« Négociations compliquées (…) et difficiles »: Berlin et Paris débloquent le projet de char du futur

Par Epoch Times avec AFP
22 mars 2024 15:00 Mis à jour: 22 mars 2024 15:07

Les ministres allemand et français de la Défense ont annoncé vendredi un accord sur le projet commun de char du futur (MGCS) concernant la répartition du travail entre industriels, un point clé pour débloquer ce programme jusqu’ici miné par des intérêts divergents.

« Nous nous sommes mis d’accord sur la répartition de toutes les tâches pour ce grand projet », a déclaré le ministre allemand Boris Pistorius au cours d’une conférence de presse aux côtés de son homologue français Sébastien Lecornu.

« Nous avons un accord et nous nous en réjouissons », a dit M. Lecornu, soulignant l’importance de ce « programme structurant pour les armées de terre des deux pays, fondamentalement structurant pour l’Europe, structurant même pour l’Otan ».

Le programme MGCS (acronyme anglais de Système de combat terrestre principal) a été lancé en 2017, en même temps que l’avion de combat du futur (Scaf), un autre projet de coopération dans le domaine de la défense entre l’Allemagne et la France.

Il vise à remplacer à partir de 2035 les chars Leclerc français et les Leopard 2 allemands, tout en marquant « un saut de génération en matière technologique » grâce à son « niveau d’innovation » et sa « connectivité », a expliqué le ministre français.

Sursaut

L’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022, a provoqué un sursaut en Europe sur les besoins accrus d’investissements et de programmes de coopération dans le secteur de la défense. Mais la mise en place de politiques industrielles communes se heurte souvent aux stratégies de chaque État centrées sur la défense nationale.

Les questions de défense et de sécurité sont parmi celles qui suscitent le plus de frictions dans les relations franco-allemandes, mises à l’épreuve par la guerre en Ukraine. Outre le MGCS, l’Allemagne et la France peinent à faire avancer le dossier du Scaf et à parler d’une même voix sur les moyens de soutenir Kiev.

Rivalités industrielles

Boris Pistorius et Sébastien Lecornu avaient appelé l’an dernier à donner une nouvelle impulsion au projet de char du futur entravé par les rivalités industrielles et les intérêts nationaux divergents.

Financé à parts égales par les deux pays et mené sous direction allemande, ce programme, à l’origine conduit par KNDS, une entité créée pour l’occasion entre le français Nexter et l’allemand KMW qui fabrique le Leopard 2, a vu l’irruption en 2019 du fabricant allemand Rheinmetall. Et cela avait déstabilisé l’édifice et les répartitions envisagées entre industriels.

La première étape consistait donc à clarifier cette question et l’accord trouvé « établit très clairement qu’en matière de production, il y aura une répartition de 50/50 entre les industries des différentes nations », a dit Boris Pistorius vendredi. « C’est très clairement délimité, sans laisser de place à l’interprétation ou aux malentendus », a-t-il insisté, reconnaissant qu’il s’agissait de « négociations compliquées (…) et difficiles ».

Cet accord, qualifié d’« historique » côté allemand, sera formalisé par la signature le 26 avril d’un document commun sur la phase dite 1A du programme, ont précisé les deux ministres. La phase suivante (1B) doit ouvrir la voie à la mise au point d’un démonstrateur, sorte pré-prototype pour ce chantier de longue haleine.

Un « système de systèmes »

Plus qu’un char traditionnel, le MGCS est un « système de systèmes » : un char proprement dit accompagné d’autres véhicules, habités ou non.

Parmi les ruptures technologiques prévues, le recours à l’intelligence artificielle, à des drones pour protéger le char et l’incorporation d’armes à effet dirigé ou électromagnétiques ou de systèmes de guerre électronique.

Les problèmes du MGCS étaient « prévisibles et représentatifs d’une divergence de vision stratégique aggravée par des tensions industrielles fortes que seule l’énergie politique avait permis de masquer », avait récemment estimé Élie Tenenbaum, de l’Institut français des Relations Internationales (IFRI).

Une différence dans les approches illustrée par un autre projet de défense : le bouclier antimissile « Euro Sky Shield », lancé par l’Allemagne et auquel Paris s’oppose. Berlin a déjà rallié une vingtaine d’autres pays en Europe à cette initiative qui profitera des technologies américaines, israéliennes et allemandes mais n’aura aucun équipement de fabrication française.

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