« Irresponsabilité », « pourquoi pas » : les forces politiques divisées sur l’invitation du président syrien par Emmanuel Macron

Par Epoch Times avec AFP
6 mai 2025 11:24 Mis à jour: 6 mai 2025 21:51

À droite, les Républicains et le Rassemblement National se sont montrés mardi farouchement opposés à la venue du président syrien tandis que la gauche et le centre paraissent plus favorables.

La présidente des députés RN, Marine Le Pen, a critiqué la réception par Emmanuel Macron du président syrien Ahmad al-Chareh, qu’elle qualifie de « un jihadiste passé par Daech et Al-Qaïda ».

« Stupeur et consternation », écrit la responsable de droite nationaliste sur X, dénonçant « la provocation » et « l’irresponsabilité » selon elle du président de la République qui accueillera mercredi celui qui est à la tête de la Syrie depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

« Une fois encore, Emmanuel Macron abîme l’image de la France et discrédite son engagement, notamment auprès de ses alliés, dans la lutte contre l’islamisme », ajoute-t-elle. « Les milices islamistes qui ont semé la mort parmi nos compatriotes au cours d’attentats sanglants, massacrent les minorités », précise encore Mme Le Pen.

Il s’agit de la première visite en Europe du président syrien. Selon l’Élysée, le chef de l’État « redira le soutien de la France à la construction d’une nouvelle Syrie, une Syrie libre, stable, souveraine et respectueuse de toutes les composantes de la société syrienne ».

À droite, Laurent Wauquiez s’insurge également contre cette décision : « Après le fiasco algérien et l’humiliation de la riposte graduée, voilà que le président de la République reçoit le dirigeant syrien issu d’Al-Qaïda. Plus qu’une faute, c’est une lourde erreur », écrit-il sur X.

La gauche et le centre ne sont pas choqués par la venue du président Syrien. « La diplomatie, c’est l’art – si je puis dire – en tout cas l’obligation de parler avec tout le monde », affirme le député écologiste Benjamin Lucas, d’après France Info. « Que le président le rencontre, pourquoi pas », estime le député LFI Bastien Lachaud, tout en précisant que le président doit être ferme sur la question des droits humains élémentaires et notamment sur le respect du droit des minorités.

« La Syrie est quand même du point de vue ethnique extrêmement diverse, du point de vue confessionnel aussi » a déclaré le député Liot Charles de Courson à France Info. Et bien que « des choses abominables ont été faites par les uns et par les autres », il faut à un moment « se tourner vers l’avenir et voir comment on peut rétablir la paix civile », ajoute-t-il.

« Les minorités ne sont pas protégées »

Depuis qu’elle a pris le pouvoir, la coalition islamiste qui gouverne la Syrie, dirigée par Ahmad al-Chareh, tente de présenter un visage rassurant, notamment à l’égard de la communauté internationale qui l’exhorte à respecter les libertés et protéger les minorités. En jeu, la levée des sanctions imposées au pouvoir de Bachar al-Assad. Mais des massacres qui ont fait 1700 morts, majoritairement alaouites, dans l’ouest du pays en mars, de récents combats avec des druzes, et des sévices documentés par des ONG, soulèvent des doutes sur la capacité des nouvelles autorités à contrôler certains combattants extrémistes qui leur sont affiliés.

Les forces de sécurité loyales au gouvernement intérimaire syrien montent à l’arrière d’un véhicule circulant sur une route dans la ville de Lattaquié, à l’ouest de la Syrie, le 9 mars 2025. (Photo OMAR HAJ KADOUR/AFP via Getty Images)

Une note du renseignement américain stipule que « les minorités ne sont pas protégées », selon Europe 1. Celles-ci « subissent les mêmes horreurs », peut-on lire, « que pendant l’âge prospère de l’État islamique ». Par ailleurs, rien ne montre concrètement qu’à ce jour al-Joulani ait l’intention de démanteler ou de combattre « les groupes terroristes qui pullulent [aujourd’hui] en Syrie », rapportent également nos confrères.

« Les Européens restent des grands naïfs »

« Les Européens restent des grands naïfs s’ils se laissent duper par Ahmed el-Charaa », écrit Fabrice Balanche, maître de conférences en géographie à l’Université Lyon 2 et spécialiste de la Syrie et du Moyen-Orient, sur X. « Il reste fondamentalement un djihadiste » qui a « passé près de 20 ans auprès de cadres d’al-Qaïda », ajoute-t-il. « Il ne va pas se transformer en démocrate, ni même en un despote éclairé ».

Fabrice Balanche évoque aussi « une espèce de course en Europe entre la France et l’Allemagne pour savoir quel sera le pays qui renouera le plus vite avec la Syrie », dans une interview au Figaro. « La France cherche également des parts de marché en Syrie, notamment sur le marché de la reconstruction », précise-t-il à l’instar du groupe CMA CGM « qui a signé la semaine dernière le renouvellement de leur concession pour le port de Lattaquié ».

Il juge que le massacre des Alaouites début mars ou les attaques contre les Druzes montrent « que le droit des minorités, leur sécurité, et le droit des femmes n’est pas très respecté ». Les Européens « sont très naïfs vis-à-vis de ce nouveau régime, pensant qu’il est en train de se déradicaliser par le haut », alerte-t-il encore. Il explique que les Européens préfèrent cette situation à « une nouvelle Libye » mais il promeut « un scénario alternatif, entre une dictature islamique et un chaos à la libyenne » : celui d’une « Syrie plus décentralisée, plus fédérale » qui seule garantirait le droit des minorités et permettrait de créer des contre-pouvoirs.

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.