Renforcement des frontières américaines : le Mexique peut-il faire face ?

12 décembre 2016 14:00 Mis à jour: 12 décembre 2016 10:35

Si le président américain élu applique ses promesses de campagne, les États-Unis renforceront de manière drastique leur frontière avec le Mexique et expulseront tous les migrants mexicains illégaux déjà condamnés par la justice. Les conséquences de ces mesures, du côté mexicain de la frontière, pourraient être dramatiques.

Donald Trump « tente d’exercer son influence sur l’économie mondiale pour protéger les classes moyennes américaines », ce qui inclut une meilleure protection des frontières, explique le Dr Robert J. Bunker, chercheur du département de politique et d’économie de l’université Claremont. Mais les mesures qu’il prévoit auront « un potentiel élevé d’effet boomerang », en mettant le Mexique dans une situation d’incapacité à gérer sa propre sécurité.

« L’État mexicain est bien plus fragile que beaucoup ne le croient », explique-t-il en argumentant sur la bombe à retardement que constitue l’accumulation des candidats à l’immigration de toute l’Amérique latine le long de la frontière mexico-américaine. Ceux-ci, en absence de perspective d’emploi, vont fournir une main-d’œuvre nouvelle aux cartels de la drogue et « être plus que ce que le gouvernement mexicain est capable de gérer ».

En 2015, les autorités mexicaines ont déporté près de 200 000 personnes venues d’Amérique centrale et ont accepté 1 200 demandes d’asile sur les 3 500 qui lui ont été soumises.

Dans le même temps, il est évident pour le chercheur que « les cartels mexicains ne resteront pas inactifs en voyant que leurs produits ne passent plus la frontière américaine, et nous pouvons d’ores et déjà envisager qu’ils mettront en place des contre-mesures visant les douanes américaines ». Les cartels de drogue mexicains sont à l’origine d’une épidémie de toxicomanie et de crime organisé aux États-Unis, et sont devenus la cible d’une véritable guerre menée par les autorités mexicaines sous présidence Calderon. Celle-ci a entraîné plus de 100 000 décès parmi les trafiquants et les populations ces dix dernières années et mis plusieurs villes du nord du Mexique dans une situation de quasi guerre civile.

Le risque, estime Bunker, est de voir une sorte de gouvernement mexicain parallèle apparaître si les États-Unis exercent une pression trop forte et trop rapide et abandonnent le Mexique à ses problèmes. « Il serait bien plus efficace d’avoir une attitude collaborative pour conduire les pays voisins à respecter les besoins sécuritaires [des États-Unis] plutôt que de permettre l’émergence de nouvelles entités et États hostiles ».

La crise migratoire au Mexique

Le Mexique fait en effet très difficilement face à l’afflux de migrants venus de toute l’Amérique latine. Le Los Angeles Times explique par exemple que les autorités mexicaines ont déporté en 2015 près de 200 000 personnes venues d’Amérique centrale, et que les chiffres 2016 devraient être encore plus élevés. Sur la même année 2015, le gouvernement mexicain n’a accepté que 1 200 demandes d’asile sur les 3 500 qui lui ont été soumises.

Du côté américain de la frontière, le Département de la Sécurité Intérieure a indiqué le 17 octobre avoir interpellé 408 000 personnes tentant de traverser illégalement la frontière en 2016 en rappelant que, depuis 2014, « les migrants d’Amérique centrale sont plus nombreux que les Mexicains ». Le 1er décembre, le Los Angeles Times publiait le résultat d’une enquête auprès de migrants d’Amérique centrale indiquant que le Mexique était leur second choix en cas d’échec aux États-Unis.

Donald Trump a annoncé qu’il prévoyait d’expulser près de trois millions de migrants illégaux condamnés par la justice. Robert Bunker, s’il s’inquiète pour le Mexique, est résigné pour d’autres pays et pense par exemple que les expulsions ne devraient pas avoir d’impact significatif sur des pays comme le Salvador, le Honduras et le Guatemala, où « les gangs violents sont si nombreux que, au vu du nombre actuel d’assassinats, ces communautés urbaines peuvent difficilement aller plus mal ».

Les conséquences

D’après Drew Berquist, fondateur du site Internet OpsLens dédié aux questions de sécurité nationale, un contrôle plus étroit des frontières pourrait modifier en profondeurs les relations entre familles du crime mexicaines et politiciens corrompus. Il reste à confirmer que Donald Trump fasse réellement construire son « grand mur » à la frontière Sud des États-Unis, mais pour Berquist, même avec un mur, les cartels trouveront de nouveaux moyens pour faire passer la drogue aux États-Unis. « Cela ralentira, mais cela ne se réduira pas de façon aussi radicale que certains l’imaginent. » Malgré cela, dit-il, « le fait que nous ayons une position plus dure et bien plus forte sur la question de l’immigration va changer les choses ».

Pour le Mexique, c’est un peu la « tempête parfaite » qui se profile sur le front sécuritaire : son marché du travail ne peut absorber l’ensemble des migrants d’Amérique centrale, et il devra gérer des centaines de milliers, voire des millions de criminels supplémentaires déportés depuis les États-Unis. Dans le même temps, les flux financiers venant de Mexicains émigrés envoyant de l’argent à leur famille diminueront. Ils étaient estimés à 24 milliards de dollars en 2015 soit plus que les revenus pétroliers du pays. Pour les cartels mexicains, des frontières mieux contrôlées et des relais affaiblis aux États-Unis vont aussi créer une compétition accrue pour se maintenir sur ce « marché » qui ramène vers le Mexique, 64 milliards de dollars chaque année.

Même s’il est peu probable que le flux de drogues et l’arrivée de migrants illégaux soient complètement stoppés, la réduction combinée des deux, additionnée au nombre de migrants sans emploi au Mexique et au retour massif de criminels et de membres de cartels de la drogue vont être un cocktail explosif pour le Mexique.

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