Pékin condamne un boulanger à 12 ans de prison pour sa foi

Des policiers armés patrouillent lors de la séance d'ouverture de l’Assemblée nationale populaire, au Grand Palais du Peuple à Pékin, le 5 mars 2025.
Photo: Lintao Zhang/Getty Images
Le pratiquant de Falun Gong Wang Liqun a été condamné à 12 ans de prison pour ses convictions religieuses et pour avoir évoqué sa pratique spirituelle auprès d’autrui. La condamnation est intervenue en 2023 après un procès tenu secrètement, selon ce qu’a récemment appris Epoch Times.
Des documents judiciaires consultés par la publication — dont un acte d’accusation de 700 pages — révèlent l’ampleur des efforts déployés par le régime chinois pour traquer un homme et le poursuivre en raison de sa foi.
Le Falun Gong, également connu sous le nom de Falun Dafa, est une discipline spirituelle fondée sur les principes de vérité, compassion et tolérance. Introduite publiquement en Chine en 1992, la pratique s’est rapidement répandue par le bouche-à-oreille, comptant jusqu’à 70 à 100 millions d’adeptes à la fin de la décennie.
Le Parti communiste chinois (PCC), craignant que la popularité du Falun Gong ne menace le pouvoir du régime, a lancé une campagne brutale pour éradiquer cette pratique le 20 juillet 1999. Depuis lors, un nombre incalculable de pratiquants continuent d’être victimes de détentions abusives, de tortures, de lavages de cerveau, de travaux forcés et de mort par prélèvement forcé d’organes.
M. Wang possédait et dirigeait sa propre boulangerie dans la commune de Yima, dans la province du Gansu en Chine.
Il a commencé à pratiquer le Falun Gong en 1994. Lorsque la persécution a débuté, le 20 juillet 1999, des milliers d’arrestations ont eu lieu à travers toute la Chine en une seule nuit. À l’instar de nombreux pratiquants, M. Wang a été envoyé dans un camp de travail peu après le lancement de la campagne de répression.
Les pièces de la défense comportaient des témoignages sur son intégrité. M. Wang affirmait que le Falun Gong lui avait enseigné à agir dans l’intérêt d’autrui. Son avocat témoignait de la probité de ses affaires et du soutien que M. Wang apportait fréquemment à ses pairs. M. Wang avait été élu président d’une association locale de commerçants et vice-président d’un groupement industriel et commercial, et son entreprise bénéficiait de nombreuses évaluations cinq étoiles.
Toujours selon la défense, même le policier qui avait envoyé M. Wang au camp estimait qu’il serait préférable de le libérer, tant son entourage en disait du bien et tant l’enquête demeurait faible.

Une pratiquante de Falun Gong est emmenée de force par la police chinoise vers un fourgon de police sur la place Tiananmen, à Pékin, le 11 mai 2000. (Stephen Shaver/AFP via Getty Images)
Malgré cela, M. Wang a été condamné en 2000 à trois ans de rééducation par le travail.
En Chine, un texte relatif à la rééducation par le travail permettait à l’État de détenir des suspects sans procès pendant trois à cinq ans dans des camps de travail. Cette disposition a été abrogée en 2013.
La police locale avait convoqué M. Wang au Bureau de la sécurité publique du district de Qingcheng, où il a été transféré de force puis détenu au centre de détention de Qingcheng. Après quinze jours, il a été envoyé au camp de travail n°1 de Ping’antai, à Lanzhou, sans aucune procédure judiciaire. Son avocat relate qu’il y a souffert de tortures psychologiques et physiques durant ces trois années de détention.
En 2015, M. Wang s’est résolu à vivre caché.
D’après les documents de justice, M. Wang, en 2015, a distribué dans sa ville des brochures sur le Falun Gong afin de contrecarrer la propagande du régime.
En juin 2015, il a également porté plainte contre l’ancien dirigeant du PCC, Jiang Zemin, qui avait initié la persécution du Falun Gong. En juillet 2015, le Bureau de la sécurité publique de Qingcheng a perquisitionné la boulangerie de M. Wang.
Après que la Cour suprême a annoncé, en mai 2015, que tous les cas déposés devraient être examinés, 200.000 pratiquants de Falun Gong et leurs familles ont intenté un recours contre Jiang. La justice n’a pas respecté la réglementation : selon des registres publics, de nombreux plaignants ont été menacés, victimes de perquisitions ou arrêtés pour avoir déposé plainte.
Sept ans plus tard, le PCC a retrouvé M. Wang grâce à un système de surveillance par intelligence artificielle à des centaines de kilomètres de là. L’opération était coordonnée par la branche du Gansu du Bureau 610, une structure répressive créée par Jiang pour éradiquer le Falun Gong.
Procès secret
M. Wang, installé à Xi’an, en Chine, a de nouveau été arrêté illégalement en octobre 2022.
Il a été jugé en secret le 27 février 2023 pour ses actions remontant à 2015, et condamné à 12 ans de prison.
L’avocat pékinois Yu Wensheng a déclaré à Epoch Times que l’application du droit pénal à l’encontre des pratiquants de Falun Gong constituait une déviation du droit et avait entraîné de nombreuses arrestations et détentions arbitraires, synonyme d’abus de pouvoir de masse et de graves erreurs judiciaires.
M. Yu et d’autres avocats exerçant en Chine, interrogés par le journal, ont qualifié l’affaire et les accusations d’« absurdes ». Selon Li Ming, avocat de la défense des droits humains, les affaires visant les pratiquants de Falun Gong sont entre les mains du Bureau 610, indépendamment des procureurs et des tribunaux, et échappent en général aux principes du droit.
La constitution chinoise garantit la liberté religieuse, d’expression, de réunion et de manifestation. Mais dans la réalité, sous l’égide du Parti, militants et croyants continuent d’être arrêtés pour avoir pratiqué leur foi ou diffusé des informations, passant des années dans les « prisons noires » du régime.
Dans le dossier Wang, les procureurs ont présenté comme pièce principale un acte d’accusation de 700 pages, qui n’était rien d’autre qu’une copie conforme d’un acte déposé en 2016 contre la pratiquante Duan Xiaoyan.
Les documents judiciaires précisent qu’aucune preuve compromettante n’a été retrouvée lors de la perquisition du domicile de M. Wang à Xi’an. Les policiers se sont appuyés sur des éléments saisis à son domicile de Yima en 2015.
Parmi ces pièces figuraient des ordinateurs, des imprimantes, de l’encre, du papier, des textes et CD liés au Falun Gong, ainsi que des exemplaires des « Neuf commentaires sur le Parti communiste ». Publiés par Epoch Times en 2004, ces commentaires retracent l’histoire du PCC et ont déclenché d’importants désistements du Parti et de ses organisations affiliées.
Selon la défense, la simple détention de documents Falun Gong n’a rien d’illégal : après avoir interdit l’impression et la circulation de ces documents en 1999, le régime a annulé cette décision en 2011. Les procureurs n’ont jamais répondu à cet argument.
Les procureurs ont également invoqué la précédente détention de M. Wang dans un camp de travail comme preuve de sa culpabilité, ce que son avocat qualifie d’incohérent. À l’époque, la loi sur la rééducation par le travail permettait la détention hors de toute procédure ; celle-ci a d’ailleurs été abolie en 2013, ce qui en rend son utilisation actuelle illégale.
Le jugement a aussi retenu la plainte déposée par M. Wang contre l’ancien dirigeant du PCC. Selon la défense, le dépôt d’une plainte civile, même contre un haut responsable, n’est pas illégal en Chine.
Enfin, le verdict cite les témoignages de 15 personnes ayant reçu du matériel Falun Gong des mains de M. Wang : aucun ne mentionne le moindre préjudice et aucun témoin n’était présent à l’audience.

Catherine Yang est journaliste pour Epoch Times, à New York.
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