La réponse aux questions d’un lecteur sur la lutte des factions en Chine

6 octobre 2016 09:32 Mis à jour: 7 janvier 2017 19:29

Un lecteur d’Epoch Times qui s’est présenté comme sinophile et a souhaité rester anonyme – nous l’appellerons ici « James » – a récemment évoqué le sujet de la lutte intestine entre factions au sein du régime communiste chinois. Il a posé à notre journaliste des questions détaillées concernant notre interprétation des différents aspects de la politique de l’élite chinoise.

Tout d’abord, il a posé des questions concernant les reportages sur la soi-disant faction de la Ligue de la jeunesse communiste, ainsi que sur la « clique de Zhejiang », une faction qui serait dirigée par le chef du Parti Xi Jinping. Il a également demandé de clarifier nos articles suggérant que l’ancien dirigeant du Parti Jiang Zemin aurait été contraint de quitter de son domicile, ainsi que sur la situation actuelle de Jiang Mianheng, fils aîné de Jiang Zemin, qui, selon nos articles, aurait été placé en résidence surveillée.

Étant donné la grande pertinence de ces questions et l’intérêt qu’elles pourraient susciter, nous avons décidé de publier notre correspondance avec ce lecteur – quatre e-mails que nous avons réédités afin de les rendre plus clairs et plus courts. Nous espérons que les lecteurs les trouveront utiles.

–Larry Ong

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Bonjour,

J’ai vu un article de Reuters qui prétend avoir trois informateurs au sein du gouvernement du PCC, qui sont directement liés à la haute direction (Xi Jinping et ses alliés) et qui ont révélé leurs informations sous l’anonymat.

L’article dit qu’il y a trois factions au sein du gouvernement chinois : la clique de Zhejiang dirigée par le Président Xi Jinping ; la faction Tuanpai (ou la Ligue de la jeunesse communiste) dirigée actuellement par le Premier ministre Li Keqiang ; et le gang de Shanghai qui est dirigé par l’ancien chef suprême Jiang Zemin et qui, selon l’article, maintient encore un pouvoir considérable.

Il y avait un article d’Epoch Times qui traitait la faction Tuanpai de « zombi politique », mettant en doute son existence. Cependant, selon Reuters, la faction Tuanpai est très visible et puissante. L’une des sources internes citées par l’article (de Reuters) affirme qu’au moins un membre de la faction Tuanpai sera élu l’année prochaine au Comité permanent du Politburo, indépendamment de ce que fera Xi Jinping. De toute façon, Li Keqiang restera au pouvoir, car il n’aura pas atteint « l’âge de la retraite ». Donc, le Premier ministre Li devrait avoir au moins un allié dans le tout puissant Comité permanent.

Cordialement,

James

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Cher James,

Nous n’avons pas écrit sur la « clique de Zhejiang » parce que les preuves de son existence ne sont pas assez solides. Contrairement à Jiang Zemin, Xi Jinping semble avoir été moins enclin à établir sa propre faction politique dans le Zhejiang, ou Fujian, au début de sa carrière (ce manque apparent d’ambition l’a probablement aidé à accéder au plus haut niveau politique). Le terme « clique de Zhejiang » n’est que récemment apparu dans les discours politiques.

C’est vrai que Xi Jinping a récemment promu ceux avec qui il avait travaillé dans ces provinces, mais ceci semble être plutôt le cas de « quelqu’un qu’on connaît » que des allégeances de type mafieux.

Nous avons cité Li Datong, ancien rédacteur au China Youth Daily, quand nous avons parlé de la Ligue de la jeunesse communiste comme d’un « zombi politique », car nous partageons cet avis. De nombreux dirigeants du Parti, y compris Xi Jinping, ont à un certain moment travaillé dans la Ligue de la jeunesse. Alors, sont-ils tous membres de la faction Tuanpai ?

Toutefois, c’est assez normal que les anciens membres de l’élite de la Ligue de la jeunesse Hu Jintao et Li Keqiang soient alliés ; de toutes façons, les deux dirigeants de la Ligue de la jeunesse sont les « guanerdai » réussis, ou les fonctionnaires qui avaient gravi les échelons grâce à leurs propres mérites et non du fait d’avoir un père « vétéran révolutionnaire ».

Nous avons abordé l’alliance politique entre Hu Jintao, Wen Jiabao et Li Keqiang, trois membres présumés de faction Tuanpai, et Xi Jinping.

Sincères salutations,

Larry Ong

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Bonjour Larry,

Je vous remercie de votre réponse informative. […]

Au cours de l’été, il y avait une série d’articles (d’Epoch Times) (basés sur les sources anonymes comme celles citées par Reuters / Business Insider) qui disaient que la famille de Jiang Zemin avait été placée sous enquête.

Tout d’abord, il y avait des articles qui disaient que Jiang Zemin et Jiang Mianheng étaient placés en résidence surveillée. Puis, encore plus intéressant, il y avait un article disant que Jiang Zemin avait été détenu par la police armée du peuple et remis à la Commission militaire centrale. Je voudrais bien croire que le président Xi a finalement décidé d’arrêter Jiang Zemin. À mon avis, Jiang Zemin est l’une des personnes les plus perverses qui n’a jamais existé sur la Terre, peut importe à quel point il peut paraître drôle lors des rencontres internationales ou sur des photos. Il y avait quand-même des problèmes immédiats avec cette histoire des « drapeaux rouges » qui mettaient en doute son authenticité.

D’une part, l’article disait que la police armée du peuple avait arrêté Jiang Zemin et l’avait amené dans une installation militaire appartenant à la région militaire de Pékin (RMP). Le problème est que, selon l’article, cela a eu lieu en juin dernier. Pourtant, il n’y avait plus de région militaire de Pékin ni à cette époque ni maintenant. Le président Xi avait aboli le système de régions militaires (il y en avait sept au total) et l’a remplacé par un système de « théâtres de commandement ». Avant le mois de juin, la RMP a été remplacée par le Théâtre de commandement central.

D’autre part, bien que l’article se réfère à une source d’information différente, il y a des preuves que l’information sur la détention ou l’assignation à résidence de Jiang Mianheng est fausse. Jiang Mianheng est toujours président de l’Université ShanghaiTech et reste très actif. Il participe à des forums internationaux, différentes activités universitaires et des séances de photos mensuelles. Vous pouvez aller sur le site de l’Université ShanghaiTech et voir les photos de Mianheng prises lors des événements universitaires tout au long de l’année, y compris des réunions avec des scientifiques de l’Europe et de l’Amérique. Je n’ai vu aucun signe indiquant que la mobilité de Jiang Mianheng avait été restreinte, ou qu’il soit en résidence surveillée. Sa démission soudaine, en 2015, de son poste de président de la succursale de Shanghai de l’Académie chinoise des sciences, malgré son (relativement jeune) âge, ne semble pas être liée à une soumission à une enquête quelconque. Au contraire, il semble être lié à sont souhait de se concentrer sur ses fonctions à l’Université ShanghaiTech nouvellement créée, dont il est le fondateur.

Voulant obtenir une confirmation définitive du sort de Jiang Zemin, j’ai contacté mes connaissances en Australie, par exemple le journaliste australien John Garnaut, mais personne n’a pas pu confirmer les rapports sur l’arrestation de Jiang. Le seul signe en faveur de cela est le fait que les médias chinois ont ignoré le 90e anniversaire de Jiang.

Il n’y a personne sur cette planète qui voudrait croire à cette histoire plus que moi, car je veux que le président Xi efface complètement le gang de Shanghai (ou la clique de Shanghai, bien que je préfère l’appeler Jiang Taizidang). La Chine ne peut pas aller de l’avant ou progresser avec cette faction ou même avec les vestiges de Jiang Zemin, l’une des pires factions politiques de l’histoire …

Cordialement,

James

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Cher James,

En ce qui concerne notre article de juin dernier suggérant que Jiang Zemin avait été emmené de son domicile, notre source d’information a indiqué qu’il avait été mis dans un établissement militaire dans l’ancienne région militaire de Pékin. La région militaire de Pékin a été remplacée par le Théâtre de commandement central en février dernier, mais ce changement ne contredit pas les informations que nous avons reçues, car des parties de l’ancienne région militaire de Pékin, notamment Pékin, Tianjin et Hebei, font partie du nouveau Théâtre de commandement central.

Nous comprenons que notre source d’information voulait donner plus de détails sur l’endroit où se trouvait Jiang Zemin à l’époque, mais il a décidé qu’il fallait mieux garder les choses un peu vagues.

Nous avons été informés que Jiang Zemin avait été emmené de chez lui après la publication de notre premier rapport. Mais nous avons estimé que cette information était moins fiable que la première.

Nous sommes conscients que Jiang Mianheng a été vu à l’Université ShanghaiTech alors qu’il est censé être placé sous une certaine forme de résidence surveillée. Cependant, il n’y a rien d’étonnant que le fils de Jiang Zemin apparaisse en public en étant placé en résidence surveillée. Le régime chinois a une compréhension et une pratique de détention à domicile un peu différente de celle existant dans d’autres pays. La personne peut être autorisée à une certaine forme de déplacement, ou à parler à la presse, mais cela ne signifie pas qu’elle ne soit pas surveillée ou qu’elle puisse quitter le pays.

En voilà quelques exemples :

Tout d’abord, des rumeurs que Zhou Yongkang soit restreint dans ses déplacements ou placées en « détention douce » sont apparues en 2013 ; un article de Reuters paru en août 2013 en est peut-être le meilleur exemple d’annonces de ce genre. Toutefois, Zhou est apparu en public au moins une fois après la publication de l’article de Reuters – il a assisté au 60e anniversaire de la fondation de l’Université pétrolière de Chine en octobre 2013. Zhou n’a été définitivement mis de côté qu’en juillet 2014, après l’annonce officielle de l’agence anti-corruption qu’il avait été placé sous enquête.

Les militants des droits de l’homme sont traités en résidence surveillée de manière plus stricte, probablement parce qu’ils sont plus expansibles dans leurs actions. Gao Zhisheng reste en résidence surveillée dans sa maison-grotte depuis 2014 et il ne peut toujours pas aller en ville pour soigner ses dents. Par contre, Zheng Enchong, avocat des droits de l’homme de Shanghai, a donné des interviews à notre journal et peut quitter son domicile (il ne peut tout simplement pas quitter Shanghai ou partir à l’étranger), mais reste sous surveillance 24 heures sur 24.

Les choses en Chine sont, toutefois, arrivées au point où on n’a plus besoin de sources secrètes pour constater que Jiang a en effet de sérieux ennuis.

Le 21 juillet dernier, Oriental Daily, un journal de Hong Kong connu pour suivre la ligne de Pékin, a annoncé que Jiang Zemin n’avait pas envoyé de couronne à l’enterrement d’un vétéran du Parti. Je l’ai mentionné à la fin de l’article sur l’emprisonnement à perpétuité de Guo Boxiong.

Ensuite, les médias chinois ont en effet ignoré le 90ème anniversaire de Jiang et, selon le Financial Times, la police a mis en garde ses partisans contre une célébration de son anniversaire.

Après la conférence de Beidaihe, Xin Ziling, ancien chef du bureau de la rédaction de l’Université nationale de la défense, a déclaré que Xi Jinping avait reçu un accord informel de la direction du Parti pour traiter le cas de Jiang Zemin et Zeng Qinghong. Nous croyons que Xi Jinping transformera cet accord informel en un accord formel lors du 6e Plénum du Parti. Nous pensons que pour l’instant, Xi Jinping n’annoncera pas l’ouverture d’une enquête, mais si une telle décision est prise, elle s’ébruitera par des canaux informels.

Les alliés de Zhang Gaoli à Tianjin ont récemment été soumis à une purge, tandis que Zhang Dejiang lui-même se trouve dans une position délicate suite au scandale de la fraude lors des élections des délégués de l’Assemblée nationale populaire. On peut aussi attendre que Liu Yunshan puisse avoir des problèmes avant la 6e Plénum. Nous pensons que Xi Jinping est en train de mettre les deux Zhang et Liu sous son contrôle, afin qu’ils le suivent et votent pour mettre Jiang en examen lors du 6e Plénum.

Peut-être le plus grand signe que Jiang a vraiment des ennuis sont les démarches entreprises cette année par Xi Jinping pour signaler qu’il est en train de changer la position du régime envers le Falun Gong. Nous avons documenté cela dans plusieurs articles et nous pouvons résumer brièvement ce que Xi Jinping a fait dans ce domaine :

1) Il a fait allusion au redressement des torts causés par la persécution à la veille de la « date sensible » liée au Falun Gong ;

2) Le Bureau Général du PCC a émis un document qui reconnaît que les pratiquants ont été « injustement traités » pendant les 17 dernières années ;

3) Les avocats des droits de l’homme ont défendu les principes de base du Falun Gong (authenticité, bienveillance, tolérance) dans le tribunal de Tianjin (Tianjin est l’épicentre de la persécution) et sont sorti indemnes.

Sincères salutations,

Larry Ong

Version anglaise : A Response to a Reader’s Queries on Factional Struggle in China

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