Mort du dirigeant iranien : « Une nouvelle révolution iranienne se profile », selon Gérard Vespierre

Par Julian Herrero
22 mai 2024 17:37 Mis à jour: 22 mai 2024 17:38

Entretien – Le géopolitologue et fondateur du monde décrypté, Gérard Vespierre, revient pour Epoch Times sur la mort du dirigeant iranien Ebrahim Raïssi survenue lors d’un crash d’hélicoptère, ce dimanche 19 mai.

Epoch Times – Gérard Vespierre, la disparition soudaine d’Ebrahim Raïssi peut-elle entraîner de grands changements à la fois pour le régime et pour la société iranienne ?

Gérard Vespierre – Complètement. Et je crois qu’à cet égard, il faut lire à l’envers les déclarations immédiates du Guide suprême, l’ayatollah Khamenei, qui a déclaré que la population devait rester calme et que le régime allait assurer rapidement et totalement la continuité de son action. La disparition soudaine d’un homme extrêmement important et dont l’arrivée au pouvoir avait été planifiée de longue date, va créer de profondes perturbations à l’intérieur du régime.

Le dirigeant défunt était pressenti pour succéder au guide suprême Ali Khamenei, âgé de 85 ans. C’est donc une autre épine dans le pied du régime de Téhéran ?

C’est une double épine pour le régime en place puisque la succession d’Ebrahim Raïssi va créer des agitations dans toutes les factions politiques et religieuses, notamment les Gardiens de la Révolution. Beaucoup vont vouloir récupérer le poste, et les plus radicaux vont chercher à tirer leur épingle du jeu.

À cela, s’ajoute le problème de la succession du guide suprême Ali Khamenei, 85 ans. Ebrahim Raïssi devait normalement lui succéder. De la même manière d’ailleurs, que Khamenei, alors président de la République, avait succédé à Khomeini en 1989. Khamenei avait mis en place le même schéma, mais les événements récents pourraient conduire au pouvoir suprême son propre fils, Mojtaba Khamenei.

Une succession religieuse, et de type monarchique, provoquera de profondes vibrations dans le régime, et dans la société iranienne. Tout ceci va donc créer des dissensions à l’intérieur du pouvoir et radicaliser les oppositions. Le régime iranien, qui était donc concentré sur sa survie, et contre ses adversaires, va maintenant être perturbé par des courants centrifuges internes.

De nouvelles élections présidentielles vont se tenir le 28 juin. Les conservateurs vont-ils réussir, selon vous, à se maintenir au pouvoir ?

Dans le cadre des élections, oui, puisque le successeur d’Ebrahim Raïssi va être « désigné » par le Guide suprême, puis validé par le Conseil des experts. Ensuite, la population iranienne ne va pas être placée devant une élection, mais plutôt, une confirmation. Ce n’est pas une élection, au sens démocratique du terme.

L’expression d’une libre pensée n’est pas permise, un candidat n’a pas la possibilité de participer librement au scrutin et les élections sont contrôlées. La population pourra donc simplement confirmer la nomination du successeur du président Raïssi.

On se dirige potentiellement vers un taux de participation de 10 ou 15 %. Ce qui traduit le gouffre qui s’est installé entre le régime lui-même et son peuple. Une nouvelle révolution iranienne se profile. C’est, par ailleurs, l’objet de l’ouvrage que je vais publier dans les semaines qui viennent.

Le décès d’Ebrahim Raïssi ne risque-t-il pas de réduire l’influence de Téhéran au Moyen-Orient et de changer la donne du conflit entre Tsahal et le Hamas ?

La politique étrangère de l’Iran est la même depuis 1979. Même avant son arrivée au pouvoir, Khomeini avait écrit qu’Israël était l’ennemi, non pas de l’Iran, mais de l’Islam. Le choix stratégique et idéologique est très clair depuis le départ, et il s’est perpétué à travers la politique de son successeur.

La doctrine ne va donc absolument pas changer. Cependant, la qualité de l’engagement de la puissance iranienne au Moyen-Orient pourrait se dégrader. Et si des troubles sévères ou des révoltes apparaissent à l’intérieur du pays, les alliés de Téhéran que sont par exemple le Hezbollah ou le Hamas vont, à l’évidence, se poser des questions sur la pérennité du soutien iranien.

L’État hébreu a démenti toute implication dans la mort du leader iranien. Peut-on cependant imaginer que les services secrets israéliens ou même américains aient joué un rôle dans le crash de l’hélicoptère transportant Ebrahim Raïssi ?

Non, pas une seconde. Deux éléments en provenance d’Iran me permettent d’être aussi affirmatif.

Premièrement, dans les premières heures de recherches, l’Iran a demandé de l’aide aux États-Unis. Deuxièmement, dès que l’épave de l’hélicoptère a été découverte, le pouvoir iranien a affirmé que l’accident était lié à une cause technique. Cela signifie que Téhéran a connu les causes de l’accident très tôt. Le régime ne pouvait pas déclarer qu’un problème technique était la cause du crash, sans le savoir au préalable.

Et je pense que cela aurait été d’une maladresse totale de la part des services secrets israéliens ou américains de mener une opération pareille, dans la mesure où toute opération laisse des traces, mêmes infimes, et que le fil aurait pu être remonté.

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