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Projet de label des médias

« Ministère de la vérité » : l’Élysée répond à CNews et à la droite après la controverse sur le label des médias

Emmanuel Macron veut encadrer la diffusion d’informations sur les réseaux sociaux. Il estime que ces plateformes menacent la démocratie et doivent être régulées. Mais sa volonté suscite des accusations de "dérive liberticide" venues de la droite et des médias du groupe Bolloré, qui invoquent la "liberté d’expression".

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Emmanuel Macron prononce un discours lors d'une rencontre avec des lecteurs sélectionnés du groupe Ebra, un groupe de quotidiens régionaux opérant dans l'est de la France, à Mirecourt, le 28 novembre 2025.

Photo: SEBASTIEN BOZON / POOL / AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 6 Min.

Depuis plusieurs semaines, le président multiplie les déplacements et les échanges sur ce thème. Il veut transformer ses réflexions en « décisions concrètes » dès le début de 2026. Son objectif : « sonner le tocsin » face aux dangers liés à la désinformation en ligne.

Un contexte tendu autour du thème de la liberté d’expression

Cette polémique s’inscrit dans un débat sur la liberté d’expression et dans le contexte d’une polémique récente touchant l’émission de France 2 Complément d’enquête sur Cnews. Dans l’émission, un rapport de Reporters sans frontières (RSF) condamnait le non respect du pluralisme par CNews. « L’ONG accuse la première chaîne d’informations du pays de contourner les règles du pluralisme en accordant massivement du temps de parole à la gauche la nuit, pour compenser un déséquilibre en faveur de la droite et de l’extrême droite en journée », rapporte Le Point. 

Un jugement de RSF contesté par l’Arcom, le « gendarme » de l’audiovisuel, juste avant la diffusion de l’émission : « Il n’y a pas de contournements des règles du pluralisme politique sur le mois de mars 2025 sur CNews, et s’il y en avait eus, nous les aurions identifiés et nous serions intervenus », a déclaré l’ARCOM à l’AFP, selon 20 minutes. « Nos résultats ne sont pas ceux de RSF », a ajouté l’autorité de régulation. Cela avait obligé France 2 à couper en catastrophe la partie de l’émission sur le sujet.

Un projet de « label » pour distinguer les sources fiables

À Arras, Emmanuel Macron a proposé la création d’un « label » confié « à des professionnels » du secteur. Ce label servirait à « distinguer les réseaux et les sites qui font de l’argent avec de la pub personnalisée et les réseaux et les sites d’information ».

L’idée vient des États généraux de l’information. Leur comité avait recommandé en 2024 que les « professionnels de l’information » s’engagent dans cette voie pour « renforcer la confiance » du public. Le président a rappelé que ce n’était pas au gouvernement de dire « ceci est une information, ceci n’en est pas », évoquant une initiative de labellisation portée par Reporters sans frontières à travers la Journalism Trust Initiative.

Des critiques virulentes venues de la droite et des médias du groupe Bolloré

Selon Le Journal du Dimanche, le label officiel permettrait de distinguer les médias jugés « responsables » de ceux considérés comme « dangereux ». Cela consisterait ainsi à constituer « une hiérarchie des organes de presse ». Un projet dénoncé comme une « dérive totalitaire », selon Le JDD, cité par l’AFP. « Le président veut mettre au pas les médias qui ne pensent pas comme lui », écrit l’hebdomadaire, évoquant « la tentation du ministère de la Vérité ». CNews et Europe 1 ont repris la référence au « Miniver » du roman « 1984 » de George Orwell. 

Jordan Bardella a affirmé sur CNews que « la tentation d’Emmanuel Macron de toucher à la liberté d’expression est une tentation autoritaire, qui correspond à la solitude d’un homme (…) qui a perdu le pouvoir et cherche à le maintenir par le contrôle de l’information ». 

Bruno Retailleau, président des Républicains, a ajouté sur X : « Nul gouvernement n’a à trier les médias ni à dicter la vérité. » « Si la présidence de la République voulait se caricaturer en ministère de la vérité, elle ne s’y prendrait pas autrement », a déclaré David Lisnard sur X.

Les partis UDR et LR ont chacun mis en ligne une pétition afin de s’opposer au projet du président de la République visant à instaurer un label pour les médias.

L’Élysée dénonce une « déformation » du débat

Face à ces réactions, l’Élysée a répondu sur X : Pravda ? Ministère de la vérité ? Parler de lutte contre la désinformation suscite la désinformation. » 

Un proche du président déplore que « on nous taxe de totalitarisme en déformant totalement ce qu’a dit le président ».

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Vers un outil judiciaire pour bloquer les fausses informations

À Mirecourt, dans les Vosges, Emmanuel Macron a proposé un autre dispositif : permettre une action judiciaire « en référé » pour bloquer rapidement les « fausses informations » ou celles « attentatoires » à la dignité d’une personne. Il souhaite offrir un recours aux victimes des campagnes de désinformation.

Le président a évoqué un sujet personnel : il s’est dit « personnellement » confronté à de fausses nouvelles, tout comme son épouse Brigitte Macron « encore plus ». Il faisait référence aux rumeurs affirmant que la Première dame serait « née homme ». « On est totalement démuni » face à cela, a-t-il insisté.

L’avocat Christophe Bigot, spécialiste du droit de la presse, juge cette mesure « ni souhaitable, ni praticable, ni utile ». Pour lui, « cela supposerait de déterminer ce qui est vrai ou faux, ce qui est très difficile à établir, a fortiori en urgence ». Il rappelle qu’une loi similaire sur la manipulation de l’information en période électorale, déjà voulue par Emmanuel Macron, a été « très peu utilisée » car « impraticable ».

Avec AFP