La Cour de justice de l’Union européenne doit se prononcer d’ici peu sur le pourvoi formé par la Commission contre l’arrêt du Tribunal du 17 juillet 2024.
Naturellement, si la Cour confirme l’arrêt, nous serons alors en position de force pour engager une nouvelle action contre la Commission sur le fondement d’une violation manifeste d’une décision exécutoire. En revanche, si la Cour venait à annuler cette décision, hypothèse qui ne peut être écartée, en raison de l’aléa judiciaire, tout recours fondé sur la violation de ladite décision perdrait son objet, la base juridique disparaissant avec l’arrêt annulé. C’est précisément pourquoi l’on peut raisonnablement dénoncer le fait que la Commission joue la montre contre la transparence.
Au cours des dernières années, certains contrats d’achat de vaccins ont fuité et ont été publiés. Dans ce contexte, la publication officielle par la Commission est-elle encore indispensable ? Ou bien ces documents pourraient-ils déjà permettre à des victimes d’effets secondaires d’engager des actions en justice ?
Dès 2021, la RAI, le service public italien de la presse, a publié trois contrats d’achat de vaccins. D’autres documents ont été diffusés en ligne par la suite, de manière fragmentaire.
Cependant, en l’absence d’une publication officielle, qu’elle soit volontaire ou imposée par une décision de justice, leur valeur probatoire dans un tribunal reste faible. En l’état, ces documents ne peuvent être considérés comme juridiquement opposables devant une juridiction.
Or, si la Cour de justice venait à confirmer l’arrêt du Tribunal du 17 juillet 2024, les treize contrats que nous avons réclamés deviendraient pleinement opposables, leur publication officielle ouvrant la voie à des actions en justice concrètes pour certaines victimes d’effets indésirables.
Dans le cadre du pourvoi actuellement en cours, pourriez-vous faire un point d’étape sur l’état d’avancement de la procédure ?
La phase écrite est maintenant close. Conformément à la procédure devant la Cour de justice de l’Union européenne, nous avons donc déposé une demande d’audience de plaidoiries. Devant la CJUE, les audiences ne sont pas automatiques : la procédure y est principalement écrite. Toutefois, certains dossiers — en raison de leur importance, de la nature des arguments en présence, du volume des pièces produites ou encore de la nécessité d’un débat oral sur les faits — peuvent justifier la tenue d’une audience publique.
Nous avons adressé une demande motivée en ce sens le 5 mai dernier. Dans ce courrier, nous avons souligné le caractère inédit de l’affaire : des contrats passés pour 71 milliards d’euros, 2089 requérants, plus de 285.000 pétitionnaires… Ces chiffres dépassent largement l’ampleur habituelle des contentieux traités par la Cour. À ce titre, le débat mérite d’avoir lieu à haute voix, dans le réel, dans un cadre transparent et contradictoire.
Nous avons également attiré l’attention de la Cour sur deux difficultés sérieuses rencontrées dans le traitement du pourvoi jusqu’à présent. Contrairement à la procédure devant le Tribunal, où nous avons perceptiblement été traités de manière équitable, bien que certains points de sa décision aient été rendues en faveur de la Commission, nous n’avons pas retrouvé la même apparence d’impartialité devant la Cour.
À deux reprises, dans le cadre de sous-procédures liées au pourvoi, nous estimons que la conduite de la procédure a présenté des atteintes objectives au principe d’équité. À titre d’exemple, la demande formulée par 3782 citoyens de l’Union européenne pour rejoindre la procédure, alors même qu’ils se trouvaient dans une situation strictement identique à celle des 2089 premiers requérants, a été rejetée. Et ce sur la base d’un argument dont l’origine est restée secrète, et sans même que nous ayons été autorisés à consulter les conclusions de notre adversaire, la Commission, avant qu’une décision ne soit rendue. La conduite de cette procédure par la Cour nous paraît avoir manifestement violé le droit à un procès équitable.
Nous avons expliqué dans notre demande que la tenue d’une audience publique pourrait précisément permettre de rétablir cet équilibre. Car il est plus difficile pour une juridiction de manquer d’impartialité de manière visible dans l’espace public d’une salle d’audience. Là où des biais peuvent rester imperceptibles dans une procédure exclusivement écrite, ils deviennent évidents, et donc plus difficilement soutenables, lorsqu’ils sont exposés à l’oral.
Quoi qu’il en soit, nous nous réservons, en cas de refus d’audience ou encore si la pratique actuellement perceptible de la CJUE dans ce dossier, la possibilité de saisir la Cour européenne des droits de l’homme pour atteinte au droit à un procès équitable, tel que garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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