Opinion
Pékin ne comprend tout simplement pas l’ironie de la situation

Deux femmes attendent sous un écran géant qui diffuse des images du dirigeant chinois Xi Jinping prenant virtuellement la parole lors de la réunion de l'Organisation de coopération de Shanghai, qui se tenait en Inde, dans un centre commercial de Pékin, le 4 juillet 2023.
Photo: Greg Baker/AFP via Getty Images
Si cela ne se produisait pas réellement, nous pourrions en faire une bonne blague. Mais cela se produit. Après avoir détruit la confiance des entreprises privées et sapé l’élan de croissance de l’économie, Pékin a décidé de régler le problème en créant un nouvel organe gouvernemental chargé de coordonner les agences gouvernementales et de fixer des priorités des entreprises.
Une promesse convaincante pour ne pas interférer ferait mieux l’affaire, mais il est clair que Pékin est incapable de voir une telle nécessité, et encore moins d’agir en conséquence.
La Chine est confrontée à d’énormes problèmes économiques. Les exportations – qui restent le principal moteur de la croissance – sont en déclin, chutant de près de 7% entre mars dernier et août, le mois le plus récent pour lequel des données sont disponibles. L’Europe, le plus gros client pour la Chine, est en récession ou proche de la récession et achète moins qu’auparavant. L’économie américaine a jusqu’à présent échappé à la récession, mais son rythme de croissance a nettement diminué comparé à ce qui prévalait à la fin de l’année dernière et au début de l’année en cours.
Cette réalité économique, à laquelle s’ajoutent les tensions persistantes entre Pékin et Washington, a freiné les achats américains de produits chinois ainsi que les flux d’investissement vers la Chine. L’augmentation des échanges avec la Russie n’est même pas en mesure de compenser cette faiblesse. Dans le même temps, l’immobilier résidentiel est en chute libre. Après avoir dominé quelque 30% de l’économie chinoise, la plupart des promoteurs ont fait faillite et les prix des logements diminuent, érodant la richesse de millions de Chinois.
Comme si cela ne suffisait pas, l’économie souffre de l’héritage des années de confinement et de quarantaine imposées par la politique du zéro Covid de Pékin. Pékin a levé ces politiques malavisées au début de l’année et a bénéficié d’une brève augmentation de la consommation. Toutefois, la croissance a été de courte durée et largement limitée aux citoyens les plus riches. Le Chinois moyen est sorti de cette période de restrictions sévères sans savoir s’il pouvait compter sur un salaire régulier. En particulier dans la mesure où l’immobilier représente une part importante de la richesse des ménages, la plupart des Chinois sont réticents à augmenter leurs dépenses de consommation au rythme dont Pékin a besoin pour maintenir les taux de croissance globaux.
Les entreprises privées en Chine ont souffert à peu près de la même manière que les ménages des mesures« zéro Covid ». Cela suffirait à lui seul à tuer la confiance, à freiner l’investissement et à étouffer toute velléité d’expansion, mais ce n’est pas tout.
Pendant un certain temps avant et pendant la pandémie, le dirigeant chinois Xi Jinping et ses collègues à Pékin ont fait preuve d’hostilité à l’égard des entreprises privées, leur reprochant de rechercher des profits au lieu de suivre l’ordre du jour fixé par le Parti communiste chinois (PCC). Xi a même menacé les entreprises, affirmant que la Chine avait enfin atteint un niveau de développement lui permettant de revenir à ses racines marxistes. Dans le cadre de cette position, Pékin a refusé de financer l’empire du commerce de détail de Jack Ma et a effectivement détruit ce qui représentait un secteur de soutien de tutorat privé en plein essor.

Jack Ma, président exécutif d’Alibaba Group, s’exprime lors du Bloomberg Global Business Forum à New York, le 20 septembre. 2017. (John Moore/Getty Images)
Il n’est donc pas étonnant que les entreprises privées soient restées en retrait. Alors que Pékin a poursuivi son utilisation classique des dépenses d’infrastructure pour soutenir la croissance économique, et que les grandes entreprises publiques du pays ont augmenté leurs dépenses d’investissement, les entreprises privées, grandes et petites, ont en fait reculé, réduisant leurs dépenses d’investissement de 0,2% au cours de la première moitié de l’année et procédant à des réductions encore plus importantes en juillet, de sorte que les sept premiers mois de l’année ont enregistré une baisse de 0,5%.
Le PCC a réagi en changeant de discours. Alors que Xi dénigrait les chefs des entreprises privées il n’y a pas si longtemps, il les a plus récemment qualifié de « notre propre peuple ». Mais comme le montre le déclin accéléré des dépenses d’investissement privé, le changement de rhétorique ne fonctionne pas, du moins pas encore. Pékin a donc décidé de déployer des efforts plus substantiels pour inciter les entreprises privées à se développer. Pour ce faire, l’humour s’invite dans le narratif.
Au lieu d’encourager les entreprises privées à faire des bénéfices et de les rassurer sur le fait que Pékin n’interviendra pas, le PCC a créé un nouveau bureau gouvernemental pour faire bouger les entreprises privées. La Commission nationale pour le développement et la réforme (NDRC : National Development and Reform Commission), l’agence de planification chinoise, affirme que cette nouvelle entité dirigera les efforts des entreprises privées chinoises et contrôlera ces dernières pour s’assurer de leur coopération et de leur respect des règles. C’est encore une fois ce qui a sapé la confiance au début. Pékin semble incapable de se sortir de son propre piège.
Il n’est pas non plus certain que le nouveau bureau, même dans le cas improbable où il ferait preuve d’une grande perspicacité, ait beaucoup de pouvoir pour aider les entreprises privées, que ce soit au sein du grand bureau de planification ou de la vaste bureaucratie de Pékin en général. Selon Zhang Shixin, planificateur principal à la NDRC, ce nouveau bureau ne sera même pas placé au rang de vice-ministre.
De toute évidence, Pékin est trop impliqué dans son idéologie marxiste pour voir que l’ajout d’un bureau et d’une couche supplémentaire de direction gouvernementale ne devrait pas susciter une réaction enthousiaste de la part des entreprises privées. Après tout, c’est la planification et la lourdeur des directives gouvernementales qui ont détruit la confiance en premier lieu. Ce nouvel effort est voué à l’échec. D’une certaine manière, il rappelle une autre plaisanterie sur les efforts mal placés déployés du haut vers le bas. Elle est à peu près la suivante : les coups se poursuivront jusqu’à ce que le moral des troupes s’améliore.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Milton Ezrati, auteur, est collaborateur de la rédaction de The National Interest, une filiale du Centre d'études sur le capital humain de l'université de Buffalo (SUNY), et économiste en chef de Vested, une société de communication basée à New York. Avant de rejoindre Vested, il a été chef de la stratégie de marché et économiste pour Lord, Abbett & Co. Il écrit également fréquemment pour le City Journal et blogue régulièrement pour Forbes.
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