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Outre-mer : envolée des défaillances d’entreprises, le BTP et la restauration particulièrement touchés

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Illustration. Chantier en Guadeloupe.

Photo: HELENE VALENZUELA/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 5 Min.

Entre juin 2024 et juin 2025, le nombre de défaillances d’entreprises outre-mer a atteint 2605, selon une étude publiée mi-septembre par l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom). Cette hausse de 10,8% dépasse les +8,2% enregistrés dans le reste de la France. Les secteurs du BTP et de la restauration apparaissent particulièrement fragilisés.

Guyane : explosion des procédures et commande publique en panne

La Guyane connaît la progression la plus spectaculaire : +125% de défaillances. Pour Jean-Charles Aubert, greffier au tribunal de commerce de Cayenne, il s’agit d’un « constat inquiétant » qui témoigne d’une « situation économique fragilisée ». Il observe une « augmentation d’assignations entre commerçants et de demandes d’ouverture de procédures par les entrepreneurs ». La moitié des dossiers évoquent la concurrence déloyale du secteur informel et les retards de paiement des débiteurs publics.

Ces retards s’ajoutent à « une chute du volume de la commande publique depuis deux ans », souligne Emmanuel Bazin de Jessey, président de la Fédération régionale du BTP. Selon lui, les entreprises sont « largement dépendantes de la commande publique, notamment de la Collectivité territoriale de Guyane (CTG), qui représente 50% de cette commande ».

En février 2024, la CTG a adopté une programmation pluriannuelle d’investissements (PPI) de 1,3 milliard d’euros sur quatre ans. « Les montants sont faramineux, mais pour l’instant, aucun chantier n’est engagé », critique Emmanuel Bazin de Jessey, qui alerte : « Alors que nous devons encore rembourser les prêts garantis par l’État de la période Covid (…), nous allons droit dans le mur. »

Le constat est partagé par l’Ordre des architectes de Guyane : « Aucun concours d’architecture, ni projet structurant, n’a été lancé depuis le début de cette mandature », déplore son président André Barrat. Selon lui, « même si des concours sont lancés maintenant, il faudra trois ans avant que cela ne se concrétise en chantier… On ne voit rien venir ».

La filière logement souffre également : les bailleurs sociaux ont réduit leurs programmes et l’opération d’intérêt national lancée en 2016 pour quadrupler la construction de logements accumule plusieurs années de retard, comme l’a relevé la Cour des comptes début septembre.

Guadeloupe : l’hôtellerie-restauration en difficulté

En Guadeloupe, les défaillances progressent de 28,5%, portées notamment par l’hôtellerie-restauration. « Sur les marinas, l’heure est à la morosité », constate Catherine Cadrot, présidente de l’Union des métiers de l’industrie hôtelière (Umih). Elle attribue cette situation à la hausse du coût de la vie, des charges et du prix des billets d’avion : « Notre économie est portée par le tourisme : l’évolution des prix grève le budget de nos visiteurs. »

Selon elle, il est devenu « difficile d’aller manger au restaurant pour moins de 80 euros à deux ». Les restaurateurs subissent aussi la concurrence des « food trucks » et enseignes de snacking, qui « fleurissent un peu partout » avec « beaucoup moins de charges ».

Un témoignage illustre ces difficultés : « Ce sont les charges qui ont plombé mon restaurant », confirme Éric Sellem, ex-patron de Ja’ri Beach, liquidé en juin.

Martinique : le BTP frappé de plein fouet

En Martinique, c’est le Cobaty, association professionnelle du secteur, qui a tiré la sonnette d’alarme début septembre. Lors d’une audience du tribunal de commerce, 24 des 50 entreprises liquidées relevaient du BTP.

Océan Indien : contrastes entre La Réunion et Mayotte

La situation est plus contenue dans l’océan Indien. À La Réunion, les défaillances n’augmentent que de 3%. À Mayotte, elles reculent même de 17%, selon l’Iedom.

Débat sur les exonérations de charges Lodéom

À ces difficultés conjoncturelles s’ajoute une incertitude politique liée au dispositif Lodéom, qui accorde des exonérations de charges aux entreprises ultramarines. Ce mécanisme bénéficie à 50.000 entreprises pour un coût estimé à 1,5 milliard d’euros.

Avant son départ de Matignon, François Bayrou avait suggéré de réduire de 350 millions d’euros ce dispositif dans ses pistes d’économies. Fin septembre, le député socialiste guadeloupéen Christian Baptiste a défendu une réforme du mécanisme, jugé complexe et peu lisible, tout en s’opposant à toute coupe budgétaire. « Ce serait inacceptable pour notre tissu économique et catastrophique pour les petites entreprises », a-t-il écrit dans un courrier adressé au Premier ministre Sébastien Lecornu.

Avec AFP