Le quartier du Bateau, à Nanterre, se donne une vie nouvelle

17 août 2017 11:19 Mis à jour: 17 août 2017 11:19

La ville de Nanterre, en Hauts-de-Seine, a programmé la démolition d’un immeuble nommé « Le Bateau », un grand ensemble de 184 logements construit en 1962. Cette démolition participe au changement souhaité par la ville dans le paysage des cités qui consiste à donner un quartier plus humain. C’est une manière de brasser les populations, donner une vie nouvelle et une mixité sociale au quartier. Le Bateau est l’opération emblématique de la destruction par étapes entre fin mars et début avril 2013 d’une barre de 184 logements et la reconstruction progressive de petits immeubles.

Histoire d’une innovation
Une des contraintes du projet était la sécurité, là il y a eu de nombreuses réunions entre l’office et la ville : c’était une grande préoccupation, puisqu’avant, il y avait dans ce quartier de nombreuses difficultés sociales et divers trafics de tout ordre…

Lors d’une visite de chantier, l’architecte Daudré-Vignier a déclaré: « L’énorme barre construite dans les années 1962 était de l’autre côté de la rue. C’était un bâtiment construit sur pilotis, d’inspiration Le Corbusier, avec des appartements qui s’emboitaient les uns dans les autres et d’immenses couloirs sans recoupement. Cet agencement était devenu totalement criminogène avec le temps, le bâtiment avait vécu sa vie : arrivée dans les années 1985-1990 la délinquance était à son paroxysme. »

« Devant toutes les difficultés sociales générées par les lieux, le préfet a sommé l’office de prendre des mesures énergiques. Le président du Conseil Général Jean-Paul Dova, également président de l’office, a décidé de prendre des mesures énergiques », a-t-il précisé.

Un immeuble résidentiel remplace les anciennes barres. (Cabinet d’architecture Daudré-Vignier)

Des familles attachées au lieu
« Ainsi après enquête le président de l’office a décidé de raser ce bâtiment, mais ce ne fut pas sans difficultés. La population était attachée aux lieux, les délinquants voulaient garder leur territoire et les familles leur patrimoine, leur histoire. Elles sont venues en France dans les années 1985-1990 s’y sont installées, leurs enfants y sont nés… », a ajouté l’architecte.

« C’est pourquoi les réunions publiques furent très houleuses, même violentes pour s’opposer au projet. L’office a bien réagi et un accompagnement social important s’est mis en place. Un film a été réalisé par un cinéaste, il a été tourné sur le quartier et projeté au cinéma de Nanterre, montrant l’histoire d’un quartier, d’une population : ce fut bénéfique à tous… Il y eut un vrai transfert psychanalytique entre la peur de la perte de mémoire, par la disparition du bâtiment et le passage sur un support pérenne de l’histoire d’une population, du coup les choses se sont apaisées peu à peu », a précisé Antoine Daudré-Vignier.

« Mais les débuts de chantier furent quand même houleux : des pelles de chantier ont été brulées, les CRS sont intervenus… Progressivement, quand ils ont constaté que l’opération était irrémédiable, que le changement était en route, les jeunes ont lâchés prise. Ainsi on a pu réaliser une première tranche de 100 logements, puis lancé une deuxième tranche de grands logements familiaux pour pouvoir transférer la population qui était encore en attente de démolition et de reconstruction », a-t-il poursuivi.

Le changement: des petits bâtiments de 1 à 4 étages et des maisons individuelles
L’ensemble a été entièrement restructuré, avec la construction de maisons individuelles et de petits bâtiments de 1 à 4 étages. Le tout organisé autour d’un mail planté prolongeant l’allée Jean Jaurès avec la réalisation d’une «placette» à l’angle de la rue Thomas Lemaître. Le projet s’est déroulé en deux phases: 98 logements locatifs sociaux ont été livrés en juillet 2011, puis 95 logements sociaux et 58 logements en accession encadrée livrés en 2016. Le projet comprend aussi la réalisation d’un parking de 350 places et de locaux commerciaux en rez-de-chaussée. Cette opération est avantageuse, elle a permis la construction de 250 logements sur les 184 logements démolis.

Les immeubles résidentiels sont entourés de verdure. (Cabinet d’architecture Daudré-Vignier)

L’ensemble créé dans l’esprit de la cité-jardin
C’est l’agence d’architecture Daudré-Vignier & associés et Giac Architectes qui a été choisie pour travailler l’ensemble de ce territoire dans l’esprit de la cité-jardin, en reprenant les références et expressions des préoccupations sociales de l’époque. « C’est plus un projet privé d’office qu’un projet urbain avec la ville, on a créé des espaces verts, la conception s’est faite avant l’arrivée des éco-quartiers. En effet cette opération a pris beaucoup de temps, un peu moins de 10 ans. Il y a 10 ans, les conceptions d’éco-quartier d’espace libre comme on le voit maintenant, les espaces très plantés n’existaient pas. Là nous avons des grilles autour des espaces verts », ont déclaré les architectes. « On a mené avec la ville une vraie réflexion sur l’environnement, le cadre bâti, le rapport privé et public, tout cela a pris du temps ».

Retrouver un urbanisme à l’échelle humaine
L’opération s’est inscrite dans une politique de rénovation urbaine dont la démolition de l’immeuble « Le Bateau » a exprimé la volonté de retrouver un urbanisme, en harmonie avec l’environnement. La recomposition de ce nouveau quartier a donné au lieu une identité forte qui est désormais appropriable par les habitants. Il s’agissait de donner une qualité aux espaces extérieurs largement plantés, épannelages et volumétries à l’échelle humaine: une écriture architecturale novatrice et économique.

Les deux immeubles en bordure de la rue Henri Barbusse témoignent de l’évolution du logement social des années 1930 et imposent une écriture architecturale dont la modernité se détache de toute connotation sociale. Par sa portée symbolique, il redonne au lieu une qualité architecturale contemporaine. La qualité du traitement de l’ensemble immobilier apporte une réponse urbaine, fonctionnelle, cohérente et rigoureuse. L’importance apportée au traitement paysager du site permet de lui rendre le charme original des cités jardins, un poumon vert au cœur de ce quartier de Nanterre.

Une surface au sol d’environ 22.000 m2
Le projet occupe au sol une superficie totale d’environ 22.000 m2. La rue Jean Jaurès est l’épine dorsale du projet sur lequel s’articule l’ensemble de la composition du plan masse. La liaison est douce au Nord-Est et carrossable en lien avec la rue jules Guesde. La perspective visuelle offre une lecture paysagère du site, une présence végétale forte est traitée en alignement. La place centrale assure le lien avec l’ensemble du quartier et regroupe les surfaces commerciales demandées au programme. Les bâtiments s’inscrivent en harmonie avec ceux des bâtiments environnants. Cette écriture donne à cet ensemble immobilier une échelle maîtrisée de 4 niveaux maximum sur rez-de-chaussée.

Site résidentiel, espace privatisé
Les architectes ont défini et limité un certain nombre de parcours, en relation avec la vie du quartier et du fonctionnement des équipements. La rue Jean Jaurès est bordée par une liaison douce sous couvert végétal. La création d’une rue piétonne relie la rue du Vieux Pont à Jean Jaurès et assure une traversée d’îlots paysagés, avec la création d’une aire de jeux sécurisée au cœur du site pour les enfants. La clôture des îlots rend le site résidentiel (les espaces plantés à l’intérieur des immeubles ou groupe d’immeubles ne sont accessibles qu’aux riverains.) La création de terrasses privatives, de jardins affectés aux logements du rez-de-chaussée et le plan du parking conçu de manière à préserver des zones de pleine terre pour la plantation d’arbres, donnent un cachet très privatif.

Des balcons et des terrasses agrémentent les façades. (Cabinet d’architecture Daudré-Vignier)

Des appartements bien séparés, prévu pour le handicap
L’organisation spatiale des logements est mono-orientée ou traversant. Ils disposent d’un espace jour séparé de l’espace nuit, aucune pièce principale n’est commandée par une autre. Les logements disposent au minimum d’un rangement par chambre en plus de celui de l’entrée. Ils bénéficient soit de balcon, soit de loggia. Les surfaces minimales de 9 m2 pour les chambres et de 20 m2 pour les séjours ont été prises en compte. De même, les largeurs minimales de 2,60 m pour les chambres et 3,60 m pour les séjours ont également été respectées.

Chaque logement dispose dès sa construction d’une chambre accessible aux personnes à mobilité réduite. Le projet a été conçu de manière à atteindre les objectifs d’un classement Qualité RT 2005. Les pièces de nuit sont équipées d’occultations par volets roulants assurant à la fois l’occultation et le confort thermique par leur fonction de double peau avec la façade.

Les façades travaillées offrent une texture répulsive aux tags
L’écriture des façades est ordonnancée, elles se divisent en trois parties distinctes. Le soubassement, composé du rez-de-chaussée sous le corps principal du bâtiment, est revêtu de briques de parement sombre à l’entretien aisé. Son état de surface a été travaillé de manière à offrir une texture répulsive aux tags. Il est surplombé par une corniche en béton clair, à une hauteur de 2,5 m et 3,5 m pour les immeubles accueillant les commerces.

Les angles nobles sont affirmés par une surélévation en volume, couronnée d’une toiture zinc, décollée du corps principal du bâtiment. Ces volumes regroupent les panneaux solaires qui assurent le complément de la production d’eau chaude. Dont les nuisances de vue sont cachées par les larges acrotères débordants. Les toitures terrasses des immeubles sont réalisées avec une protection d’étanchéité en couverture végétale de type Sopranature. Les menuiseries extérieures sont réalisées en acier laqué au rez-de-chaussée, y compris la porte d’entrée. Les baies en élévation sont réalisées en PVC. Les garde-corps en serrurerie sont en acier laqué au four.

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