Royaume-Uni : « Tout semble indiquer que Reform UK a remplacé les conservateurs comme force d’opposition au gouvernement », analyse Jeremy Stubbs

Par Julian Herrero
7 mai 2025 16:35 Mis à jour: 7 mai 2025 23:27

ENTRETIEN – Raz-de-marée électoral pour la droite populiste outre-Manche. La semaine dernière, à l’occasion d’élections locales, le parti de Nigel Farage Reform UK a remporté 677 sièges de conseillers municipaux et deux mairies régionales. De leur côté, les conservateurs et les travaillistes ont perdu respectivement 674 et 187 sièges. Le président des Conservatives Abroad in Paris et directeur adjoint de la rédaction de Causeur, Jeremy Stubbs, revient sur ces résultats.

Epoch Times : Jeremy Stubbs, assistons-nous à un véritable bouleversement du paysage politique au Royaume-Uni ?

Jeremy Stubbs : Difficile à dire parce que les élections locales sont souvent utilisées par les électeurs pour exprimer un mécontentement général. Cependant, la forte percée de Reform UK laisse croire qu’il s’agit d’un véritable changement politique.

Ce vote exprime une certaine colère à l’égard du gouvernement travailliste, mais surtout vis-à-vis des conservateurs qui sont les grands perdants de ces élections.

Tout semble indiquer que Reform UK a remplacé les conservateurs comme force d’opposition au gouvernement. Ces élections marquent également le retour des libéraux-démocrates qui ont remporté trois municipalités régionales sur six, mais le parti de Nigel Farage, à partir de rien, en a gagné deux.

Une élection parlementaire partielle a aussi eu lieu dans le bastion historiquement rouge de Runcorn & Helsby. Cette dernière a été remportée par Reform UK avec six voix d’avance. Cette marge est faible, mais ce résultat constitue un vrai séisme électoral.

Reform UK est définitivement ancré dans le paysage politique britannique.

Quels sont les moteurs du vote en faveur de Reform UK ? Est-ce la question migratoire ?

Cette question n’était pas mise en avant parce que la politique migratoire est décidée par le gouvernement central. Les municipalités disposent de marges de manœuvre limitées sur ce sujet.

L’immigration était néanmoins présente en arrière-plan durant ces élections. Elle est à la source d’un fort mécontentement de la population, surtout depuis qu’Elon Musk a remis sur le devant de la scène le scandale de Groomings gangs qui avait ému le Royaume-Uni au début des années 2010.

Cette question migratoire est d’autant plus importante outre-Manche qu’elle a été l’an dernier à l’origine d’émeutes. Les manifestants s’opposaient à l’utilisation, par le gouvernement, des hôtels pour loger les migrants. Reform UK a promis de faire tout son possible pour que les hôtels ne soient plus réquisitionnés à ces fins.

Par ailleurs, les candidats du parti de Nigel Farage ont également promis la mise en œuvre d’une opération « DOGE » inspirée de la politique mise en œuvre outre-Atlantique, c’est-à-dire licencier les salariés chargés de veiller au respect des principes de diversité, d’inclusivité, etc.

En somme, des principes liés à la question migratoire et à celle du multiculturalisme. Étant donné que les budgets des municipalités sont déjà très réduits, il n’y aura probablement pas beaucoup d’économies réalisées, mais ces annonces demeurent fortes sur le plan symbolique.

Le vote pour ce parti populiste est-il comparable à celui en faveur de Donald Trump aux États-Unis ?

Les électeurs de Reform UK et ceux de Donald Trump présentent des similarités. Ce sont pour la plupart des « cols bleus », des hommes et des femmes en proie à des problèmes économiques, opposés à l’immigration de masse et qui sont assez méfiants à l’égard d’une certaine élite progressiste qui cherche à imposer sa doctrine. L’une des manifestations de l’imposition de cette doctrine, c’est la manière dont la police britannique a été en quelque sorte infectée par le virus woke.

Par conséquent, il y a une perception, qui à mon sens correspond à la réalité, d’un maintien de l’ordre à deux vitesses. Un individu blanc qui publie sur les réseaux sociaux un message critique vis-à-vis de l’immigration ou qui affirme qu’un homme est un homme et qu’une femme est une femme peut recevoir une visite de la police ou même être arrêté. À l’inverse, des criminels qui pratiquent le vol à l’étalage, phénomène qui explose au Royaume-Uni, ne sont souvent pas du tout inquiétés par la justice.

La cheffe des Tories, Kemi Badenoch, a présenté ses excuses pour les piètres résultats. Remonter la pente s’annonce difficile pour les conservateurs…

Oui, très difficile. Ce nouveau revers intervient presque un an après la cuisante défaite aux élections nationales. Il était donc peu probable, quel que soit le leader, que le parti puisse remonter la pente aussi rapidement. Cette concurrence de Reform UK sur de nombreux sujets rend la tâche presque impossible pour les Tories. Peu importe leur message, celui de Nigel Farage et de ceux qui l’entourent sera un peu plus radical et ils apparaîtront comme la véritable opposition aux travaillistes. À l’inverse, le parti conservateur sera vu comme une version faible de Reform UK.

Kemi Badenoch subit une forte pression. Elle est concurrencée sur sa droite par le très charismatique Nigel Farage, et dans son propre camp ses supporters sont impatients de voir le parti revenir dans le jeu politique.

Malheureusement, elle dispose de peu de marge de manœuvre. La reconstruction du parti conservateur va prendre beaucoup de temps.

Reform UK a remporté l’élection législative partielle à Runcorn & Helsby, bastion du Labour. Les travaillistes vont-ils aussi devoir se réinventer ?

Oui mais ils ont une lecture plus traditionnelle de ces résultats. Ils estiment qu’il est normal qu’à mi-chemin du mandat, les politiques de Keir Starmer ne portent pas leurs fruits et que par conséquent, les électeurs soient mécontents. Pour les travaillistes, la situation va s’améliorer avant la fin du mandat et les Britanniques seront satisfaits du résultat. Ils n’entendent donc pas changer de cap.

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