Pékin se range du côté de Moscou au sujet de la mort soudaine de Navalny

"Le PCC se range du côté de la Russie au sujet de la mort de Navalny parce que la situation en matière des droits de l'homme en Chine est encore pire qu’en Russie", explique un militant pour la démocratie en Chine

Par Jessica Mao et Lynn Xu
23 février 2024 15:40 Mis à jour: 23 février 2024 15:40

Alors que l’opinion publique mondiale condamnait généralement Moscou à la suite de la mort soudaine du leader de l’opposition russe Alexeï Navalny, Pékin a adopté la position inverse, qualifiant ce décès d’« affaire intérieure russe » – un geste destiné apparemment à défende le Kremlin.

Le 16 février, Moscou a annoncé que Navalny était décédé dans une prison située près du cercle polaire arctique, où il purgeait sa peine. Selon les autorités pénitentiaires, cet homme de 47 ans s’est senti mal et s’est effondré après une promenade et a presque immédiatement perdu connaissance ; le personnel médical n’a pas réussi à le réanimer.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a déclaré que les autorités pénitentiaires russes enquêtaient sur la mort de Navalny, mais qu’il n’avait reçu aucune information à ce sujet.

La mort inattendue d’Alexeï Navalny dans la fleur de l’âge, alors qu’il était un opposant majeur de Vladimir Poutine, a provoqué une onde de choc dans tout le pays et dans le monde entier, suscitant une condamnation généralisée du régime russe.

En outre, le décès de Navalny survient peu avant les prochaines élections générales russes, prévues en mars, alors que Poutine brigue un cinquième mandat présidentiel. Cela a ajouté aux commentaires sur la cause de cette mort le fait qu’il pourrait être logique pour Poutine d’éliminer toute opposition, même mise sous les verrous, à ce moment important.

Contrairement au tollé général, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a refusé de commenter le décès de Navalny lorsque l’AFP l’a interrogé à ce sujet le 17 février. Il a simplement déclaré qu’il s’agissait d’une « affaire interne à la Russie ».

Pékin est un allié fidèle de Moscou. Malgré les sanctions occidentales contre la Russie pour son invasion de l’Ukraine, Vladimir Poutine et le chef du Parti communiste chinois Xi Jinping se sont engagés dans un « partenariat sans limites » dans le cadre duquel il n’y a « aucun domaine de coopération prohibé ».

Faisant écho à l’attitude officielle, plusieurs messages, soupçonnés d’émaner des commentateurs engagés par le régime chinois, ont été publiés sur de grands portails chinois Baidu et NetEase, et ont circulé sur les plateformes de médias sociaux du pays, dépeignant Poutine comme une victime de la mort de Navalny à la suite d’une conspiration occidentale.

Les réactions de l’Occident

Les dignitaires occidentaux ont réagi le jour même où le Kremlin a annoncé la mort d’Alexeï Navalny.

Le président américain Joe Biden a condamné Poutine en déclarant : « Ce qui est arrivé à Navalny est une nouvelle preuve de la brutalité de Poutine. » Le Premier ministre australien Anthony Albanese a estimé que Poutine et le régime russe étaient responsables de la mort de Navalny.

Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a exprimé ses condoléances à la suite de la mort de Navalny et a demandé une enquête crédible. Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies s’est dit « consterné ».

Dans un message publié sur X (ex-Twitter), Charles Michel, le président du Conseil européen, a écrit : « L’UE tient le régime russe pour seul responsable de ce décès tragique. » Il a loué Navalny pour son « sacrifice ultime » en luttant pour les valeurs de la liberté et de la démocratie.

Le matin du 17 février, des foules de gens en deuil et de manifestants se sont rassemblées devant les ambassades russes dans de nombreuses villes d’Amérique et d’Europe.

En Russie, les gens sont allés spontanément déposer des fleurs sur les tombes des victimes des purges soviétiques pour pleurer la mort de Navalny. Plus de 300 personnes ont été arrêtées alors qu’elles lui rendaient hommage.

Le chef de l’opposition russe Alexeï Navalny (au c.) son épouse Yulia (à sa dr.), l’opposante politique Lyubov Sobol (à sa g.) et d’autres manifestants défilent dans le centre de Moscou en mémoire de Boris Nemtsov, critique du Kremlin assassiné, le 29 février 2020. (Kirill Kudryavtsev /AFP via Getty Images)

Alexeï Navalny a acquis une grande popularité en Russie en critiquant la corruption sous le régime de Poutine. Il a été incarcéré pour une peine de 30 ans en 2021 dans le cadre de multiples accusations. Les groupes de défense des droits de l’homme et les pays occidentaux ont dénoncé cette peine en tant que représailles pour son opposition au Kremlin.

Navalny a été auparavant empoisonné en Russie et soigné par la suite en Allemagne pour une attaque à l’agent neurotoxique, identifié par les médecins allemands comme Novichok, un poison développé à l’époque soviétique. Le Kremlin a nié toute implication.

Les relations entre Pékin et Moscou

Dans une interview donnée à Epoch Times, Wang Juntao, dissident chinois et président du comité national du Parti démocratique chinois, s’est référé à l’interview accordée par Poutine au présentateur américain Tucker Carlson au début de février. Poutine a essayé de détourner l’attention de l’Occident de la Russie vers la Chine en laissant entendre que la Chine communiste constituait une plus grande menace. « L’Occident a plus peur d’une Chine forte que d’une Russie forte, car la Russie compte 150 millions d’habitants et la Chine 1,5 milliard », a-t-il dit.

Cependant, a noté Wang Juntao, « le Parti communiste chinois (PCC) a besoin de la Russie comme alliée – donc, peu importe ce que la Russie dit ou fait, Pékin restera silencieux ».

L’analyste politique Qin Peng partage également l’avis que Pékin a une raison d’ignorer les propos tenus par Poutine dans les médias américains : « Il [le régime chinois] a besoin d’intégrer des forces anti-américaines pour lutter contre les États-Unis et le monde occidental – c’est sa stratégie établie qui ne changera pas. »

En ce qui concerne la mort de Navalny, Qin Peng a fait remarquer que Pékin ne condamnerait pas Poutine pour cette mort, car « le régime du PCC a également détenu de nombreux prisonniers politiques, ainsi que des prisonniers d’opinion, y compris des pratiquants de Falun Gong, dont beaucoup sont morts en détention ». De nombreux décès dans les prisons chinoises sont également suspects et n’ont pas eu d’explication officielle convaincante.

Wang Juntao estime que le PCC n’a pas d’autre choix que de se ranger du côté de la Russie dans le cas de la mort de Navalny, car la situation en matière des droits de l’homme en Chine est encore pire qu’en Russie et que l’État-parti chinois considère la Russie comme son allié stratégique.

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