ANALYSE : Pékin entre dans une « involution » systémique et opaque

Par Mary Hong
26 juin 2023 05:02 Mis à jour: 26 juin 2023 05:04

En mai, le taux de chômage en Chine a atteint le niveau record de 20,8 % pour les jeunes âgés de 16 à 24 ans.

Si l’on ajoute à cela le nombre record de 11,58 millions de diplômés cette année, la pression sur le marché de l’emploi est sans précédent.

Selon les médias chinois, de nombreux étudiants ont choisi de repousser toujours plus l’obtention de leur diplôme, espérant que des études supérieures seront garantes de meilleures chances sur le marché du travail.

Qin Jie, né dans les années 90, a abandonné ses études supérieures en investissements après s’être rendu compte que les données falsifiées de l’annuaire économique fournies par le régime l’avaient empêché d’arriver à des résultats fiables.

Comme de nombreux jeunes Chinois qui ont investi toute leur jeunesse dans les universités, Qin Jie a réalisé que « le culte des titres universitaires est inutile », a-t-il déclaré à l’édition chinoise d’Epoch Times.

Par conséquent, un grand nombre de jeunes sont pris dans un tourbillon « d’involution, » a déclaré Qin Jie, car en réalité, les ressources sont très limitées au bas de l’échelle sociale.

L’involution

Le terme involution est devenu populaire sur les réseaux sociaux chinois au cours des dernières années. Il fait référence à une concurrence féroce et des récompenses rares, qui font que la plupart des gens perdent leurs droits et perdent tout intérêt. C’est un phénomène que l’on observe dans tous les domaines de la vie dans la société chinoise d’aujourd’hui.

Epoch Times Photo
Qin Jie, originaire de Wuhan, s’exprime dans le cadre du programme « Pinnacle View » en mai 2023. (Capture d’écran)

Qin Jie pense que l’involution est une tactique du Parti communiste chinois (PCC).

C’est un système qui oblige les gens à travailler de longues heures dans des emplois qui demandent beaucoup de travail, mais qui sont mal rémunérés. Les gens perdent leur capacité de réflexion ou de résistance en raison de l’épuisement physique. En conséquence, les gens acceptent les difficultés comme leur destin ; il s’agit du « désespoir des savants », a-t-il déclaré.

Yu Zhiguan, un écrivain chinois qui vit en Irlande, estime que la politique d’élargissement des inscriptions à l’université est l’une des causes de cette involution.

La Chine a lancé cette politique en 1999, affirmant qu’elle était nécessaire à la croissance de l’économie nationale. En conséquence, les universités chinoises ont accepté environ 1,59 million d’étudiants en 1999, soit une augmentation de 47 % par rapport à l’année précédente, et la tendance s’est poursuivie depuis.

Par exemple, le taux brut d’inscription dans l’enseignement supérieur est passé de 30 % en 2012 à 42,7 % en 2016, selon le rapport chinois.

Selon M. Yu, la concurrence pour les emplois bien rémunérés ressemble à une pyramide au sommet de laquelle ne se trouvent que quelques-uns des meilleurs postes. Le marché chinois est désormais saturé d’un trop grand nombre de diplômés qui se disputent le très peu d’emplois disponibles.

Une blogueuse chinoise a décrit sa situation dans une vidéo en ligne : « J’ai travaillé dur, mais je n’arrive toujours pas à changer les choses. »

Elle est diplômée d’une grande université de Shanghai. Elle s’est accrochée à tous les emplois possibles pour gagner de l’argent, enchaînant plusieurs emplois à temps partiel. Mes grands-parents touchent moins de 200 yuans (une trentaine d’euros) de pension à la campagne », dit-elle.

Trois années de lutte contre la pandémie ont eu un effet dévastateur sur l’ensemble de la société, qui a rapidement basculé dans l’involution.

Selon Qin Jie, la plupart des gens ne se rendent pas compte qu’il s’agit d’un problème qui touche l’ensemble de la société, et vient du fait que les ressources sont limitées. « Les emplois dans le secteur manufacturier se sont effondrés. Les gens en général ont l’impression qu’il est difficile de gagner sa vie. En fait, le PCC est réticent à travailler avec l’Occident et les commandes commerciales sont moins nombreuses. Mais il n’y a que ça qui fait tourner l’économie chinoise. »

Une lutte systémique

Mme Ren (pseudonyme), ancienne professeur en idéologie et politique du Parti, a révélé que les universités ont été obligées de falsifier des données sur le placement de leurs anciens étudiants en raison de l’effondrement du taux d’emploi.

« L’involution est encore pire pour ceux qui travaillent au gouvernement », a-t-elle dit.

Elle prend l’exemple du secrétaire du parti de son établissement, qui a doublé la charge de travail de son personnel et rendu les tâches plus complexes pour tout le monde, bien que les résultats obtenus soient encore moins satisfaisants.

Beaucoup de ceux qui travaillent dans les universités sont des intérimaires, et les baisses de salaire sont fréquentes. « Pour arriver à payer le crédit de la voiture, le prêt immobilier et la carte de crédit, il faut prendre ce qu’il y a. »

Selon le dissident Lin Shengliang, l’involution a impacté le plus ceux qui travaillent dans les administrations, et il ajoute que cela a été le cas chaque fois que le régime a lancé ses soi-disants « réformes institutionnelles », « rationalisation militaire » et « simplification de l’administration ».

À sa connaissance, de nombreux policiers ont été contraints de prendre une retraite anticipée. Il pense que ces mesures sont destinées à alléger la charge fiscale du régime.

Certains postes de police de proximité ont été supprimés et le personnel a été réaffecté aux collectivités locales, quand il n’a pas été tout simplement licencié, a-t-il expliqué.

La Chine a complètement numérisé son système de logement et de développement urbain en 2005, sous prétexte de vouloir développer des « smart cities ». Le personnel est assigné à une zone géographique donnée et est censé être le « nerf périphérique » de la gouvernance, c’est-à-dire se mettre au service des communautés locales. En réalité, leur travail est de surveiller les résidents eux-mêmes.

Le dissident a expliqué que pour les gens ordinaires, l’involution est usante et frustrante, à la fois mentalement et physiquement ; et pour le PCC, l’involution relève de la lutte pour le pouvoir. Mais le blocage de l’information en Chine empêche les gens de voir ce qui se passe réellement à l’intérieur du système.

Il explique : « Maintenant, les tigres se battent les uns contre les autres, et les moutons sont tenus dans l’ignorance. Mais les tigres ne tarderont pas à se retourner contre les moutons ».

Li Xinan a contribué à cet article.

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