Promouvoir le droit des femmes pour éliminer le fondamentalisme : mode d’emploi

8 mars 2016 12:03 Mis à jour: 14 mars 2016 21:26

Les femmes figurent parmi les premières victimes des fondamentalistes et des régimes brutaux du Moyen-Orient. Mais étant une cible de choix pour ces derniers, elles sont aussi, de fait, sur la ligne de front dans la lutte pour les droits de l’homme et de la démocratie dans la région.

À l’appel de Maryam Radjavic, présidente élue du Conseil national de la Résistance iranienne, le 27 février dernier, un rassemblement de personnalités féminines de divers horizons participait au colloque « Les femmes unies contre l’intégrisme islamiste en Iran ». Anticipant la journée mondiale de la Femme, un parterre d’invitées parmi lesquelles figuraient Ingrid Betancourt, Rama Yade, Christine Ockrent ainsi que des délégations de l’ONU et diverses figures féministes du Moyen-Orient ont évoqué les droits des femmes au Moyen-Orient.

Pour ces observatrices et actrices de cette région, un ennemi commun se dessine : le fondamentalisme. On a trop souvent entendu des témoignages à glacer le sang sur les traitements que réservent aux femmes des groupes comme les talibans ou Daesh. Mais d’après ces féministes, la problématique ne saurait s’arrêter aux frontières de la Syrie et de l’Afghanistan.

Le régime iranien, premier ennemi des femmes

Selon Yakin Ertuk, ancien rapporteur des Nations unies sur la violence contre les femmes, qui a enquêté en Iran, « le fondamentalisme n’a rien à voir avec la religion. Le fondamentalisme, c’est l’enjeu du pouvoir ». Les liens entre gouvernements et groupes extrémistes sont souvent troubles. « Il y a de nombreux exemples où les pouvoirs ont été soutenus par les groupes radicaux pour contrôler la population », continue la juriste.

L’Iran joue un rôle clé au Moyen-Orient à plusieurs titres. C’est le pays comptant le plus de femmes emprisonnées – si l’on met de côté la Syrie actuelle, et c’est aussi un pays légitimant dans sa Constitution les violences envers les femmes. En Arabie saoudite, de nombreuses lois touchent aux droits – ou non-droits, selon le point de vue – des femmes, par exemple, les femmes n’ont pas le droit de conduire une voiture.

En Iran, la Constitution donne libre cours à la loi des mollahs. L’article 167 de la Constitution stipule que « le juge a le devoir de trouver le jugement relatif à chaque litige dans les lois codifiées, et s’il n’en trouve pas, de rendre un jugement de l’affaire en s’appuyant sur des sources valides islamiques ou des décrets des fatwas valides ».

La scolarisation des femmes

L’harmonie entre hommes et femmes est, de l’avis de beaucoup, un facteur social élémentaire au développement de la société. « L’égalité des femmes est la pierre fondamentale de toutes les libertés », estime Ingrid Betancourt, qui réfute l’idée d’une « différence culturelle » : « Nous entendons trop souvent dire que les droits des femmes occidentales sont le fruit de notre culture, comme si l’absence des droits des femmes dans le monde était un problème culturel ».

Des expériences de terrains pourraient confirmer ces propos. Les mécanismes à l’œuvre sont plus subtils dans les populations, particulièrement quand celles-ci sont fragilisées. Ann Cotton, fondatrice et présidente de l’ONG Camfed, une association promulguant l’éducation des filles, a constaté que la pauvreté des régions subsaharienne est le premier facteur de l’inégalité. Dans ses observations, elle note que les familles pauvres envoient les garçons, plus que les filles, à l’école, ne pouvant s’astreindre des frais de scolarité pour leurs deux enfants.

Or, dans ses observations, il apparaît qu’une fille éduquée a des revenus 25% supérieurs à ceux d’une fille analphabète. Elle a ainsi trois fois moins de risques d’être malade du sida et elle peut mieux se protéger contre les maladies. « Ses enfants seront en meilleure santé, et à leur tour, ils ont plus de chances d’aller à l’école. Enfin, elle contribue à la bonne santé économique du pays et au processus démocratique », remarque-t-elle.

Rama Yade, ancienne secrétaire aux Droits de l’Homme, cite l’exemple du prix Nobel de la Paix 2014, Malala, qui a soutenu l’éducation des filles pakistanaises contre les talibans, qui détruisent les écoles pour filles. « C’est une question majeure », soulève l’ancienne présidente aux Droits de l’homme. « Quand vous éduquez une femme, vous éduquez toute une communauté et vous donnez l’exemple à d’autres femmes, qui oseront agir à leur tour. Car malgré les difficultés, elles tiennent les communautés sur leurs épaules », ajoute-t-elle.

L’engagement par l’exemple

Bien que les pressions politiques des pays de la communauté internationale semblent à ce stade inévitables pour envoyer un message aux régimes ne respectant pas les droits des femmes, le changement viendra probablement de l’intérieur. Plusieurs signes confirment une tendance prenant pied au Moyen-Orient. Par exemple, les filles iraniennes qui osent se présenter sans voile sur les réseaux sociaux. Ou encore en Arabie saoudite, quand en janvier 2015, la première dame américaine a décidé d’apparaître non voilée : un défi assumé à l’autorité en place, qui ne laisse aucune image de ce type circuler.

Dans ce dernier pays, l’histoire semble donner raison aux défenseurs des droits de la femme. Bien qu’une femme n’ait pas le droit de passer le permis de conduire, et que l’inégalité soit omniprésente, une dynamique contraire peut être observée. Par exemple, avant 1956, aucune fille n’aurait pu aller à l’école. À la suite de diverses réformes, la parité fut atteinte pour les élèves du premier cycle dès 1990. Bien que favorisant la non-mixité, l’éducation nationale saoudienne tend aujourd’hui à homogénéiser les programmes.

Après le 11 septembre 2001, le gouvernement saoudien a accéléré ses réformes. Ainsi, les femmes ont pu avoir leur première carte d’identité ; c’est également une femme qui a représenté l’Arabie saoudite en 2003 aux Nations unies. D’après Amani Hamdan, auteur d’ouvrages de recherche sur la condition féminine saoudienne, « aucun secteur de la société saoudienne n’a été l’objet d’autant de débats et de discussions au cours des dernières années que la question des femmes et leur rôle dans le processus de développement ».

Ces mutations complexes de la société saoudienne prennent racine dans le recul des positions conservatrices des grands religieux aussi bien dues à l’effort des femmes du pays ayant soutenu les mesures les plus favorables venant de la part de la monarchie à travers les années. Pour autant, l’inégalité semble encore être une norme indépassable, à en croire les témoignages des féministes de ce pays. Elles estiment qu’à ce jour, c’est moins à l’échelle étatique que dans la sphère familiale que l’évolution du rapport homme-femme se joue.

L’exemple est encore l’une des meilleures forces de persuasion. Beaucoup des invités de la conférence parisienne, dont Ingrid Betancourt, auront loué Maryam Radjavic pour sa position, résolument tournée vers un avenir démocratique pour l’Iran. Dans le mouvement qu’elle préside, 51% des membres sont des femmes, et parmi celles-ci, certaines portent le voile, d’autres non. Le voile n’y étant qu’un simple élément d’habillage.

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