René Springer, député allemand de l’AfD : « L’heure viendra très bientôt où chaque État membre se portera mieux hors de l’Union européenne que dedans »

Par Etienne Fauchaire
12 mai 2025 21:35 Mis à jour: 12 mai 2025 22:50

ENTRETIEN – Le classement de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), premier parti d’opposition, comme « mouvement d’extrême droite avéré », prélude à sa mise sous surveillance intensive par les services de renseignement, a provoqué l’ire de Washington. Le vice-président américain JD Vance y a vu le retour d’un mur de Berlin « reconstruit non pas par les Soviétiques ou les Russes, mais par l’establishment allemand » ; le secrétaire d’État Marco Rubio, lui, une « tyrannie déguisée », estimant que le véritable extrémisme réside dans « la politique mortifère d’immigration » mise en œuvre par l’État allemand. Député AfD au Bundestag, René Springer livre son point de vue sur les ressorts d’une manœuvre qu’il juge éminemment politique et revient sur les raisons pour lesquelles son parti appelle à une sortie de l’Union européenne.

Epoch Times : Pour justifier sa décision, l’Office fédéral de protection de la Constitution a jugé que l’idéologie de l’AfD n’est « pas compatible avec l’ordre démocratique fondamental », insistant dans son communiqué sur « l’attitude du parti globalement hostile aux migrants et aux musulmans » et « l’agitation continue contre les réfugiés » qui « favorise la propagation et l’approfondissement de préjugés, ressentiments et peurs ». En tant que député AfD au Bundestag, quel regard portez-vous sur cette décision ?

René Springer : Il faut comprendre que le service de renseignement intérieur allemand, le Verfassungsschutz, est une institution unique en son genre, sans équivalent dans aucune autre démocratie libérale. Sa mission principale est d’empêcher une prise de pouvoir par des « extrémistes » au travers des voies légales, c’est-à-dire par les élections.

Cette création est supposée découler de l’échec de la République de Weimar. Mais, en raison de la structure même de cet office et de son intégration étroite dans l’appareil d’État, il est devenu un outil permettant aux partis dominants de faire passer leur opposition la plus sérieuse comme un danger futur pour l’ordre politique existant.

Les partis établis en Allemagne, qui ont gouverné le pays et l’ont entrainé dans une succession de crises, ont poussé cette stratégie jusqu’à tenter de désigner un tiers de la population comme ennemi de l’État. Je suis convaincu que cela finira par se retourner gravement contre eux.

Depuis, ce classement a été suspendu, dans l’attente d’une décision de justice à la suite du recours déposé par votre parti. Toutefois, en février 2024, les juges du tribunal de Munster avaient rejeté une autre demande de ne plus être classé comme « groupe suspect d’extrémisme de droite » par le renseignement, confirmant une décision du tribunal de Cologne en 2022. Que pouvez-vous nous dire de ce jugement, que certains observateurs considèrent comme potentiellement annonciateur de l’issue de la bataille juridique qui s’engage ?

Toutes ces décisions judiciaires s’inscrivent dans la droite ligne des définitions actuelles de l’« extrémisme », telles qu’elles sont imposées par le système.

En réalité, ce terme en vient à englober toute forme de remise de critiques de la doxa idéologique, que ce soit sur les énergies vertes, la géopolitique transatlantique, l’immigration de masse, les idéologies post-nationales, le transgenrisme, etc.

Je ne suis donc pas surpris par ces jugements. Mais je suis profondément préoccupé par l’avenir de ce pays si sa jurisprudence décide de considérer des opinions très largement partagées comme des menaces contre la démocratie.

Dans un contexte où les critiques émises par les partis de droite sur la question de l’immigration sont devenues monnaie courante dans le débat démocratique occidental, pourquoi, selon vous, les institutions allemandes réagissent-elles avec une telle sévérité à l’égard de l’AfD ?

Le seul impératif qui gouverne la politique de ce système, c’est le « plus jamais ça », c’est-à-dire une lutte éternelle pour empêcher qu’un nouveau 1933 ne se reproduise.

Évidemment, s’opposer à la migration de masse n’a strictement rien à voir avec les conditions historiques du début du XXe siècle, ni avec les partis fascistes de l’époque.

Mais tout ce qui relève d’un sentiment penchant un tant soit peu à droite est immédiatement interprété par la classe dirigeante allemande à l’aune de ce prisme historique.

Cette tendance conduit à certains comportements pathologiques, comme par exemple le recours à des méthodes antidémocratiques pour soi-disant « sauver » la démocratie : cette contradiction finira par plonger le pays dans une crise constitutionnelle.

Des responsables politiques de Die Linke, des Verts, du SPD, et même de la CDU ont publiquement exprimé leur volonté d’interdire l’AfD. Une telle unanimité, allant de l’extrême gauche au centre-droit, a soulevé des inquiétudes quant à l’état de la démocratie allemande à l’étranger. Elon Musk parle « d’attaque extrême contre la démocratie » et soutient que votre parti a en réalité « des positions politiques centristes, qui ne sont même pas de droite ». En France, même parmi les détracteurs les plus virulents du parti dans les médias, ils sont plusieurs à juger qu’une telle interdiction constituerait une mesure susceptible de discréditer l’Union européenne. Ces responsables allemands ne craignent-ils pas d’offrir au monde l’image d’un pays prêt à bannir l’opposition, et donc d’être perçu comme un régime autoritaire ?

Encore une fois, l’état d’esprit qui anime l’élite au pouvoir en Allemagne se résume à un alarmisme antifasciste. Ces gens croient vraiment qu’ils combattent le fascisme et que des pays comme les États-Unis et la Hongrie sont dirigés par des quasi fascistes. Difficile de prendre ces gens au sérieux, même s’ils tiennent les rênes du pouvoir…

Et ils sont prêts à combattre la moitié du globe, pourvu que cela leur donne le sentiment de corriger l’histoire.

Formation de droite avec une orientation économiquement libérale assumée, l’AfD prône le « Dexit », c’est-à-dire la sortie de l’Allemagne de l’Union européenne et de l’euro. De l’extrême gauche de Die Linke au centre-droit de la CDU, cette proposition vous attire de vives critiques. Dans l’Hexagone, les partis de droite les plus installés refusent le Frexit. Ils font valoir qu’une sortie de l’euro entrainerait des conséquences économiques très lourdes à assumer pour le pays et que la France, compte tenu de son poids dans l’Union, devrait plutôt engager un bras de fer avec Bruxelles pour reprendre le contrôle, par exemple, sur sa politique migratoire. Quel jugement portez-vous sur cette vision ?

Très franchement, l’idée de réformer de l’intérieur l’appareil bureaucratique de Bruxelles m’apparait tout bonnement irréaliste. À ce stade, nous voyons jusqu’où les eurocrates sont prêts à aller pour punir des pays comme la Hongrie, qui s’opposent à l’immigration de masse. Les eurocrates n’hésitent même plus à soutenir l’annulation d’élections nationales, comme cela s’est produit en Roumanie. Je ne vois aucune marge de manœuvre pour quelque réforme que ce soit.

Quant à la question économique… de qui se moque-t-on ? Que ce soit par ses sanctions en tout genre ou encore son agenda du Pacte vert, l’Union européenne est en train de ruiner l’Europe. À ce rythme, l’heure viendra très bientôt où chaque État membre se portera mieux hors de l’Union que dedans. Nous sommes simplement en avance sur les autres.

Mardi, Friedrich Merz n’a pas obtenu la majorité absolue au premier tour de l’élection au poste de chancelier, un fait inédit dans l’Allemagne de l’après-guerre. S’il a finalement été élu au second tour, l’absence de soutien exprimé par certains membres de sa propre coalition lors du premier vote a interpelé. À quoi vous attendez-vous en matière de stabilité et de cohésion de ce nouveau gouvernement ?

Ce gouvernement dirigé par la CDU a échoué avant même d’avoir commencé. Friedrich Merz a renié l’ensemble de ses promesses de campagne : il a cédé aux exigences rouges-vertes et renoncé à toute mesure qui serait pourtant nécessaire pour répondre à la crise migratoire.

In fine, ce gouvernement ne sera, somme toute, qu’une reconduction du précédent. Et la dernière coalition gouvernementale a échoué. Ce qui m’inquiète, c’est que Merz semble prêt à tout pour entraîner l’Allemagne dans un conflit militaire avec la Russie. Il semble que c’est la seule position qu’il assume avec conviction.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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