Drapeau palestinien sur les mairies : Olivier Faure au cœur d’une polémique nationale

Plusieurs représentants de la communauté juive se sont indignés lundi 15 septembre après un message d'Olivier Faure sur X, relançant un débat déjà vif autour de la reconnaissance prochaine de l'État palestinien par la France, prévue le 22.
Photo: IAN LANGSDON/AFP via Getty Images
Plusieurs représentants de la communauté juive se sont par ailleurs indignés lundi 15 septembre après un message d’Olivier Faure sur X, relançant un débat déjà vif autour de la reconnaissance prochaine de l’État palestinien par la France, prévue le 22 septembre prochain. Une controverse qui illustre les fractures profondes de la société française sur la question israélo-palestinienne et met en lumière les tensions croissantes au sein de l’échiquier politique.
« Le 22 septembre, quand la France reconnaîtra enfin l’État palestinien, faisons flotter le drapeau palestinien sur nos mairies », a écrit sur X le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, dimanche soir. Cette proposition, lancée en réaction aux manifestations pro-palestiniennes qui ont perturbé plusieurs événements sportifs européens ces dernières semaines, a immédiatement déclenché un tollé politique et communautaire.
Un échange qui dégénère sur les réseaux sociaux
Pendant le week-end, Olivier Faure s’était fait huer par des militants à la Fête de l’Humanité pour avoir reproché aux Insoumis de ne pas avoir « compris qu’il y avait un acte terroriste perpétré par le Hamas », lors des attaques du 7 octobre 2023 en Israël. C’est dans ce contexte tendu que le responsable socialiste a publié son message controversé.
La polémique a pris une dimension particulière lorsque Julien Bahloul, ancien porte-parole de l’armée israélienne, a fait remarquer à Olivier Faure que cette date correspondait aussi cette année à Roch Hachana, le Nouvel an juif. La réponse du premier secrétaire du PS n’a fait qu’envenimer la situation : « Tant que vous penserez que vous ne pouvez fêter le nouvel an juif et l’an 1 d’un État palestinien, vous ne sèmerez que la haine, le désespoir et la mort ».
Cette formulation particulièrement maladroite a immédiatement été perçue comme une mise en opposition entre la célébration religieuse juive et la cause palestinienne, alimentant les accusations d’antisémitisme qui ont suivi.
Une condamnation unanime de la communauté juive
« Croire qu’on doit choisir entre fêter Roch Hachana et espérer un État palestinien, c’est confondre calendrier religieux et conflit géopolitique. Opposer les deux, c’est semer l’aveuglement, pas la paix », a affirmé sur X le grand rabbin de France Haïm Korsia, exprimant une critique mesurée mais ferme.
Le président du Crif a réagi sur X (ex-Twitter) : « Je n’ai pas souvenir que vous ayez demandé aux mairies d’afficher les portraits des otages retenus à Gaza. Ni les drapeaux du Sud Soudan ou du Kosovo quand la France les a reconnus. Olivier Faure, la France a besoin d’apaisement, pas de surenchère démagogique ou clientéliste ».
Le président du Consistoire central Elie Korchia a été plus virulent, dénonçant « un exemple flagrant de l’essentialisation des juifs et de cette haine d’Israël qui se transforme sous nos yeux en de l’antisémitisme ». Cette accusation grave reflète l’exaspération croissante d’une partie de la communauté juive face à ce qu’elle perçoit comme une banalisation de l’antisémitisme dans le débat public.
« Qu’attendent les membres du Parti socialiste pour dénoncer les saillies de leur premier secrétaire ? » s’est interrogé Ariel Goldmann, le président du Fonds social juif unifié (FSJU), pointant l’absence de réaction officielle du parti.
Des organisations juives mobilisées
« Ça suffit. Une ligne rouge est franchie », a affirmé lundi Philippe Meyer, le président en France de l’ONG B’nai B’rith, pour qui « des excuses s’imposent ». Cette réaction traduit un sentiment de ras-le-bol face à ce que ces organisations considèrent comme une dérive du discours politique français sur la question israélo-palestinienne.
L’association « Nous vivrons », créée après le 7 octobre 2023, a accusé le responsable socialiste de « participer à la banalisation de l’antisémitisme », tandis qu’Anne-Sophie Sebban-Bécache, vice-présidente Europe de l’American Jewish Committee, dénonçait des propos « odieux ».
Cette mobilisation communautaire témoigne de l’inquiétude grandissante des institutions juives françaises face à la montée des tensions liées au conflit israélo-palestinien sur le territoire national.
Une tentative de clarification tardive
Face à l’ampleur de la controverse, Olivier Faure a tenté lundi matin d’éteindre l’incendie sur X, expliquant que le « vous » de son message contesté « s’adresse au seul » internaute à qui il répondait. « À force de s’indigner à mauvais escient on banalise l’antisémitisme, ce qui à mes yeux est gravissime », a-t-il ajouté.
Cette explication, jugée insuffisante par ses détracteurs, illustre la difficulté pour les responsables politiques de naviguer dans les eaux troubles du conflit israélo-palestinien sans provoquer de malentendus ou d’interprétations polémiques.
Mais en réalité, Olivier Faure lance cette polémique comme un contrefeu pour faire oublier les négociations de non-censure avec Sébastien Lecornu. D’un côté, le chef du PS veut prouver qu’il est responsable en refusant d’aggraver la situation politique, selon certains observateurs politiques qui y voient une stratégie de communication détournée.
Bruno Retailleau monte au créneau
Bruno Retailleau (ministre démissionnaire) s’oppose a l’affichage, affirmant que cela « porterait gravement atteinte au principe de neutralité des services publics » et qu' »il y a suffisamment de sujets de division dans le pays pour ne pas importer le conflit du Proche-Orient ».
« Je rappelle à M. Olivier Faure que la justice administrative a ordonné récemment, et à plusieurs reprises, le retrait de drapeaux palestiniens du fronton de mairies, au motif qu’ils portaient gravement atteinte au principe de neutralité des services publics », a réagi sur X lundi le ministre de l’Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau.
Cette intervention du chef de file des Républicains témoigne de la volonté de la droite de s’emparer de cette polémique pour critiquer la gauche sur sa gestion des questions communautaires et de laïcité.
Un contexte juridique contraignant
Les rappels juridiques de Bruno Retailleau ne sont pas dénués de fondement. Plusieurs tribunaux administratifs ont effectivement ordonné ces derniers mois le retrait de drapeaux palestiniens hissés sur des mairies, au nom du principe de neutralité des services publics. Ces décisions de justice créent un cadre légal strict qui complique la réalisation de la proposition d’Olivier Faure.
La jurisprudence administrative française est claire : les collectivités locales ne peuvent arborer que le drapeau tricolore, le drapeau européen et éventuellement le drapeau régional. Tout autre emblème est susceptible de porter atteinte au principe de neutralité du service public.
Des répercussions politiques élargies
Cette controverse s’inscrit dans un contexte plus large de tensions au sein de la gauche française sur la question palestinienne. Le Parti socialiste, tiraillé entre ses valeurs traditionnelles de défense des droits humains et la nécessité de maintenir un équilibre dans ses relations avec la communauté juive française, peine à trouver une ligne cohérente.
L’affaire révèle également les difficultés du PS à se distinguer de La France insoumise sur ces sujets sensibles, tout en évitant les écueils d’un discours perçu comme antisémite par une partie de l’opinion publique.
Une reconnaissance palestinienne dans la tourmente
Cette polémique intervient alors que la France s’apprête à reconnaître officiellement l’État palestinien le 22 septembre, une décision déjà annoncée par Emmanuel Macron dans le cadre de sa diplomatie au Proche-Orient. Cette reconnaissance, qui devait constituer un geste diplomatique mesuré, risque désormais d’être parasitée par les divisions internes françaises.
La coïncidence avec Roch Hachana 2025 ajoute une dimension symbolique malheureuse à cette reconnaissance, que les détracteurs d’Olivier Faure n’hésitent pas à exploiter pour dénoncer une « provocation » délibérée.
L’importation du conflit en question
Au-delà des enjeux partisans, cette affaire soulève la question fondamentale de l' »importation » du conflit israélo-palestinien en France. Les autorités publiques et les responsables politiques sont confrontés à la difficulté de concilier la liberté d’expression, le soutien aux causes internationales et la préservation de la cohésion sociale nationale.
L’appel d’Olivier Faure s’inscrit dans une série d’initiatives similaires observées dans d’autres pays européens, où les drapeaux palestiniens sont devenus des symboles de protestation contre la politique israélienne à Gaza. Cependant, le contexte français, marqué par une importante communauté juive et des tensions communautaires récurrentes, rend ces gestes particulièrement sensibles.
Cette polémique illustre finalement l’impossibilité pour les responsables politiques français d’aborder sereinement la question israélo-palestinienne sans déclencher de vives réactions. Elle témoigne aussi de la fragilité des équilibres communautaires dans un pays où les échos du conflit proche-oriental résonnent avec une acuité particulière.

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