La politique zéro Covid chinoise, le principal risque pour le monde en 2022, selon les experts

Les pays commencé à restructurer leurs chaînes d'approvisionnement, à délocaliser leur production hors de Chine

Par Anne Zhang
6 avril 2022 21:40 Mis à jour: 6 avril 2022 21:40

La tolérance zéro de la Chine à l’égard du Covid‑19 entraîne sans discontinuer le confinement de certaines grandes villes, ce qui exacerbe les problèmes de production et d’expédition dans le monde entier. Les experts préviennent que les mesures extrêmes et obstinées prises par Pékin pour contenir le virus constituent sans doute le plus grand risque auquel le monde est confronté en 2022.

Dans un rapport publié en janvier, la société américaine de conseil et d’analyse des risques politiques Eurasia Group a classé la politique zéro Covid de la Chine comme le principal risque pour le monde en 2022.

Selon le rapport (pdf) la politique zéro Covid adoptée par Pékin face au variant Omicron, finira par échouer, entraînant une reprise épidémique plus importante avec des mesures de confinement plus sévères. À nouveau, l’État interviendra massivement au prix de perturbations économiques plus importantes.

Les problèmes à l’intérieur de la Chine qui s’ajouteront aux perturbations actuelles de la chaîne d’approvisionnement constitueront un ensemble de risques permanents partout à travers le monde. Toutes ses politiques anti‑Covid entraîneront des restrictions au niveau des expéditions ainsi que des pénuries de personnel, de matières premières et d’équipements. Cela entraînera une réduction des marchandises dans le monde entier.

Katrina Ell, économiste principale pour l’Asie‑Pacifique chez Moody’s Analytics, a déclaré à CNBC le 16 janvier que la politique zéro Covid très stricte de la Chine avait un impact sur les opérations de fabrication et d’expédition dans le monde entier, exacerbant la crise de la chaîne d’approvisionnement.

Mme Ell a ajouté que la tendance de Pékin à fermer les ports et les usines indispensables dans l’optique de stopper le Covid amplifierait et prolongerait la crise actuelle.

Selon l’Administration générale des douanes chinoises, en 2021, le pays a exporté pour plus de 363 milliards de dollars de vêtements, de chaussures, de textiles ; pour 255 milliards de dollars d’équipements et de pièces informatiques ; pour 146 milliards de dollars de téléphones portables ; pour près de 100 milliards de dollars d’appareils ménagers ; pour 81 milliards de dollars d’acier ; pour 75 milliards de dollars de pièces automobiles ; et pour près de 74 milliards de dollars de meubles et autres produits.

Une étude réalisée en 2020 (pdf) par la société de données américaine Dun & Bradstreet a montré qu’au moins 51 000 entreprises dans le monde ont un ou plusieurs fournisseurs de rang 1 en Chine, et qu’au moins cinq millions d’entreprises dans le monde, un ou plusieurs fournisseurs de rang 2.

Selon le prestataire logistique Insight Solutions, le fournisseur de premier rang tient le rôle le plus critique de la chaîne d’approvisionnement.

Un fournisseur de premier rang dispense au fabricant d’équipements d’origine (OEM) ce dont il a besoin pour fabriquer le produit. Les fournisseurs de rang 1 livrent généralement des composants qui sont très proches des produits finaux. Les composants fournis par les fournisseurs de rang 1 plus le processus d’assemblage et de fabrication des OEM, et voilà le produit fabriqué. En dernier lieu, les grandes compagnies apposeront leur label. Par exemple, Foxconn est l’OEM qui fabrique les iPhones pour Apple.

Les fournisseurs de rang 2 ou 3 livrent les éléments nécessaires aux différents sous‑traitants de la même chaîne d’approvisionnement. Ils n’ont généralement pas de contact direct avec les OEM, mais ils sont indispensables dans la fabrication du produit final.

Des millions d’entreprises dans le monde dépendent de fournisseurs chinois. Si Pékin poursuit ses politiques anti‑Covid strictes, la chaîne d’approvisionnement mondiale sera terriblement touchée.

Dépendance mondiale aux produits chinois

En 2021, les exportations chinoises vers les États‑Unis, le Royaume‑Uni et l’Inde étaient plus de trois fois supérieures aux exportations combinées de ces pays vers la Chine, selon l’Administration générale des douanes de Chine. De même, les exportations chinoises vers l’Union européenne et le Canada dépassent également de loin ce que la Chine importe de ces pays.

Les exportations totales de la Chine vers les États‑Unis en 2021 ont dépassé 576,1 milliards de dollars, alors que ses importations totales en provenance des États‑Unis n’étaient que de 179,5 milliards de dollars, créant ainsi un excédent commercial de 396,6 milliards de dollars pour la Chine.

Les taux de fret élevés pour les trajets Chine‑USA reflètent également la forte dépendance des États‑Unis à l’égard des produits chinois.

Selon les déclarations pour Epoch Times d’un consultant en investissement privé vivant en Amérique du Nord, Mike Sun, le taux de fret pour les conteneurs de Shanghai, Ningbo, Qingdao et d’autres ports de l’est de la Chine vers l’Amérique du Nord se situait généralement entre 1 400 et 2 000 dollars ces dernières années. Cependant, le prix du fret par conteneur de la Chine vers les États‑Unis est plus de dix fois supérieur aujourd’hui.

De fait, selon les dernières données de Sofreight, une plateforme logistique d’expédition chinoise, le tarif actuel d’un seul conteneur de 12 mètres se situe entre 15 000 et 23 000 dollars des ports de l’est de la Chine vers les ports de l’ouest des États‑Unis.

En novembre 2021, Jason Chiang, directeur de la société Ocean Shipping Consultants basée à Singapour, a déclaré au Los Angeles Times que certaines compagnies maritimes avaient gagné suffisamment d’argent au cours de l’année écoulée pour rembourser leurs investissements des dix dernières années. Un gros cargo peut en un seul voyage de la Chine vers les États‑Unis rentabiliser le coût de construction de l’ensemble du navire.

Le transport maritime assure le déplacement d’au moins 90 % des marchandises mondiales. Le coût du transport maritime a grimpé en flèche au cours de l’année écoulée en raison de l’augmentation des frais de port.

Le transport maritime assure le déplacement d’au moins 90 % des marchandises mondiales, ce qui a entraîné l’engorgement des ports et le coût du transport maritime a décollé.

Vue aérienne de l’engorgement de porte-conteneurs ancrés près des ports de Long Beach et de Los Angeles en attendant de décharger, le 20 septembre 2021, près de Los Angeles, en Californie. (Photo : Mario Tama/Getty Images)

Par ailleurs, du fait des énormes bénéfices réalisés sur le transport, après avoir déchargé des marchandises dans les ports américains, de nombreux porte‑conteneurs hésitent à passer du temps à charger des marchandises américaines pour les ramener en Chine. Au lieu de cela, ils retournent rapidement en Chine avec des conteneurs vides afin d’effectuer plusieurs autres voyages entre la Chine et les États‑Unis, ce qui provoque également des phénomènes d’embouteillage à l’exportation.

Selon M. Sun, la cause profonde du problème est que les États‑Unis ont très tôt abandonné la fabrication des produits milieu de gamme ou bas de gamme, ce qui a entraîné le déplacement de nombreuses industries manufacturières vers l’Asie du Sud‑Est, notamment vers la Chine.

Importance d’une restructuration de la chaîne d’approvisionnement

Actuellement, de nombreux pays et entreprises restructurent leurs chaînes d’approvisionnement en s’éloignant de la Chine, compte tenu des nombreux risques.

Selon une étude de la Michigan State University (MSU) d’octobre dernier, l’ancien secrétaire américain au commerce Wilbur Ross a déclaré un jour à Fox Business que les épidémies de virus du PCC en Chine seraient positives pour l’économie américaine. Selon lui, le fait que les autorités chinoises imposaient la fermeture de leurs usines en raison des épidémies inciterait les entreprises étrangères à revoir leurs chaînes d’approvisionnement et contribuerait à accélérer le retour des emplois en Amérique du Nord.

Cette photo prise le 30 mars 2020 montre des employés travaillant sur une ligne de production de batteries dans une usine de Huaibei, dans la province chinoise de l’Anhui (est) (Photo par STR/AFP via Getty Images)

De même Daron Gifford, un partenaire de la société de conseil Plante Moran, a déclaré que la pandémie pourrait avoir un effet plus durable sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, même une fois la crise passée, selon l’étude de MSU citée par Crain’s Detroit Business.

« Une fois la crise terminée, il sera intéressant de voir si cela commence à modifier les plans de certains de nos fournisseurs sur la façon dont ils structurent leur chaîne d’approvisionnement », a déclaré M. Gifford. « Plus les choses durent et plus il y a de perturbations dans la chaîne d’approvisionnement, et plus on commence à réaffecter sa production. »

Cependant, certains pensent qu’une réaffectation à long terme et un « découplage » complet de la Chine ne sont pas réalisables, en particulier pour l’industrie technologique, selon l’étude de MSU citant Forbes.

Razat Gaurav, PDG de la société de LLamasoft, le leader mondial du supply chain design (modélisation et conception de chaîne logistique), a déclaré qu’il n’y a pas d’options à court terme lorsqu’on est confronté à la fermeture d’une installation complexe de l’ampleur de l’« iPhone City » de Zhengzhou ou à la délocalisation de la fabrication de semi‑conducteurs alors que « l’ouverture d’une installation coûte un milliard de dollars ».

Le plus grand fondeur mondial de semi‑conducteurs prend les devants

Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), le plus grand fabricant de puces au monde, a annoncé en mai 2020 qu’il construirait une usine de 12 milliards de dollars en Arizona, celle‑ci devrait démarrer la production en volume de puces de 5 nm en 2024. TSMC devrait commencer à emménager l’usine en mars 2023

TSMC a depuis décidé de répliquer rapidement ses usines de Taïwan en Arizona, et le groupe prévoit la construction de six usines sur le sol américain. Cette démarche souligne l’intention de TSMC de reproduire en Arizona la chaîne d’approvisionnement complète de Taïwan, en raison des inquiétudes suscitées par l’invasion potentielle de Pékin.

Un passant devant le logo du siège de TSMC, à Hsinchu, le 29 janvier 2021. (Photo par SAM YEH/AFP via Getty Images)

Le magazine taïwanais CommonWealth a récemment rapporté que la nouvelle usine de TSMC en Arizona avait reçu un fort soutien du gouvernement de cet État. Sa construction avance à toute hâte sans même que le chantier ait pris une pause pour les vacances de Noël ou du Nouvel An.

Selon le rapport citant des initiés de TSMC, la société a sollicité que sa fabrique en Arizona de plaquette de 5 nanomètres, la technologie la plus avancée du portefeuille de TSMC soit la réplique exacte de son usine de 5 nanomètres de Nanke, à Taïwan.

TSMC prévoit de faire venir 26 fournisseurs clés de Taïwan aux États‑Unis dans le cadre de son plan visant à rendre l’usine d’Arizona opérationnelle le plus rapidement possible. Le président Mark Liu a invité d’importants fournisseurs de produits chimiques pour semi‑conducteurs, de matériaux et d’usines de gaz spéciaux à installer des usines aux États‑Unis.

En plus d’exporter des talents de Taïwan, TSMC a fait en sorte que plus de 100 ingénieurs américains se rendent dans ses usines à Taïwan pour une formation sur place.

Pour accélérer la construction de son usine d’Arizona, TSMC fabriquera des copies modulaires des équipements de production de ses usines de Taïwan et les expédiera en Arizona par lots pour assemblage.

Selon le Taipei Times, le monde dépend de Taïwan pour 92 % des puces de pointe. Par conséquent, les États‑Unis semblent préoccupés par les risques géopolitiques posés par la forte dépendance à l’égard des puces fabriquées à Taïwan. Compte tenu de la menace militaire chinoise constante contre l’île autonome, Taïwan doit protéger ses technologies.

Sa sécurité étant en jeu, TSMC entend exporter le plus rapidement possible aux États‑Unis son usine de traitement de plaquettes de 5 nanomètres et sa chaîne d’approvisionnement complexe.

Les pays commencent à déplacer leurs chaînes d’approvisionnement hors de Chine

En novembre 2021, la Chung‑Hua Institution for Economic Research, un think tank taïwanais, a publié un article analysant la restructuration de la chaîne d’approvisionnement mondiale depuis le début de la guerre commerciale entre les États‑Unis et la Chine et l’apparition de la pandémie du virus du PCC. L’article décrit une nette tendance des entreprises des secteurs critiques à ramener leurs chaînes d’approvisionnement dans leur pays d’origine, en particulier celles qui sont cruciales pour la sécurité nationale.

Par exemple, les pays s’engagent à renforcer leur approvisionnement indépendant en médicaments et en équipements médicaux. L’Union européenne accélère les capacités de production locale de médicaments et d’équipements médicaux. Les États‑Unis cherchent à rapatrier l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement médicale. Le Japon subventionne les matières premières et les équipements des usines locales qui produisent des masques, des désinfectants, des vêtements de protection, des respirateurs et d’autres produits médicaux, notamment des produits pharmaceutiques.

L’article souligne également la nécessité pour les pays de travailler avec des alliés et des partenaires partageant les mêmes idées pour construire des chaînes d’approvisionnement résilientes, étant donné les difficultés pour une nation de parvenir seule à la sécurité de la chaîne d’approvisionnement.

En juin 2021, la Maison Blanche a publié un rapport (pdf) passant en revue certaines des vulnérabilités de la chaîne d’approvisionnement américaine. Les quatre produits clés comprenaient la fabrication de semi‑conducteurs et l’emballage avancé, les batteries de grande capacité, les minéraux et matériaux critiques, ainsi que les produits pharmaceutiques et les ingrédients pharmaceutiques actifs (API).

Le président américain Donald Trump s’exprime alors qu’il visite un centre de distribution de fournitures médicales de la société Owens & Minor, Inc, à Allentown, en Pennsylvanie, le 14 mai 2020. (Photo par MANDEL NGAN / AFP) (Photo par MANDEL NGAN/AFP via Getty Images)

Le rapport formulait de nombreuses recommandations, notamment celle de travailler avec des alliés et des partenaires pour réduire les vulnérabilités dans les chaînes d’approvisionnement mondiales et, surtout, de reconstruire les capacités de production et d’innovation des États‑Unis.

En mai 2021, la Commission européenne a publié un document similaire (pdf) proposant des mesures pour réduire stratégiquement ses dépendances dans de nombreux domaines clés, tels que les matières premières, les batteries, les ingrédients pharmaceutiques actifs, l’hydrogène, les semi‑conducteurs, ainsi que les technologies de pointe et le cloud. Le rapport mettait également en avant la promotion d’une coopération plus forte au sein des membres de l’Union européenne pour renforcer les chaînes d’approvisionnement.

Dans la région Asie‑Pacifique, le Japon fournit activement des fonds pour aider les entreprises japonaises en Chine à s’installer chez elles ou à se délocaliser dans les pays de l’ANASE, en Inde ou ailleurs. Il discute également de plans visant à renforcer la coopération économique avec les pays de l’ANASE. L’Inde et l’Australie soutiennent également l’objectif du Japon de diversifier sa chaîne d’approvisionnement dans la région indo‑pacifique.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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