Référendum : une nouvelle respiration démocratique pour sortir de l’impasse politique ?

Par Germain de Lupiac
6 mai 2025 16:18 Mis à jour: 6 mai 2025 17:51

Avec récurrence, l’hypothèse d’un référendum est abordée quand la situation politique se trouve dans une impasse. Immigration, retraites, identité nationale et maintenant dépenses publiques.

Le chef de l’État, qui a plusieurs fois fait part de sa réflexion à ce sujet, pourrait s’exprimer le 13 mai lors d’une émission spéciale avec des acteurs de la société civile. Mais certains dans son camp redoutent l’effet boomerang d’une consultation organisée par un président impopulaire.

Lors de ses vœux du Nouvel An, le Président avait promis de demander aux Français de « trancher » en 2025 sur certains « sujets déterminants », possiblement avant l’été. Depuis, les avancées se sont faites prudentes.

Selon son entourage, le Président songe à plusieurs référendums simultanés, sur des sujets variés, pour dépassionner le recours à cet outil qu’aucun président n’a osé dégainer depuis vingt ans, après la victoire du « non » sur la Constitution européenne en 2005.

Dans son propre camp, on le met en garde contre la possibilité que les Français répondent par réflexe « non » à celui qui pose la question, au risque de saper encore plus sa légitimité.

Les stratèges élyséens, eux, n’en démordent pas, persuadés qu’Emmanuel Macron peut réussir à retirer au référendum son caractère « plébiscitaire ». Avec en ligne de mire l’idée qu’il pourrait être ensuite utilisé régulièrement pour surmonter « les blocages » parlementaires.

François Bayrou évoque un référendum sur la réduction de la dette

Un référendum pour surmonter les blocages politiques, réformer l’État et ses finances. C’est l’option mise sur la table le 4 mai par le Premier ministre, François Bayrou, qui a redit être confronté à un « Himalaya » de difficultés.

Privé de majorité à l’Assemblée nationale, se heurtant aux oppositions de secteurs économiques, François Bayrou voit dans le référendum une manière de contourner les blocages. Mais il s’agit d’une prérogative constitutionnelle du chef de l’État.

« Un référendum ne peut être décidé que par le président de la République. Le gouvernement propose, le Président décide. Mais la question de l’adhésion des Français aux réformes est bien la question centrale », a-t-il estimé, dans un entretien au Journal du Dimanche.

« La Constitution est claire dans ses termes et j’aurai à m’exprimer au bon moment », avait déclaré Emmanuel Macron fin février, dans une référence à l’article 11 de la Constitution qui stipule que c’est au chef de l’État que revient le pouvoir de soumettre au référendum un projet de loi, sur proposition du gouvernement ou sur proposition conjointe des deux assemblées.

Jamais sous la Ve République une telle consultation des Français n’a été organisée pour faire adopter un texte budgétaire. « Je pense que la question est assez grave, assez lourde de conséquences pour l’avenir de la nation, pour qu’elle s’adresse directement aux citoyens », a ajouté le Premier ministre.

Le chef du gouvernement dresse un constat d’échec des tentatives de mener des réformes de structure dans le domaine de l’État et des finances publiques. « Quand on réforme par les voies classiques, par le passage en force, que se passe-t-il? Le pays entre en grève, les manifestations s’enchaînent, et personne ne sait si ceux qui défilent connaissent vraiment le contenu de ce qu’ils contestent. »

Une idée accueillie avec scepticisme

L’idée d’un référendum sur « un plan d’ensemble » de réduction des déficits a été accueillie avec scepticisme par la classe politique, à gauche comme à droite.

« Il n’y a pas besoin de référendum pour savoir que les Français en ont assez des augmentations d’impôts. Et la seule chose qu’on demande au Premier ministre, c’est d’avoir enfin le courage de s’attaquer au gaspillage de l’argent public », a taclé sur France 3 Laurent Wauquiez, le patron des députés Les Républicains.

Peu de chance que cela convainque non plus la gauche, massivement opposée à une réduction des dépenses et qui préférerait augmenter les recettes, notamment en taxant les grandes fortunes et les grosses entreprises.

Pour le coordinateur national de La France insoumise (LFI) Manuel Bompard, interrogé sur LCI, l’idée du Premier ministre est « loufoque ». Le patron du PS Olivier Faure a dénoncé une idée « assez farfelue » appelant, plutôt, à un référendum sur les retraites. « Je crains que ce soit un écran de fumée et que ce soit très difficile de voter par oui ou par non à un projet de budget qui engage l’ensemble des secteurs, de la défense jusqu’à l’éducation, en passant par tout ce que comprend un budget, c’est-à-dire la vie de la nation », a-t-il argumenté sur BFMTV.

Neuf Français sur dix favorables aux référendums

Près de neuf Français sur dix (88 %) se disent favorables à la possibilité de consulter le pays par référendum, selon un sondage Ipsos paru début février.

Dans cette étude pour La Tribune dimanche, un référendum sur « le niveau et la répartition des dépenses publiques et de la fiscalité » est réclamé par 78 % des sondés, « les aspects sociaux de la politique migratoire » par 74 %, à égalité avec « le travail » – notamment « durée, modalité, retraite » – et « l’adoption d’un mode de scrutin à la proportionnelle pour les élections législatives ».

Seules 8 % des personnes interrogées indiquent qu’elles voteraient « pour manifester leur soutien au président de la République et au gouvernement », 25 % « leur opposition », quand 63 % le feraient pour se prononcer « avant tout sur le sujet du référendum ».

Sur quels sujets les Français pourraient être interrogés ?

Parmi les sujets qui semblent retenir l’attention du Président figure la question du travail. Le chef de l’État trouverait son inspiration chez Antoine Foucher, directeur de cabinet ministériel durant son premier quinquennat et auteur d’un essai à succès, Sortir du travail qui ne paie plus, aux Éditions de l’aube.

Même chose pour la thématique d’une « reprise du contrôle de l’espace numérique », alors qu’Emmanuel Macron n’a pas réussi jusqu’ici à donner suite aux recommandations d’une commission qui prônait l’interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans.

Jusqu’à récemment, un référendum sur l’immigration était exclu par le pouvoir au nom de l’article 11 de la Constitution, qui en restreint le champ notamment aux « réformes relatives à la politique économique ou sociale ». Emmanuel Macron avait proposé une révision constitutionnelle pour élargir cet article, mais avait abandonné faute de consensus suffisant pour la faire adopter.

Pas de quoi désarmer les partisans d’une telle consultation. « J’affirme qu’aujourd’hui il est possible d’avoir un référendum sur des questions migratoires, à condition » qu’elles soient en lien avec « la question sociale », avait déclaré le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. Or au sommet de l’État, on n’exclut plus cette hypothèse. « Ça dépend par quel angle on le prend », temporise un proche du Président.

Un autre sujet revient avec insistance dans ce qui filtre des cogitations d’Emmanuel Macron : la fin de vie. Jusqu’ici, l’Élysée jugeait que l’instauration de l’aide active à mourir relevait du registre « sociétal », qui n’est pas prévu par l’article 11, et surtout que soumettre ce sujet intime et sensible aux électeurs revenait à prendre le risque de diviser la société.

Reste à savoir si Emmanuel Macron, qui a agité ses velléités référendaires à plusieurs reprises sans jamais passer à l’acte, ira cette fois au bout.

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