Pour le monde agricole français, les paysans sont écrasés sous le poids des normes

Par Julian Herrero
2 février 2024 08:01 Mis à jour: 2 février 2024 08:41

Depuis plusieurs semaines, les paysans français manifestent dans les quatre coins de la France pour exprimer leur colère et faire part de leurs revendications. Leurs demandes sont multiples, mais tous les agriculteurs semblent dénoncer avant toute chose, une accumulation de normes devenue insoutenable.

Des normes contraignantes au niveau européen

Lorsqu’ils sont interrogés par les médias, les agriculteurs parlent de divers sujets qui minent leur quotidien : sentiment de déclassement, des retraites trop basses, l’agribashing, mais ils finissent tous par dire que leur principal obstacle reste, aujourd’hui, l’excès de normes. Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau n’a pas manqué de rappeler ce mardi en pleine audition au sein de la commission des affaires économiques du Sénat que l’attente du monde agricole français en termes d’allégement des réglementations est « énorme ».

Lors de sa conférence de presse jeudi, le Premier ministre, Gabriel Attal a lui-même reconnu au début de sa prise de parole que l’inflation normative est devenue trop pesante pour nos agriculteurs. « Comment permettre à nos agriculteurs de continuer à faire leur travail quand les normes s’empilent, freinent et peuvent parfois leur faire perdre le sens de leur travail », a-t-il déclaré.

Pour le monde agricole français, la situation est difficile puisqu’ils sont dans l’obligation de respecter un ensemble de normes européennes. Contacté récemment par Epoch Times, Séverin Sergent, membre du syndicat Jeunes Agriculteurs (JA), n’hésitait pas à parler d ‘« avalanches » de normes pour qualifier ce phénomène dont la profession agricole est victime depuis plusieurs décennies.

Entre 80 et 90 % de ces réglementations, sont édictées par l’Union européenne, notamment à travers la politique agricole commune (PAC) qui donne à Bruxelles une marge de manœuvre importante en la matière.

14 normes pour les haies et des peines pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement

Il y a plusieurs types de réglementations européennes mais celles concernant la préservation de l’environnement sont les plus dénoncées et régulièrement qualifiées d’« absurdes » par les agriculteurs. L’exemple le plus frappant est celui du taillage de haies qui comporte 14 normes.

Dans un article publié le 24 janvier, l’association Contribuables Associés relate que « si les agriculteurs taillent leurs haies entre 1er avril et le 31 juillet, ils sont passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende pour atteinte à la conservation d’espèces animales non-domestiques et pour destruction de leur habitat ».

Le sujet de l’application du Pacte Vert pour l’Europe (ou Green Deal), cristallise également la colère du monde agricole. Lancé lors de la COP 25 à Madrid en 2019, il a fixé comme objectifs la réduction de 50 % l’utilisation des produits phytosanitaires d’ici à 2030 et que 25 % des terres agricoles des États membres soient cultivées en agriculture biologique.

Le durcissement des normes par la France

Au niveau français, les règles sont parfois encore plus exigeantes, à cause, du phénomène de surtransposition des directives européennes. Paris a tendance, depuis plusieurs années, à rendre encore plus contraignantes les normes de Bruxelles, ce qui provoque l’ire des agriculteurs. C’est par exemple le cas avec certains pesticides qui vont être interdits dans l’hexagone, mais autorisés dans d’autres pays de l’UE, tels que l’acétamipride ou le S-métolachlore. La Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) a d’ailleurs récemment demandé la ré-autorisation de l’acétamipride.

Un rapport d’information du Sénat de 2016, pointait déjà du doigt  la problématique de la surtransposition des normes européennes par la France et prenait comme exemple l’alourdissement des obligations européennes en matière d’« installations classées » et de « normes de qualité des eaux ».

« L’excessive sévérité de l’approche française fait l’objet d’une critique récurrente, là où d’autres États membres, tout en respectant les exigences des normes européennes, semblent en retenir une application plus souple et des interprétations plus favorables au monde agricole », est-il aussi écrit dans le rapport.

Cette surtransposition fait parfois l’objet de critiques de la part du personnel politique. En déplacement la semaine dernière dans une exploitation laitière normande, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe a fustigé « une tendance ancienne en France à surtransposer les réglementations européennes ».

La concurrence déloyale en conséquence

En plus d’être contraignantes en soi, les multiples normes imposées par Bruxelles et Paris ne sont pas sans lien avec la concurrence déloyale, elle aussi dénoncée par le monde agricole français depuis le mois de novembre. Cette distorsion des règles entre l’Europe et le reste du monde et entre les pays européens eux-mêmes provoquent des situations qui pénalisent lourdement les agriculteurs européens et le cas échéant, ceux de l’hexagone.

Les États avec lesquels l’Union européenne et la France échangent ou prévoient d’échanger des produits agricoles, sont nettement plus souples en matière de normes. Le Chili, pays au cœur d’un nouvel accord commercial avec l’Europe est l’un des pays au monde qui utilise le plus de pesticides. Les paysans français citent également souvent l’élevage de volailles comme exemple de concurrence déloyale. En France, les normes de production limitent les élevages à 40.000 poulets, alors qu’en Ukraine, les fermes peuvent en contenir jusqu’à deux millions.

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